La Chronique Agora

Le pari libéral de l’Argentine face au protectionnisme des USA

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A Buenos Aires, l’énergie change, les chantiers se multiplient, et l’économie semble reprendre vie sous l’impulsion de Javier Milei. Pendant ce temps, aux Etats-Unis, Trump vacille, le dollar chute, et Wall Street encaisse les contrecoups d’une politique commerciale erratique.

Buenos Aires a toujours la même allure. Mais on sent que l’énergie de la ville a changé. En nous promenant dans le quartier de Palermo Soho, nous avons pu observer plus de constructions… de nouveaux magasins… de nouveaux restaurants…

« Les choses se sont améliorées depuis que Milei est arrivé au pouvoir », a déclaré notre chauffeur de taxi. « Pas tout… mais les gens ne se tournent plus les pouces ».

« Il a raison », a ajouté un ami commerçant. « Avant, j’avais du mal à trouver des gens qui étaient prêts à travailler. Je ne sais pas s’ils ont été licenciés par le gouvernement… ou s’ils ont peur que leurs allocations soient supprimées… mais nous recevons beaucoup plus de demandeurs d’emploi qu’avant. Le problème, c’est qu’ils sont plus chers. »

Ce qui déçoit les étrangers, c’est que tout est devenu plus cher – et pas seulement en pesos. Un dîner dans un bon restaurant revient presque aussi cher qu’aux Etats-Unis. Hier soir, par exemple, nous avons dîné au Fervor, une adresse populaire. Nous y avons dégusté l’un des meilleurs ribeyes que nous ayons jamais mangés. L’addition pour quatre personnes, accompagnée d’une belle bouteille de Malbec, s’est élevée à 300 000 pesos, soit environ 300 $.

Milei est en train d’ouvrir l’Argentine aux marchés mondiaux. L’économie financière s’adapte rapidement ; les prix atteignent donc les niveaux mondiaux. Mais la production et les salaires, dans l’économie réelle, mettront des années à rattraper leur retard.

On entend souvent que Milei et Trump se ressemblent. Mais difficile de dire où commence vraiment cette ressemblance. Ce qui est sûr, en revanche, c’est où elle s’arrête : sur la question du commerce. Trump, adepte de la télévision, du hamburger et du protectionnisme de comptoir, s’oppose en tout point à Milei, intellectuel, économiste de l’école autrichienne et fervent partisan du libre-échange. Quand Milei ouvre les portes… Trump les referme.

The Wall Street Journal rapporte :

« Milei, superstar MAGA de l’Argentine, va à contre-courant de Trump sur le commerce.

L’approche du leader libertarien en matière de droits de douane et de restrictions à l’importation le met en porte-à-faux avec les Etats-Unis. »

Le changement est bien réel. D’ordinaire, nous arrivions en Argentine avec des liasses de billets verts. Cette fois, on nous a prévenus : inutile de s’encombrer, le dollar perd du terrain face au peso argentin.

Milei a entrepris une réforme majeure avec un objectif clair. Il s’agissait de réduire le pouvoir et les dépenses du gouvernement afin de permettre à l’économie privée de se redresser. Jusqu’à présent, son approche semble fonctionner. Les actions argentines ont plus que doublé depuis son élection.

Donald Trump, quant à lui, semble avoir un programme bien à lui… ou peut-être qu’il n’en a aucun. Le dollar est en chute libre. Et le Dow Jones a perdu 15 %.

Elon Musk ressemble plus à Milei qu’à Trump. Et selon nous, leur différence pourrait rapidement aboutir à une rupture. Si elle n’est pas déjà arrivée.

Business Insider rapporte :

« Elon Musk annonce qu’il se retire de DOGE. »

Pendant ce temps, la Bourse encaisse mal la guerre commerciale de Trump.

Selon Cryptopolitan :

« Le Dow Jones est en passe de vivre son pire mois d’avril depuis la Grande Dépression. »

Les performances du S&P 500 sous la présidence Trump sont désormais les pires jamais enregistrées à ce stade d’un mandat, d’après les données du Bespoke Investment Group, qui remontent jusqu’en 1928.

Hier, les actions ont tout de même repris des couleurs après des rumeurs d’un changement de cap de la Maison-Blanche.

Fortune titrait :

« Les marchés rebondissent après que le secrétaire au Trésor Bessent a déclaré, lors d’un sommet à huis clos, que la guerre commerciale avec la Chine n’était pas tenable. »

Beaucoup d’investisseurs pensent que Donald Trump a une fois de plus retourné sa veste.

The Independent le cite :

« Les droits de douane sur la Chine vont baisser… mais ne seront pas nuls. »

Il semble avoir été ébranlé par la riposte chinoise. Pékin a mis en garde ses partenaires contre toute coopération avec les Etats-Unis sur ce front, a instauré de nouveaux droits de douane, et suspendu toutes ses importations de GNL.

Sur un autre front, celui de la politique monétaire, Trump a aussi battu en retraite. Il menaçait de virer Jerome Powell. Mais face à la réaction des marchés, il a visiblement reculé. Aujourd’hui, il affirme ne « pas avoir l’intention de renvoyer M. Powell ».

Il garde donc celui qu’il appelle le « grand perdant » à la tête de la Fed. En réalité, Trump n’a probablement pas l’autorité pour le renvoyer… et il a tout intérêt à garder quelqu’un sous la main pour endosser la faute si ses propres politiques tournent mal.

Mais ne nous laissons pas distraire par le bruit politique, les gros titres ou les revirements de Trump. Ce qui compte, c’est la tendance de fond.

Quelle est-elle ? Et surtout : où nous mène-t-elle ?

Les Etats-Unis possèdent des actifs d’une valeur de 269 000 Mds$. Mais leur dette s’élève à 145 000 Mds$ et leur production (PIB) n’est que de 29 000 Mds$. Nous savons que les prix des actifs varient facilement. Ce n’est pas le cas de la dette. Nous savons également, grâce à notre principe d’investissement de conservation de valeur, que Wall Street (soit la valeur des actifs) et Main Street (l’économie réelle) ne peuvent jamais s’éloigner l’un de l’autre trop longtemps.

D’une manière ou d’une autre, l’économie financière et l’économie réelle doivent se réconcilier. Et comme, aux taux de croissance actuels, il faudrait plus de 10 ans à Main Street pour rattraper les prix des actifs de Wall Street, nous pensons que c’est l’économie financière qui connaîtra un ajustement. D’après nos estimations, ce sont plus de 50 000 Mds$ de valeur d’actifs qui pourraient disparaître.

Comment cela se produira-t-il ? Et surtout, quand ? C’est LA grande question des années à venir.

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