Cette fois-ci, c’est le bon ! En tout cas, c’est probablement ce qu’ont pensé plusieurs dirigeants argentins ces dernières décennies, en proposant leurs projets pour restreindre la dette nationale et faire repartir la croissance économique.
Hier, nous défendions l’intérêt d’avoir un plan de secours, un plan B, en cas de coup dur. Un poêle à bois est d’autant plus apprécié quand survient une panne d’électricité.
Nous avions aussi vu que l’Argentine pourrait en avoir besoin d’un bien plus important. Dans un pays de buveurs de vins comme celui-ci, en général, pour les créanciers étrangers, le Plan B est synonyme de prêts en dollars, et non en pesos. Ainsi, les débiteurs ne peuvent recourir à l’inflation pour réduire leur dette étrangère. Ils n’ont aucun contrôle sur le dollar, comme ils ne peuvent pas en imprimer.
Mais les Argentins ont un plan B, eux aussi, qui consiste à ne pas rembourser, tout simplement.
Depuis qu’elle est devenue indépendante de l’Espagne, l’Argentine a refusé (ou été incapable) de rembourser ses emprunts d’Etat à neuf reprises.
Et en ce qui concerne les transactions locales, les foyers et entreprises du pays doivent avoir un plan B, un plan C et un plan D, également. Les prestations sociales, salaires, indemnités de chômage et pensions, même « corrigés de l’inflation », voient leur valeur réelle baisser. Et les prix à la consommation flambent si vite que les employés des magasins ont du mal à les suivre.
Au-delà du Plan Z
Au cours des années 1980, l’inflation a affiché un taux moyen de 300% par an. Elle a enregistré un record de 5 000% en 1989. Mais à cette époque, les gauchos arrivaient au bout de l’alphabet.
Et chaque plan amenait son lot de mauvaises idées… Cliquez ici pour lire la suite.
« Quand l’argent fiche le camp, tout fiche le camp » est l’une des maximes de la Chronique.
En Argentine, quand l’argent a fichu le camp, cela a provoqué un coup d’Etat militaire, une « sale guerre » au niveau national, où 30 000 personnes ont « disparu », et une guerre avec le Royaume-Uni à propos des Malouines (les îles Falkland, pour les britanniques).
Voilà une guerre dont ces deux pays ne voulaient pas, mais qui a bien servi les intérêts des politiciens des deux camps. Jorge Luis Borges, le très célèbre écrivain argentin, a comparé la situation à « deux chauves en train de se battre pour un peigne ».
C’est alors qu’un nouveau président, Carlos Menem, a décidé qu’il était temps de rompre le cycle de la dette, du déficit, du chaos, de l’impression d’argent et de l’inflation. Le pays en avait assez. Il était à bout. Il était temps de sortir un nouveau plan.
Et c’est là que le « peg » [NDLR : le taux de change fixe] est apparu. Plus de tricherie. Plus d’absurdités. Dorénavant et pour l’éternité, chaque peso argentin serait échangeable contre un dollar américain. Un point c’est tout.
Mais lorsque nous avons rencontré M. Menem, à la fin des années 1990, nous lui avons posé une question.
Au cours des quelques années écoulées depuis la mise en place de ce peg, les Argentins avaient déjà fait ce qu’ils font le mieux : emprunter et dépenser. A présent, ils dépensaient trop. Puis, face aux remboursements croissants, l’Argentine devait emprunter toujours plus de dollars. Les prêteurs exigeaient des taux d’intérêt de plus en plus élevés, afin de se protéger du risque de défaut.
Peg ou pas peg ?
L’Argentine s’est trouvée prise au piège de « l’inflation ou la mort ».
Soit elle rompait le peg, flouait ses créanciers et imprimait plus d’argent pour que la fête se poursuive.
Soit elle maintenait ce peg peso/dollar, honorait ses dettes de façon honnête… et assumait les pertes d’investissement, les défauts et la période de récession et d’austérité qui suivraient.
Ah oui, et puis le parti au pouvoir allait probablement perdre les prochaines élections, également.
L’inflation ou la mort ? Quelle direction allait-elle prendre ? Nous avons posé la question à l’homme énergique – juché sur des talonnettes et aux cheveux teints – qui se tenait devant nous.
« Alors… Allez-vous pouvoir maintenir le peg ? » avons-nous voulu savoir.
« Bien entendu », a-t-il répondu. « Nous sommes conscients que le peg est crucial pour notre réussite économique. Nous ne l’abandonnerons jamais. »
Lors de notre visite suivante, au début des années 2000, le peso s’échangeait à 3 contre 1 dollar. Le peg était passé à la trappe.
Aujourd’hui, le taux de change au marché noir est de 210 pesos pour 1 dollar.
Mais attendez. Nous recevons un message d’un ami de Salta, en Argentine.
« Bill, notre Plan B prioritaire a toujours été de conserver notre argent en dollars. Mais maintenant que vous, les Américains, vous vous comportez comme les Argentins, et pousser à l’inflation du dollar, comment allons-nous nous protéger ? »
La semaine prochaine, il sera temps de se demander ce que boivent les Américains… De la bière ou du vin ?