Deux superpuissances sont en train de s’opposer – l’une sur la pente descendante, l’autre sur la pente ascendante. Des structures profondes sont remises en cause.
Personne ne sait ce qui peut et va se passer au terme de la guerre commerciale.
Nous ne sommes pas dans l’événementiel, nous sommes dans un processus. Un processus qui a commencé il y a fort longtemps et dont le sens profond est la lutte pour la suprématie, pour l’imperium, pour le leadership mondial.
En clair, il n’y a pas de place pour deux crocodiles dans le même marigot.
L’histoire est celle de la montée d’une nouvelle superpuissance face à une puissance déjà déclinante et surtout surexposée, ramollie, jouisseuse. La situation américaine est typique de ce que l’on appelle le déclin.
L’Amérique lâche la proie pour l’ombre ; elle s’éparpille, elle perd sa cohésion sociale. Elle s’autodétruit.
La recette de la puissance, c’est être peu nombreux à consommer et beaucoup à souffrir, à investir, à se sacrifier. Les Etats-Unis n’épargnent plus, surconsomment – et le meilleur signe de leur affaiblissement fondamental, c’est la dette. Plus de la moitié des jeunes se disent attirés par les idées socialistes.
Oui, les USA ont descendu la pente, ils sont nombreux à consommer et peu à travailler réellement.
Le travail américain est devenu abstrait, il a perdu le contact avec le réel, avec la transformation du réel par le sang et les larmes. Les Américains n’ont même plus le courage de se battre militairement directement, c’est tout un symbole.
La plus-value qui fait la rentabilité du capital investi, cette plus-value est importée par le jeu de l’échange inégal et surtout par l’exploitation sous sa forme financière. Tout cela fait perdre le sens du réel, détruit les capacités d’adaptation.
L’expression importante, c’est cela : capacité d’adaptation.
Ascension d’une nouvelle superpuissance
La nouvelle superpuissance, c’est la Chine. Elle a profité des faiblesses consommatrices de l’ancienne, elle a édifié une masse de savoir-faire, d’équipements, de fonds de commerce, d’investissements productifs, de réserves monétaires, de capacités technologiques et militaires colossales.
Tout cela n’a pu être fait que grâce à la surconsommation, c’est-à-dire grâce aux déficits américains. Quand des gens lucides comme l’économiste Stephen Roach l’ont expliqué, on leur a ri au nez.
Ce sont les demandes des consommateurs américains et les besoins de profit du capital américain qui ont produit le miracle du développement accéléré chinois.
Il a fallu que les Etats-Unis importent des marchandises, de la plus-value et de la productivité pour satisfaire les besoins d’un système devenu pervers. On ne peut mieux résumer la situation qu’en disant que les USA se sont mis sur La Pente. Ils ont descendu cette pente tandis que les Chinois la montaient.
L’un monte, l’autre descend
Les Chinois ne sont devenus forts que des faiblesses coupables des Américains. Les Américains ont donné aux Chinois eux-mêmes « la corde pour se pendre » ; ils ont, par leur demande, mis au travail des centaines de millions de Chinois, ils les ont mis à l’école et aux universités.
Cela a duré longtemps – et c’est ainsi que cela a eu le temps de s’instaurer, de se rigidifier, de se codifier en un système : la Chinamerica.
Les uns travaillent et exportent du travail, les autres jouissent et exportent des promesses, des titres, des dettes.
La théorie néo-libérale a été créée pour cela, pour répondre aux besoins théoriques produits par le nouveau système.
Dans la version de l’école de Chicago, cette théorie dit qu’il n’y a rien de mal à surconsommer et à payer à crédit tant qu’il y a des gens qui acceptent d’accumuler les créances.
Elle va même jusqu’à prétendre, comme le fait le sinistre Ben Bernanke, que la demande de créances, de titres, de papiers en général de la part du reste du monde et singulièrement des Chinois est responsable de la crise de 2008 : ils épargneraient trop !!
Bernanke est un crétin, mais il y a une chose qui est vraie : ce système des déficits américains récurrents et des excédents du reste du monde a produit une masse considérable de réserves monétaires, de masse monétaire, de « capitaux » qui, comme tous les capitaux, ont cherché leur mise en valeur.
Les dettes des uns sont toujours le capital des autres : ne l’oubliez jamais.