Les Etats-Unis n’ont pas d’adversaire plausible… et pas d’argent pour financer de nouvelles dépenses militaires. Cela n’empêche pas le Marigot de faire son beurre…
Sortez les confettis. Hissez les drapeaux rouge, blanc, bleu. Faites sonner la fanfare. L’armée américaine a remporté une nouvelle victoire abracadabrantesque.
Cela mérite un défilé – car les boys ont lutté comme des lions acculés… de l’aube au crépuscule… jusque tard dans la nuit de mardi dernier… où ils ont finalement anéanti les deux ou trois rabat-joie qui leur barraient le chemin.
Les lobbyistes ont gagné
Oui, c’est une bataille dont on se souviendra. Des milliers de lobbyistes, compères et militaires « à la retraite » désormais rémunérés par Raytheon, Lockheed Martin et Boeing ont attaqué les maigres forces de la prudence budgétaire et du bon sens – et les ont complètement écrasées.
The Hill nous détaille le butin des vainqueurs :
« Lorsque Trump a été élu, les dépenses militaires représentaient environ 611 Mds$ par an. En 2020, elles seront de 738 Mds$. »
Il ne reste plus qu’à « éponger » quelques radicaux au Capitole, portant des casquettes MAGA et rêvant de budgets équilibrés. La semaine dernière, nous avons découvert qu’il n’en restait plus qu’un. Dans le Arizona Republic :
« Le sénateur Michael Braun, républicain, de l’Indiana, a déclaré que la législation [sur la dette] était ‘une honte’ qui chargerait les futures générations de dette.
Braun a déclaré qu’il souhaitait voir les républicains ‘revenir à leurs racines conservatrices, où l’on paie les choses à mesure que l’on dépense.’
‘Ce sont nos enfants et petits-enfants qui devront s’occuper de tout ça et payer’, a-t-il ajouté. »
Il a raison, évidemment. Mais qui se soucie des enfants et petits-enfants ? Aujourd’hui, là tout de suite, ce qu’on veut, c’est de l’argeeeeeent.
Oui, c’est ce qu’on veut… et c’est ce qu’on obtient en complotant avec les autorités. Elles en impriment. Et les meilleurs comploteurs au monde sont ceux qui travaillent pour ce dont Dwight Eisenhower se méfiait – le complexe militaro-industriel… également connu comme le bras armé du Deep State.
Un militaire à l’ancienne
Eisenhower était l’un des généraux les plus respectés d’Amérique. Il a affronté un véritable ennemi… avec de vraies armes et une armée moderne, entraînée et déterminée. Il a mené l’invasion américaine en Afrique du nord puis en Italie.
Il a ensuite supervisé le Débarquement et la défaite de l’Allemagne nazie. Après la guerre, il est devenu président de l’université de Columbia et commandeur de l’OTAN.
Il est finalement entré à la Maison Blanche en 1953, a mis fin à la guerre de Corée, réduit les dépenses militaires et dirigé un pays en paix, avec une prospérité croissante pour les riches et les pauvres, des budgets équilibrés, une vraie monnaie adossée à l’or et des taux d’intérêt fixés par les forces du marché et non par un comité de ronds-de-cuir.
Ensuite, son service accompli, lui et son épouse Mamie ont pris leur retraite sur la ferme familiale en Pennsylvanie. Pas une seule fois il n’a pris le téléphone pour faire pression sur un membre du Congrès ou pour tenter de faire accorder un contrat à un compère de la défense. Bref, il a pris une retraite honnête et n’a rien touché de plus que ce à quoi il avait droit – sa pension.
Comme c’est mignon.
Des toilettes à 700 $
De nos jours, les grands généraux voient rarement le combat. Aucun adversaire digne de ce nom n’a défié les Etats-Unis depuis 1952. Au lieu de cela, les principales batailles se sont livrées dans les corridors et bureaux de Washington.
Un groupe appelé POGO – le “Project On Government Oversight” [« Projet de surveillance du gouvernement », NDLR] – nous dit que l’an dernier, 645 des principaux officiels du gouvernement – principalement du Pentagone – ont uni leurs forces à celles des 20 principaux fournisseurs de la défense.
William Hartung, expert en défense, nous en dit plus. Les transferts vont si vite qu’il a du mal à suivre. Dans The Nation, il rapporte :
« Tout comme Boeing a profité du mandat de son ancien vice-président senior, Patrick Shanahan, en tant que secrétaire intérimaire à la Défense, Raytheon a toutes les chances de profiter de la nomination de son ancien lobbyiste en chef, Mike Esper, comme son successeur.
La promotion d’Esper vient peu de temps après qu’un autre lobbyiste de Raytheon, Charles Faulkner, a quitté le département d’Etat après avoir été accusé d’avoir indûment influencé des décisions de vendre des bombes guidées produites par Raytheon à l’Arabie Saoudite pour sa guerre aérienne brutale contre le Yémen.
John Rood, troisième en chef au Pentagone, a travaillé pour Lockheed Martin et Raytheon, tandis que Ryan McCarthy, remplaçant de Mike Esper en tant que secrétaire aux Armées, a travaillé pour Lockheed sur le F-35 – dont le POGO a déterminé qu’il ne serait peut-être jamais prêt au combat. »
De nos jours, les vieux soldats ne prennent plus leur retraite, ils continuent de se battre – pour plus d’argent.
Et on ne parle pas d’arnaques à la petite semaine – comme le marteau à 435 $ du Pentagone ou le siège de toilettes à 700 $ de la Navy (ceux-là ont été révélés par notre vieil ami Ernie Fitzgerald, qui travaillait alors comme analyste systèmes au Pentagone. Nixon l’a viré). On parle de vols considérables – des usines à gaz pour des centaines de milliards… voire des milliers de milliards de dollars.
Tout le monde sait que 90% des dépenses de « défense » n’ont rien à voir avec la défense. Les experts estiment par exemple qu’il suffirait de 300 armes nucléaires pour fournir un repoussoir efficace. Les Etats-Unis en ont plus de 4 000.
Il ne faudrait pas non plus beaucoup pour arrêter une attaque conventionnelle. Imaginez des vaisseaux effectuant la longue traversée de l’Atlantique nord… ou du Pacifique. Ils seraient une cible facile même pour un système de défense missile rudimentaire.
C’est pour cette raison que la majeure partie du budget militaire est une assiette au beurre… et c’est pour cela que ses héros – les lobbyistes et les tricheurs qui aident à le rendre possible – méritent des médailles.
Ce ne doit pas être facile de soutirer encore plus d’argent au gouvernement fédéral. On prévoit déjà que les déficits dépasseront les 1 000 Mds$… et les Etats-Unis n’ont pas d’adversaires réellement plausibles pour justifier de telles dépenses. Pourtant, les courageux hommes et femmes du lobby militaire argumentent pour avoir plus de financement… et l’obtiennent.
Oui, cher lecteur, tous ces milliers de milliards d’inflation pour la « relance » doivent aller quelque part. Ces gens-là s’assurent que ce soit bien dans leurs poches.