Certains pays réclament la mise en place de « passeports vaccinaux » pour empêcher la propagation du Covid-19 sur leur sol : une idée qui n’a pas que de bonnes répercussions en matière de libertés individuelles…
Le déploiement des vaccins progresse à pas de tortue dans l’Union européenne (UE). Dans le même temps, des pays comme les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou Israël agissent rapidement pour faire vacciner une grande partie de la population dans les meilleurs délais.
Alors que l’Europe débat du succès ou de l’échec de sa politique de vaccination, certains pays veulent avoir une longueur d’avance et discuter de la possibilité de mettre en place ce que l’on appelle des passeports vaccinaux.
Le concept est simple : les personnes ayant reçu un vaccin Covid-19 pourront avoir accès aux voyages internationaux, aux déplacements au sein d’un même pays, aux bars, aux restaurants ou aux salles de concert.
En substance, cette mesure étendrait les règles de confinement pour ceux qui ne reçoivent pas le vaccin, indéfiniment. En Europe, la Grèce fait pression en tant que mesure à l’échelle de l’UE, tandis que la Pologne met déjà en œuvre une solution locale.
Est-ce vraiment LA réponse à la pandémie ?
Tout d’abord, cette mesure pose un grave problème d’Etat de droit. Si les pays imposent la vaccination, cela est en soi difficilement compatible avec le concept de liberté individuelle. Les choix médicaux sont des choix personnels.
Même si les compagnies d’assurance devraient pouvoir prendre des décisions concernant les primes à payer pour les maladies contractées pour lesquelles il existe un vaccin, il n’appartient pas à l’Etat de prendre des décisions en matière de santé pour les citoyens.
En outre, si les gouvernements n’imposent pas le vaccin, ils ne devraient pas non plus restreindre la circulation et les libertés de ceux qui ne l’ont pas reçu. Un modèle de citoyen de seconde classe est profondément illibéral.
Conflits internes
Bien plus intéressante que ces questions de principe est celle des conflits frontaliers internes à l’UE.
Supposons que la Grèce exige la vaccination pour entrer dans le pays alors que la France ne le fait pas. Dans l’exemple donné ici, une personne qui prendrait l’avion de Paris à Athènes se déplacerait dans l’espace Schengen, et ne devrait donc pas être tenue de fournir une pièce d’identité.
En revanche, un passeport de vaccination nécessiterait le recoupement des informations sur les vaccins avec les cartes d’identité, ce qui rendrait impossible la poursuite de l’idéal Schengen.
Les compagnies aériennes ne vérifient les cartes d’identité que pour recouper les informations de leur billet avec celles de la personne qui embarque, mais c’est purement et simplement la prérogative des compagnies, et ceux qui voyagent beaucoup sauront que toutes les compagnies aériennes ne sont pas minutieuses sur ce point. L’externalisation de l’obligation de vaccination aux compagnies aériennes ne sera ni pratique ni nécessairement légale.
Notons que cette mesure ne concerne jusqu’à présent que les compagnies aériennes, qui sont un mode de voyage relativement simple (l’entrée et la sortie sont facilement identifiables). Qu’en est-il du franchissement des frontières maritimes en ferry, du franchissement d’une montagne à vélo ou simplement de la conduite d’une voiture ? Les passeports de vaccination seraient, en substance, vérifiés par des contrôles aléatoires.
Contrôles illégaux
Des contrôles aléatoires sont une toute nouvelle boîte de Pandore, et plus fascinante encore. Les contrôles de cartes d’identité ne sont pas légaux dans tous les Etats membres de l’UE, car les forces de l’ordre ont besoin d’un soupçon raisonnable pour demander une carte d’identité (heureusement).
Dans ces pays, le contrôle aléatoire des passeports des vaccins serait tout aussi illégal. Les pays qui pratiquent les contrôles aléatoires seront confrontés à de multiples nouvelles clauses relatives aux droits de l’homme et restrictions constitutionnelles – notamment la Cour de justice européenne qui devra décider si un citoyen français à Athènes peut être tenu de présenter un passeport vaccinal lors d’un contrôle aléatoire à l’arrivée à l’aéroport.
La question pertinente est la suivante : pourquoi est-ce si important ?
Les pays utilisent également actuellement des exigences de test pour le Covid-19, tout en procédant à des vérifications avec les cartes d’identité. Les gouvernements ont fait exactement ce qu’il faut, conformément au traité de Schengen, étant donné les circonstances inhabituelles de la pandémie.
Notons toutefois que la Hongrie (disposition ayant expiré le 28 janvier 2021), le Danemark, la Norvège et la Finlande sont les seuls pays à avoir exigé des dérogations formelles à l’accord de Schengen.
Qu’il s’agisse de manigances légales ou non, les passeports vaccinaux sont une mauvaise idée pour une multitude de raisons. On sait que les forces de l’ordre accumulent trop de pouvoir pour « protéger » les citoyens, et qu’elles hésitent beaucoup à le rendre ensuite. Le 11 septembre et les attaques terroristes ultérieures en Europe ont montré la fragilité du discours sur les droits civils. En outre, le fait d’imposer la vaccination ou de l’introduire par des moyens détournés n’achètera pas la confiance, mais seulement la suspicion.
Il serait malavisé d’introduire des passeports de vaccination à ce stade ou à tout autre stade dans l’avenir.