La Chronique Agora

Or et dollar : un mariage qui a tourné… à l’avantage de la dette

▪ Tant que les comptes américains devaient être soldés en or, ni la nouvelle offre de crédit… ni l’offre de monnaie à l’ancienne… ne faisaient ce qu’elles voulaient. Elles pouvaient toutes deux sortir et s’amuser en ville. Mais une fois la fête terminée, elles devaient rentrer chez elles et affronter un époux inflexible et implacable : l’or.

Dommage. Mais le mariage a été dissous — après des infidélités répétées — puis a finalement été annulé par Richard Nixon en 1971.

Le nouveau système monétaire basé sur le crédit était très différent. Il était libre, il adorait s’amuser. Il pouvait enchaîner les nuits blanches aussi longtemps qu’il le souhaitait sans jamais avoir de problème avec quiconque.

L’industrie financière, qui ne traîne pas quand il s’agit de gagner de l’argent, a quasi immédiatement vu le potentiel. Bouillonnant d’idées innovantes et malhonnêtes, elle a trouvé le moyen d’utiliser cette nouvelle devise libérée d’une centaine de manières différentes.

Les dernières preuves en date, par exemple, nous disent que l’industrie financière vient de s’attaquer aux prêts automobiles américains.

Les prêts automobiles ne sont pas des prêts immobiliers. Et une explosion de la finance automobile ne détruira pas l’économie entière

Inutile de paniquer, bien entendu. Les prêts automobiles ne sont pas des prêts immobiliers. Et une explosion de la finance automobile ne détruira pas l’économie entière. Il y a moins de 1 000 milliards de dollars de prêts automobiles en cours aux Etats-Unis. Tout de même, entre prêts automobiles, prêts étudiants, prêts du pétrole subprime, prêts des marchés émergents, prêts à la périphérie européenne — un milliard par ici, un milliard par là… On arrive vite à de vraies sommes !

Mais ne nous laissons pas distraire. Nous parlions de la perversion d’une économie tout entière sur une longue période.

▪ Que ferait-on sans la bulle ?
Depuis les années 70, de plus en plus de transactions financières doivent leur existence à de « l’argent » que personne n’a gagné ni épargné. 35 000 milliards de dollars, telle est notre estimation de « l’excès de crédit » créé depuis les années 70. C’est la quantité de crédit dépassant ce que nous aurions si le ratio crédit/PIB était resté le même. Au lieu de 140% — où il se trouvait depuis des décennies — ce ratio est passé à plus de 300% actuellement.

Cela a stimulé toutes sortes d’activités — y compris les ambitions gouvernementales. Les autorités ont collecté des impôts sur des plus-values qui n’auraient jamais existé autrement. Lorsque ça n’a pas suffi, le gouvernement a lui-même emprunté de l’argent pour combler les trous dans son budget… et a fait des promesses qu’il lui était impossible de tenir.

Le gouvernement s’est développé en offrant de plus en plus de protection contre de plus en plus de maux — les Nord-Coréens, les Cubains, les communistes, la marijuana, les Nord-Vietnamiens, les Irakiens, les Afghans, les djihadistes, la maladie, le chômage, la pauvreté, l’illettrisme, la discrimination… le manque d’accès au crédit, au téléphone dans les campagnes, à l’internet 4G… bref, contre tout ce qui semblait populaire ou menaçant à un moment ou à un autre.

En France, les dépenses gouvernementales ont grimpé à 57% du PIB. Aux Etats-Unis, ce pourcentage est plus bas ; cependant, il augmente radicalement lorsqu’on y ajoute les dépenses d’éducation et de santé — deux secteurs qui sont encore en majorité « privés » mais lourdement contrôlés par l’Etat. Et lorsqu’on y ajoute le coût de toutes les promesses faites par le gouvernement à ses électeurs, selon le professeur Lawrence Kotlikoff, la dette fédérale américaine dépasse les 212 000 milliards de dollars.

Les médecins ont été subornés par le secteur pharmaceutique, les généraux à la retraite ont été achetés par les fabricants d’armes…

Non seulement cela a perverti l’économie, mais des secteurs entiers ont été corrompus. Janine R. Weddel, dans le Washington Post, explique que les médecins ont été subornés par le secteur pharmaceutique, les généraux à la retraite ont été achetés par les fabricants d’armes… et même l’avis des économistes — s’il existe — a été faussé en faveur de l’industrie financière.

Sans une telle quantité de crédit, le monde existerait toujours… mais ce ne serait pas celui que nous connaissons actuellement. Il y aurait des bulles financières — même sans la gigantesque bulle du crédit… mais elles seraient plus petites et moins fréquentes. Et l’industrie financière ne ferait pas une cour si pressante aux économistes si elle devait vivre sur ses revenus pré-expansion du crédit. L’industrie financière vend du crédit ; à mesure que le marché des prêts augmentait, il en allait de même pour ses gains — qui sont passés d’à peine 10% des profits des entreprises dans les années 60 jusqu’à 40% en 2007.

L’empire américain existerait aussi, même si la bulle du crédit ne s’était jamais produite. Mais l’empire dépend du financement par la dette. Sans lui, les Etats-Unis ne seraient pas si pressés de jouer les gros bras.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile