Avec ce plan, les autorités allemandes envoient un très mauvais signal aux investisseurs ainsi qu’aux autres pays de la zone euro. Une nouvelle crise de la monnaie unique serait-elle à prévoir ?
Nous l’avons vu hier, l’Allemagne avait pendant la pandémie décidé de passer outre ses limites constitutionnelles sur la dette. Puis, il y a peu, d’utiliser une partie du montant de cette dette qui n’avait pas été nécessaire, 60 Mds€ pour être exact, pour financer un « Fonds pour l’énergie et le climat », c’est-à-dire des subventions à l’économie « verte ».
Comme pour toutes les dépenses publiques de ce genre, cela revient à aggraver les difficultés du secteur privé causées par la pandémie et les réactions politiques à celle-ci. Au lieu de relancer l’investissement privé, ces subventions augmentent les coûts des entreprises, donc les découragent d’investir.
Certains nous rétorqueront qu’il est primordial que l’État décide des projets qui sont entrepris avec les facteurs de production disponibles et des industries qui doivent ou non être développées.
Loin de l’économie de marché
Cette idée implique cependant que les consommateurs seraient incapables de décider au mieux de l’utilisation de ces ressources, comme cela se passe normalement dans un système d’économie de marché. En effet, dans une économie de marché, les entrepreneurs tentent de déterminer les besoins les plus pressants des consommateurs et allouent leurs ressources en conséquence.
Les entrepreneurs sont donc en concurrence avec leurs rivaux pour déployer au mieux les ressources dont ils disposent afin de répondre aux besoins des consommateurs en fabriquant des produits plus performants et à des prix plus bas. Lorsqu’ils réussissent, ils en sont récompensés par les profits réalisés. En revanche en cas d’échec ils devront supporter les pertes.
A l’inverse, un système de planification centralisé laisse aux politiciens et aux bureaucrates le pouvoir de décider de la manière dont les ressources sont utilisées et des projets qui méritent d’être mis en œuvre.
Cela pose des problèmes sur le plan des incitations et des signaux économiques. En effet, les politiciens et les bureaucrates ne sont pas réellement incités à agir efficacement dans l’intérêt des consommateurs. Après tout, les bureaucrates ne mettent pas en jeu leur propre capital dans le but de réaliser des bénéfices tout en essayant d’éviter de supporter des pertes, puisque c’est l’argent des contribuables qu’ils utilisent. Et les hommes politiques n’ont que les prochaines élections en tête. Ils sont donc à l’abri de la pression concurrentielle du marché qui oblige les agents économiques à innover et à être économes.
Outre le problème des incitations, le problème de la connaissance et du calcul économique est probablement encore plus important. Parmi l’ensemble des projets possibles et imaginables qui pourraient potentiellement être entrepris avec les ressources limitées qui sont disponibles, seuls ceux qui sont les plus urgents ou les plus importants pour les citoyens devraient être sélectionnés.
La concurrence est un processus adaptatif permettant de découvrir les besoins les plus urgents via l’analyse des prix de marché. A l’inverse, les politiciens décident des projets les plus importants à mettre en œuvre (dans le cas présent, il s’agit de « projets verts ») en fonction de leurs propres préférences, de manière purement arbitraire. Mais, comme l’expliquait Friedrich von Hayek, la croyance selon laquelle l’État serait le plus compétent pour décider des projets dans lesquels investir peut être décrite comme « une présomption fatale ».
Des implications sur la crise des dettes souveraines et l’avenir de l’euro
Il est exact que l’ensemble des pays membres de l’UE ne cessent d’émettre de nouvelles dettes (dont certains à bien plus grande échelle que l’Allemagne) qui sont ensuite rachetées et monétisées par la BCE. Étant donné que dans, ce processus de redistribution monétaire intra-européen, les Etats membres qui s’endettent le moins sont désavantagés par rapport aux autres, on pourrait penser que ça devrait maintenant être au tour de l’Allemagne de s’endetter.
Cependant, il incombe à l’Allemagne de donner le bon exemple. Au sein de la zone euro, l’aversion de l’Allemagne pour l’inflation et les déficits a influencé les politiques budgétaires des autres États dans le sens d’une plus grande modération.
Certes, l’influence allemande a eu plus ou moins d’efficacité selon les périodes. Mais elle a toujours été présente. Si cette influence allemande sur les déficits publics des États européens disparait, si l’Allemagne elle-même commence à utiliser des stratagèmes pour contourner ses propres règles budgétaires, s’engager activement dans une course à l’endettement et qu’elle perd son autorité, alors le risque est réel que rien ne puisse stopper l’accroissement des dépenses publiques, des déficits et de l’inflation dans la zone euro.
La possibilité de la sortie de l’Allemagne de la zone euro (qui, à défaut d’être explicite, est au moins implicite) a permis de discipliner les Etats membres du sud de l’Europe, de les inciter à ne pas dépasser certaines limites, et donc, paradoxalement, de favoriser la cohésion de la zone euro.
La menace de la sortie de l’euro
Pour que cette discipline modeste perdure, l’option d’une sortie de l’Allemagne de la zone euro doit rester crédible. Mais l’option d’une sortie de l’Allemagne de la zone euro ne peut rester réaliste et être défendue politiquement que si l’Allemagne peut démontrer qu’elle continue de respecter une discipline budgétaire et de minimiser ses déficits, contrairement aux pratiques d’autres États.
L’Allemagne pourrait alors justifier sa sortie de l’euro par le désir d’avoir une monnaie plus stable que ce qui est possible au sein de la zone euro. Si, à l’inverse, l’Allemagne décide de passer ce projet de loi (entrainant un alourdissement de 60 milliards d’euros de sa dette) et de s’engager dans une course à l’endettement, alors ce raisonnement ne sera plus valable et la porte de sortie se refermera.
Pour conclure, l’augmentation des dépenses publiques en Allemagne ne permettra pas d’atténuer les conséquences économiques de la crise sanitaire comme le prétendent les économistes keynésiens.
Bien au contraire, cela aura pour effet de réduire la quantité de ressources disponibles pour le financement d’initiatives privées véritablement utiles. De surcroit, cela contribuera à la course à l’endettement dans la zone euro, mettant en péril l’avenir de la monnaie unique. Au lieu de s’engager dans un nouveau plan de relance et de s’endetter encore davantage, le gouvernement devrait réduire les impôts et les dépenses tout en supprimant les restrictions afin de favoriser la reprise de la croissance économique.
Article traduit avec l’autorisation du Mises Institute. Original en anglais ici.