Le passé de l’Argentine en dit long sur l’avenir… des Etats-Unis. Au programme : récession, planche à billets, inflation et destruction du dollar.
Aujourd’hui, nous consultons le « Manuel argentin de survie économique » (tout à fait fictionnel). Il n’y a pas de meilleure ressource – parce qu’il n’y a pas de plan monétaire farfelu… pas de programme de dépenses crétines… et pas d’arnaque sournoise que les Argentins n’aient essayée… au moins une fois.
L’inflation, ici, est désormais à 50% par an… mais elle a déjà été jusqu’à 50% par mois. La valeur du peso – par rapport au dollar US – a chuté de 30% depuis notre arrivée, il y a trois mois.
Il y a le marché noir, le marché blanc (taux de change officiel) et le marché bleu (officieux mais toléré). Le taux de change est contrôlé… les prix sont contrôlés… le commerce est contrôlé.
Comment les gens font-ils pour survivre ? Comment protègent-ils leur richesse… ou gagnent-ils de l’argent tout simplement ?
Les réponses se trouvent dans le passé de l’Argentine…
Nous avons rencontré Eduardo Elsztain dans les années 1990. C’est l’un des hommes d’affaires et des investisseurs les plus prospères d’Argentine. C’est aussi l’un des plus grands propriétaires fonciers du pays.
Eduardo considère l’Argentine comme une expérience scientifique. On peut y voir ce qu’on obtient lorsqu’on accumule de profonds déficits gouvernementaux, qu’on contrôle les prix à la consommation, qu’on protège les industries de copinage avec des taxes douanières, qu’on achète des voix à coups d’allocations, qu’on restreint les mouvements du capital et qu’on fait tout ce qu’il ne faut pas faire pour l’économie sur une période de 70 ans.
Dans un récent rapport, il nous dit ce qu’il a appris des finances m***iques dans la pampa :
« […] L’Argentine a systématiquement utilisé la ‘planche à billets’ pour financer ses déficits, faisant s’évaporer la valeur de la devise locale au cours de son histoire. Ce mécanisme a été utilisé si fréquemment que le pays a connu cinq devises différentes ces 140 dernières années, ce qui a effacé 13 zéros sur la période.
Il y a plus : le peso actuel, utilisé aujourd’hui et qui avait été institué en 1992, ne représente que 0,01 peso, en termes de pouvoir d’achat, par rapport à l’original. Cela représente l’effacement de 15 zéros du pouvoir d’achat de la devise argentine sur le dernier siècle et demi ! »
Le dollar US a un bien meilleur historique… mais il n’est pas sans tache. Il valait 1/35ème d’once d’or en 1971. Désormais, il n’en vaut plus qu’1/1 700ème.
Ce n’est pas le passé du dollar qui nous inquiète, cependant – c’est son avenir : il y a encore beaucoup de zéros !
Le peso originel
Fut un temps où l’Argentine avait une économie correcte – la septième au monde – et une devise tout aussi correcte. En 1881, son président, Julio A. Roca, a créé l’Argentino de Oro – un pièce d’or contenant 0,2334 once d’or.
Certaines de ces pièces étaient encore dans les coffres de la banque centrale argentine à la fin des années 1990. Eduardo nous en a donné une lorsque nous l’avons rencontré pour la première fois.
A cette époque, le pays avait été balayé par de multiples tempêtes de monnaie papier. Le peso et l’austral (la devise de l’Argentine entre le 15 juin 1985 et le 31 décembre 1991) avaient fait leur temps. Des zéros avaient été ajoutés… puis retirés.
Mais l’Argentino de Oro – la pièce d’or frappée plus de 100 ans auparavant – n’a jamais perdu un centime de sa valeur. Eduardo explique :
« Cet Argentino de Oro, dont le prix d’origine en 1881 était de cinq pesos, serait valorisé aujourd’hui à 452,3 millions de milliards (soit 15 zéros) pesos, ou 9,4 milliards de milliards (18 zéros, cette fois) de pourcent en termes de ‘retour’ sur investissement, tel que mesuré dans la devise d’origine, si l’on considère tous les changements monétaires que le pays a subis. »
L’important, cependant, n’est pas que cette pièce d’or était un bon investissement – ce n’est pas le cas : l’Argentino de Oro était exactement la même pièce en 1990 – et le reste encore aujourd’hui – qu’en 1881.
Mais si on avait conservé la pièce – plutôt que le peso fiduciaire –, cela aurait empêché « la perte de 99,999% de la richesse » par rapport au peso original de l’époque.
Politiques toxiques
Que pouvons-nous apprendre de cela ? Eduardo à nouveau :
« Ce que l’expérience nous dit, c’est que lorsque les gouvernements nationaux ont besoin de financer des déficits, ils n’hésitent pas à imprimer autant d’argent que possible pour couvrir leurs besoins à court terme, surtout si l’effet de cette émission d’impression ne génère aucun effet (c’est-à-dire aucune inflation), comme c’est le cas aujourd’hui dans les pays développés.
Pour cette raison, nous ne doutons pas que, suite à la crise actuelle, les pays du monde entier continueront à accumuler des déficits budgétaires records, tandis que la Réserve fédérale et d’autres banques centrales continueront à acheter des obligations souveraines et corporate, tout en imprimant de l’argent à un rythme sans précédent dans l’histoire moderne. »
Cela signifie-t-il que l’inflation est au coin de la rue ? P’têt’ ben qu’oui, p’têt’ ben qu’non. Nous sommes désormais pris dans un courant descendant déflationniste. Nous ne savons pas combien de temps il faudra pour revenir à l’inflation positive. Mais tout comme Eduardo, nous ne doutons pas que nous y reviendrons. Il continue :
« […] Gardez en tête que le taux de chômage restera probablement à des niveaux très élevés. Le gouvernement US et la Réserve fédérale feront ‘tout ce qu’il faudra’. Cela nous amène à la conclusion que les déficits budgétaires et l’impression monétaire seront si remarquables qu’une fois que l’inflation à deux chiffres se produira, il sera trop tard pour inverser ces politiques toxiques. »
Imaginez que l’économie US sorte tout juste de la récession. Les gens reviennent enfin au travail. Les prix se remettent enfin à grimper. Le nombre de faillites baisse enfin…
Imaginez que les milliers de milliards de dollars fraîchement imprimés sont considérés comme le déclencheur de la « reprise », aussi faible soit-elle.
Imaginez aussi que les taux d’inflation sont en hausse… à 5%… 8%… 10%.
Maintenant… continuez à imaginer – mais il va falloir faire un gros effort.
Essayez d’imaginer le président de la Fed… ou le président des Etats-Unis… annonçant un programme d’austérité – réduction des déficits, augmentations des taux directeurs de la Fed et resserrement de la masse monétaire – pour lutter contre l’inflation.
Aucune chance que cela se produise. L’urgence économique sera si fraîche dans l’esprit des gens… et la menace d’un krach profond et d’une dépression durable sera si réelle et menaçante…
En d’autres termes, la nécessité de continuer l’impression monétaire sera si pressante, qu’aucun gouverneur de la Fed, aussi sain d’esprit et prudent soit-il, ne pourra ralentir la planche à billets.
Nous laissons le mot de la fin à Eduardo…
« Dans ce contexte, le ‘Manuel argentin de survie économique’ crie bien fort que… avec les déficits budgétaires, les dettes les plus élevées de l’Histoire, de l’impression monétaire sans précédent et une dépression économique, toute personne ayant de l’épargne – importante ou non – devrait faire passer une part appropriée de ses liquidités dans la seule devise qui ne peut être imprimée : l’or. »
A bon entendeur…