La Chronique Agora

Le plan de relance vert de l’Allemagne ne sauvera pas son économie (1/2)

Allemagne, relance, dépenses publiques

Dans un pays où la dette est limitée par la Constitution, le gouvernement veut augmenter la dépense publique en faveur de la transition écologique… en émettant plus de dettes. C’est la garantie que les résultats escomptés ne seront pas au rendez-vous.

Avec l’arrivée au pouvoir de la nouvelle coalition en Allemagne, des débats ont eu lieu concernant la constitutionnalité d’une émission supplémentaire d’obligations d’Etat à hauteur de 60 Mds€. Ce nouvel emprunt est sujet à débat étant donné que l’Allemagne dispose dans sa Constitution un frein à l’endettement, qui limite la possibilité pour le gouvernement de s’endetter et lui impose de maintenir un budget à l’équilibre en dehors des périodes de crise.

En revanche, en situation d’urgence, le frein à l’endettement tolère certaines exceptions et autorise un recours accru aux déficits afin de faire face à une telle situation. Sans surprise, d’énormes quantités de dettes ont ainsi été émises pour faire face à la crise sanitaire.

Le gouvernement allemand prévoit désormais de présenter un projet de loi visant à transférer une autorisation d’endettement non utilisée de 60 Mds€ du fonds de lutte contre le Covid qui avait été approuvée lors du précédent budget vers un fonds spécial appelé « Fonds pour l’énergie et le climat », en dépit du fait que de telles dépenses pour le climat n’auraient pas été exemptées du frein à l’endettement en temps normal.

Le raisonnement avancé pour justifier la constitutionnalité de ce plan est purement keynésien. Ses partisans affirment que l’État doit investir ou fournir les subventions nécessaires pour relancer l’investissement privé dans le sillage de la crise sanitaire. Ces dépenses sont supposées permettre de stimuler la croissance économique. De cette manière, les emplois et sources de revenus de la population seront protégés.

Et, s’il faut mettre en œuvre un plan de relance keynésien pour surmonter la crise sanitaire, alors pourquoi ne pas dépenser l’argent du contribuable dans des « projets verts » ? Ainsi, des dépenses jugées favorables à l’environnement permettront de sortir de cette situation d’urgence.

Panneaux photovoltaïques le long de la Bundesautobahn 20, près de Lübeck, dans le nord de l’Allemagne

Est-ce vraiment une solution pour sortir de la crise ?

Intéressons-nous à l’argument keynésien utilisé pour justifier ce contournement du frein à l’endettement allemand.

Dans le cas du projet de loi présenté, il est prévu de financer des dépenses publiques supplémentaires par le biais d’une augmentation de la dette à hauteur de 60 Mds€. La BCE et le système bancaire européen vont ensuite, selon toute vraisemblance, monétiser cette dette supplémentaire (ce qui implique que la masse monétaire va encore augmenter davantage).

Cette nouvelle source de financement permettra au gouvernement allemand d’acquérir des facteurs de production et de les utiliser dans le cadre de projets jugés favorables au climat. Les facteurs de production ainsi employés par le gouvernement ne seront donc plus disponibles pour des projets alternatifs. En d’autres termes, 60 Mds€ ne seront donc plus disponibles pour le financement de nouveaux projets dans le secteur privé.

Ces dépenses supplémentaires pousseront par ailleurs à la hausse les prix des facteurs de production. Autrement dit, le coût des facteurs de production deviendra plus important qu’il ne l’aurait été sans ces nouvelles dépenses publiques. Par conséquent, les coûts des entreprises privées vont s’alourdir, elles devront supporter des salaires, des tarifs énergétiques et autres charges d’exploitation plus élevés.

A cause de ces dépenses publiques supplémentaires, des projets qui auraient été rentables à un niveau de coût inférieur (pour l’énergie, la main-d’œuvre et autres facteurs de production) ne le seront plus.

Par conséquent, davantage de projets impulsés par le gouvernement se développeront, alors que le nombre de projets impulsés par le secteur privé se réduira. Les bénéficiaires directs de cette politique seront les entreprises favorisées par le gouvernement au travers des subventions distribuées. Et les plus grands perdants seront les entrepreneurs qui seront obligés de renoncer à réaliser leurs projets en raison de la hausse des coûts, ainsi que les consommateurs qui auraient souhaité acheter leurs produits et services.

La concrétisation visible des projets soutenus au travers des subventions étatiques a pour contrepartie invisible le blocage du développement d’autres projets dans le secteur privé. Les projets subventionnés car jugés favorables au climat seront visibles de tous, alors que les projets qui ne pourront pas être mis en œuvre seront inconnus.

Des difficultés supplémentaires

Plus important encore, ces dépenses publiques supplémentaires ne seront d’aucune aide aux entreprises qui font face actuellement à de grandes difficultés en raison de la crise.

Prenez l’exemple d’un restaurateur dont le chiffre d’affaires a été impacté par le pass sanitaire ainsi que les autres restrictions imposées au secteur. Le fait qu’une subvention ait été accordée à un projet jugé favorable au climat ne changera rien à la situation de son entreprise, au chiffre d’affaires perdu durant ces deux dernières années.

Ou imaginez une entreprise qui rencontre des problèmes de chaîne d’approvisionnement. Supposons par exemple qu’elle n’arrive pas à obtenir une livraison de microprocesseurs étant donné qu’ils sont toujours en attente de chargement dans un port chinois. Une entreprise faisant face à ce type de difficultés ne bénéficiera pas non plus des subventions versées pour des projets environnementaux. Ces subventions ne lui apporteront pas les microprocesseurs dont elle a besoin.

Bien au contraire, lorsque ces nouveaux projets environnementaux seront lancés, ils sont susceptibles de demander les mêmes facteurs de production que ceux dont certaines entreprises en difficulté ont besoin, comme par exemple des microprocesseurs. Cela ne fera donc qu’aggraver les goulots d’étranglement et pousser encore davantage à la hausse les prix des facteurs de production dont les entreprises ont besoin.

D’un point de vue économique, il n’y a aucune raison qu’une augmentation des dépenses publiques permette de surmonter les conséquences économiques de la crise sanitaire.

Loin de stimuler une reprise durable de l’investissement privé, les subventions et investissements publics ont au contraire pour effet de les décourager en augmentant les coûts des entreprises. Au lieu d’être employées pour la réalisation de projets impulsés par le secteur privé en fonction des désirs des consommateurs, une part croissante des ressources est utilisée pour des projets soutenus par l’État.

Pour atteindre l’objectif que s’est fixé ce projet de loi et mettre rapidement l’Allemagne sur la voie d’une croissance durable, il serait plus approprié de réduire les dépenses publiques et les impôts. Cela permettrait de mettre à la disposition du secteur privé les ressources qui sont actuellement détournées par l’État.

En outre, une libéralisation complète de l’économie serait bénéfique. Un programme de déréglementation de grande envergure rendrait possibles le développement de projets qui sont actuellement bloqués par les nombreuses contraintes réglementaires et permettrait un rebond économique durable.

Certains nous rétorqueront qu’il est primordial que l’État décide des projets qui sont entrepris avec les facteurs de production disponibles et des industries qui doivent ou non être développées… Et nous répondrons sur ce point demain.


Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.

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