La Chronique Agora

Pourquoi favorise-t-on les riches ?

Les économistes et banquiers centraux ont posé leur diagnostic quant à l’état de l’économie, et appliquent des remèdes en conséquence. Problème : leur diagnostic est faux… et les remèdes, inopérants.

Imagineriez-vous être garagiste et ne pas connaître le mode de fonctionnement du moteur des voitures ? Je suppose que non.

Pourquoi ?

Parce que nous sommes là dans un savoir « dur », un savoir scientifique ; or en matière de savoir « dur », l’expérience vous dit si ce que vous savez marche ou non. Vous ne pouvez donc pas tricher : c’est bon ou ce n’est pas bon.

En matière de sciences humaines ce n’est pas la même chose : l’expérience n’existe pas – et si elle semble exister, en pratique elle peut toujours être invalidée et truquée.

Ainsi les banques centrales prétendent détenir les remèdes à la crise. Et alors qu’elles n’ont aucun résultat à mettre en face de leur prétention, elles vous rétorquent : « Oui certes on ne le voit pas, mais si nous n’avions pas agi de la sorte, les choses auraient pu être pires ! »

En clair, elles utilisent un argument imparable : si on n’avait pas agi de la sorte cela aurait été pire.

Des remèdes inutiles

Une variante de cet argument fallacieux consiste à dire : « Nos remèdes sont bons mais nous n’en avons pas administré assez ! »

Je rappelle que l’on administre le remède monétaire depuis 11 ans et que personne n’a empêché les illusionnistes que sont les banquiers centraux d’en faire plus, personne ne les contrôle. En 2010, ils pensaient que 1 000 milliards suffiraient ; nous en sommes à 7 000 milliards… et toujours dans la m*** !

Cela me rappelle un professeur de mathématiques, M. Hamon, quand j’étais jeune en Math-Elem, qui pour parler de ce genre de choses, de faux savoir, d’astronomie et d’astrologie, nous disait : « Je suis suivi par sept petits bonshommes verts qui prétendent avoir la particularité de disparaître sitôt qu’un regard se pose sur eux ! Allez prouver que je suis fou ou que je mens. »

Les banques centrales prétendent détenir le remède à la crise à partir d’un diagnostic faux et archi-faux : nous sommes victimes de l’insuffisance de la demande et de l’excès symétrique d’épargne.

S’il y a surproduction et déflation, disent-ils, c’est parce que la demande adressée à l’économie est insuffisante ; les gens épargnent trop.

Si la demande adressée à l’économie est insuffisante, alors nous allons en créer par le crédit… et si les gens ne veulent pas s’endetter, nous allons faire boire des ânes qui n’ont pas soif, nous allons rendre le crédit gratuit, puis nous allons pénaliser ceux qui ont de l’argent et qui ne le dépensent pas en mettant un impôt sur la monnaie – c’est-à-dire en imposant des taux d’intérêt négatifs.

Des mesures contre-productives

Ce diagnostic, c’est celui imposé par Ben Bernanke : celui de l’excès d’épargne et, symétriquement, celui de la sous-consommation.

Pour Lawrence Summers aussi, c’est l’excès d’épargne – mais plutôt provoqué par l’insuffisance de l’investissement, ce qui fait que les taux d’intérêt sont bas ou nul et que l’on est en stagnation séculaire.

Il y a des variantes : si nous avons des déséquilibres persistants, c’est parce que dans le monde entier, les revenus sont répartis de telle manière que les travailleurs et les ménages de la classe moyenne ne peuvent pas consommer suffisamment de ce qu’ils produisent. C’est la théorie de J. A. Hobson, qui séduit beaucoup de socialistes actuellement.

Ce qui frappe dans ces théories qui prétendent constituer des diagnostics, c’est leur incohérence d’une part et leur omission centrale d’autre part.

Je m’explique : si on prétend que les gens ne consomment pas assez et qu’il y a un excès d’offre/surproduction déflationniste, pourquoi augmenter les taux d’exploitation, peser sur les salaires, paupériser, rogner les retraites, etc. ?

C’est contreproductif puisque tout cela renforce les comportements frileux de précaution !

Pourquoi augmenter les inégalités en faisant monter la Bourse, en favorisant les riches… puisque les riches consomment moins en proportion que les pauvres ; ils ont, comme on dit, une propension à consommer faible et une propension à épargner forte.

Par ailleurs, si on prend la théorie de Summers – qui dit qu’il y a un excès d’épargne face à une insuffisance d’investissement, ce qui fait que les courbes se coupent à un niveau d’intérêt très bas voire négatif – n’est-il pas logique de se demander pourquoi les capitalistes n’investissent pas assez, pourquoi ils sont malthusiens alors que les ressources financières existent et sont gratuites et alors que les besoins sont là !

Personne en remet en cause les dogmes qui gouvernent l’action de décideurs économiques parce que surtout il ne faut pas le faire. Le dogme, c’est tabou. Il faut dire tout et son contraire afin de cacher l’essentiel, afin de ne pas dévoiler le pot aux roses.

Le pot aux roses, c’est l’omission de la pierre angulaire du système.

Le pot aux roses, c’est le grand secret du système… c’est-à-dire c’est la révélation de l’évidence : le système est un système pour le profit. Son moteur, c’est le profit – et c’est ce moteur qui est en panne.

A suivre…

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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