La Chronique Agora

Nouveau Parlement : les trois changements à anticiper

La prochaine législature risque d’être placée sous le signe de la chasse aux épargnants.

Le premier tour des élections législatives, qui a vu le pouvoir en place s’effondrer dans les urnes, confirme que nous sommes à l’aube d’une nouvelle ère politique.

Durant les deux dernières semaines, les opérateurs sont restés attentistes – et à raison, tant les programmes des différentes forces politiques étaient diamétralement opposés sur de nombreux points, flous sur de nombreux sujets, voire objectivement irréalisables sur certaines mesures-clés.

Pourtant, derrière la grande cacophonie électoraliste des quinze derniers jours, un relatif consensus se dessine face aux attentes de la population. Quelle que soit la composition exacte de l’Assemblée nationale au sortir du scrutin de dimanche, certaines orientations se dessinent déjà. Sur trois thèmes, il existe même une quasi-convergence des programmes, malgré les désaccords de façade affichés par les trois blocs politiques.

En l’absence de certitude, préparez-vous au probable

Les quinze derniers jours ont mis les nerfs des investisseurs à rude épreuve. Dès le 9 juin au soir, mon téléphone ne cessait de sonner avec, au bout du fil, toujours cette même question : comment bien investir à partir de maintenant ? Pour certains, elle était alimentée par la peur de tout perdre. Pour d’autres, la gourmandise de pouvoir réaliser un gros coup face à des revirements législatifs à venir.

Mais, avec des programmes électoraux qui ressemblaient plus à des listes d’enfants au Père Noël qu’à des feuilles de routes crédibles pour la nation, difficile de dresser une thèse d’investissement cohérente et globale.

Le flou règne toujours en ce début de semaine, avec une majorité absolue qui n’a pas réussi à se matérialiser à l’issue du premier tour et le nombre important de triangulaires.

La campagne électorale aura au moins eu le mérite de décanter les programmes. S’il reste effectivement quelques mesures-choc, comme le passage du SMIC à 1 600 € net préconisé par le Nouveau Front populaire, qui porteraient un coup de massue à l’économie tricolore, leur probabilité de mise en oeuvre est suffisamment faible pour que les investisseurs puissent se permettre de ne les considérer qu’au second plan.

Au premier plan, en revanche, se trouvent les sujets sur lesquels un consensus est en train d’émerger entre les partis. Parce que les positions des uns et des autres sont finalement assez proches, leur application est la plus probable de la part d’une Assemblée nationale qui ne manquera pas de s’accrocher aux rares mesures trans-partisanes.

Hausse du déficit : une quasi-certitude

Qu’il semble loin le temps où la dégradation de la note de la France par S&P causait un électrochoc politique qui remettait la question de notre endettement sur le devant de la scène. C’était le 31 mai – une éternité.

La campagne électorale a été l’occasion de multiplier les promesses de dépenses. Abrogation de la réforme des retraites, baisses de cotisations, subvention en tous genres… Les programmes ont ceci de commun qu’aucun ne fait de la maîtrise des déficits publics une priorité.

Nous devrions donc nous complaire dans le laisser-faire budgétaire qui est la norme depuis quarante ans, et l’endettement tricolore est voué à exploser dans les prochaines années.

Ne comptez pas sur un sauvetage miraculeux de la BCE comme dans les années 2010 : à l’époque, la France pouvait profiter sans l’avouer des largesses mises en place pour sauver les PIIGS (Portugal, Italie, Grèce et Espagne) dont la situation budgétaire était catastrophique.

Aujourd’hui, nous sommes le mauvais élève de l’Europe, et il n’est pas dit que nos voisins qui ont mené de douloureuses remises à plat de leur modèle social souhaitent payer pour nous.

Considérez donc que la signature de la France verra sa valeur fondre sur les marchés dans les prochaines années. La dette française, tant qu’elle sert un rendement inférieur à 4% par an sur dix ans, ne reflète pas ce risque.

Energie : inconséquence partagée

Voilà bien un sujet qui met les trois blocs d’accord : l’énergie française sera plus abondante et moins chère qu’aujourd’hui, foi d’homme politique.

Nul ne sait comment les futurs dirigeants parviendront à convertir les promesses en électrons, mais le Nouveau Front populaire propose un blocage des prix, Renaissance et les Républicains sont en faveur d’une baisse des taxes sur l’électricité, tandis que le RN promet déjà une baisse de 30% à 40% des factures, là aussi avec l’instauration d’un blocage des prix.

Il y a dix ans de cela, de tels discours auraient fait sourire et leur inanité les auraient fait passer au rang des promesses vouées à être oubliées une fois l’échéance électorale passée. Mais l’expérience du bouclier énergétique, porté par un gouvernement prétendument libéral et plébiscité dans l’opinion publique, nous montre que les citoyens sont toujours demandeurs de politiques redistributives, si tant est qu’ils en soient les bénéficiaires. Peu importe que, dans ce cas, tout le monde paye pour tout le monde.

L’avenir de la production énergétique tricolore est sombre. Les agents économiques qui dépendent d’une politique de l’offre (producteurs d’énergie tricolores, industrie lourde électro-intensive) courent un grand risque. Attention si vous détenez en portefeuille des actions d’entreprises françaises dont la bonne marche dépend d’une électricité abordable et abondante sur notre territoire.

Fiscalité : gare au coup de matraque !

Corollaire de l’envolée des dépenses, il ne sera pas possible d’éviter une hausse massive de la pression fiscale.

Le recours à toujours plus d’endettement, dans un contexte de baisse de hausse des taux attendus par les marchés, devra se doubler d’une augmentation des prélèvements obligatoires.

Fidèle à ses habitudes, le bloc de gauche veut augmenter simultanément l’imposition sur les hauts revenus et le patrimoine. De son côté, le Rassemblement national veut rétablir un équivalent de l’ISF portant sur l’intégralité du patrimoine hors résidence principale.

Si le centre-droit de l’échiquier politique espère encore officiellement ne pas augmenter le poids de la fiscalité, cette position semble intenable sur le moyen terme. La Commission européenne a d’ailleurs ouvert une procédure disciplinaire contre la France pour déficits publics excessifs. Même les députés du centre pourront donc voter des hausses d’impôts et de cotisations sociales, en justifiant le revirement politique par les demandes de la Commission.

Les députés de tous bords vont, pour différentes raisons, voter de nouvelles hausses d’impôts. Pour les contribuables français, travailler sur la fiscalité des placements va devenir primordial. Gare à l’immobilier, cible facile du fait de l’inertie des transactions ; aux actions versant des dividendes, dont la rentabilité dépendra plus que jamais du mode de détention (compte-titres ordinaire ou PEA) ; et aux placements dans les secteurs voués à la vindicte populaire (banque, énergie fossile).

La prochaine législature risque d’être placée sous le signe de la chasse aux épargnants. Soyez prêt à procéder rapidement à des arbitrages entre placements à mesure que l’oeil inquisiteur de Bercy passera en revue les différentes « mannes fiscales » inexploitées. Car derrière chaque source de revenus identifiée par le futur gouvernement se cachera la confiscation de votre épargne ou de vos flux de trésorerie.

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