La Chronique Agora

La Nouvelle dépression (2/2)

La crise du coronavirus est profonde, et la reprise économique sera lente – et longue. Les marchés ont encore du chemin à faire : voici les niveaux boursiers à surveiller avant d’investir.

Les nombreuses pertes – à tous les échelons de l’économie – engendrées par la crise du coronavirus déclencheront une réaction en chaîne, disions-nous hier. Il faut savoir qu’une fois que l’aide gouvernementale est distribuée, bon nombre de destinataires ne la dépensent pas (contrairement à ce que l’on espère) : ils l’épargnent.

Cette épargne est dite « préventive ». Même si vous n’êtes pas licencié, vous craignez peut-être que votre emploi soit tout de même menacé. Tout revenu perçu vous permet soit de régler vos factures, soit d’épargner « au cas où ».

Dans les deux cas, cet argent n’est pas consacré à de nouvelles dépenses. A un moment où l’économie a besoin de consommation, celle-ci ne va pas se produire. L’économie va tomber dans un « piège de liquidité » où l’épargne provoque la déflation, ce qui augmente la valeur de l’argent, et engendre encore plus d’épargne. La dernière fois que ce schéma a été constaté remonte à la Grande dépression (1929 -1939).

Même si les gens avaient envie de dépenser (ce n’est pas le cas), ce serait des dépenses réduites dans tous les cas, car il subsiste moins de motifs de dépenser : les spectacles et les événements sportifs sont annulés. Les restaurants et les cinémas sont fermés. Les déplacements sont quasi inexistants, et personne ne voudra monter sur un navire de croisière ou séjourner dans un complexe touristique tant qu’on n’aura pas la garantie que le risque de Covid-19 a énormément diminué.

Engrenage infernal

Nous sommes pris dans un engrenage infernal où les gens ne veulent pas dépenser – et même s’ils le voulaient, il y a peu de choses auxquelles consacrer ces dépenses. C’est la garantie d’une reprise lente et d’une déflation persistante qui devraient aggraver d’autant cette lente reprise.

Outre ces contraintes sur la demande, il existe de graves contraintes sur l’offre. Les chaînes d’approvisionnement mondiales ont été sérieusement perturbées en raison des confinements et des goulets d’étranglement dans les transports. La distanciation sociale va ralentir la production, même sur les sites qui sont ouverts et peuvent obtenir les intrants nécessaires.

Un seul cas de Covid-19 dans une entreprise peut provoquer sa fermeture intégrale et une période de quarantaine de deux semaines. Les sociétés qui dépendent de la production de cette entreprise pour produire leurs propres produits seront également fermées.

Au-delà de ces effets directs – la perte de revenus et la perte de production – les effets indirects – sur la volonté d’investir des entrepreneurs et celle de dépenser des particuliers – sont considérables.

Un « effet de richesse » négatif

Le premier de ces effets indirects est « l’effet de richesse ». Lorsque la valeur des actions chute entre 20 et 30%, comme cela s’est produit dernièrement, les investisseurs se sentent appauvris, même s’ils ont encore beaucoup d’argent après cette chute.

Cet effet psychologique incite les gens à réduire leurs dépenses, bien qu’ils puissent se les permettre. Cela signifie que la baisse des dépenses ne provient pas seulement de la classe moyenne et des chômeurs, mais également d’individus plus aisés, qui se sentent menacés par une perte de richesse, même s’ils continuent de percevoir leurs revenus.

Les effets de richesse négatifs ne se limitent pas aux pertes essuyées sur le marché actions. Beaucoup de particuliers possèdent des obligations d’entreprises qui devraient faire défaut, désormais, à mesure que les sociétés émettrices se déclareront en faillite.

Enfin, la valeur de l’immobilier va s’effondrer à mesure que les locataires refuseront de payer leur loyer et que les propriétaires feront défaut sur leurs prêts et s’exposeront à des saisies.

Aucune de ces conséquences économiques négatives issues de la Nouvelle dépression ne peut être résolue facilement par le Congrès US et la Fed. Les dépenses financées par le déficit ne vont pas « stimuler » l’économie si les bénéficiaires s’en servent pour régler leurs factures ou économiser de l’argent.

La Fed peut fournir la liquidité permettant au système financier de fonctionner, mais elle ne peut remédier à l’insolvabilité ou empêcher les faillites.

Encore 1 000 points de chute pour le S&P 500 ?

Bref, la perte de production, les faillites d’entreprises et la perte de consommation vont se produire quoi que le Congrès US et la Fed accomplissent. Une fois que ces pertes seront claires, les effets de richesse négatifs provoqueront de nouvelles baisses des dépenses.

Le processus va s’autoalimenter sous forme de déflation, ce qui incitera encore davantage à épargner et dissuadera de consommer. Nous sommes pris dans une spirale déflationniste et d’endettement qui ne fait que commencer.

Si l’on se base sur cette analyse, les investisseurs devraient s’attendre à une reprise lente et faible à la suite de la Nouvelle dépression.

La Fed n’aura plus de munitions. Les dépenses financées par le déficit vont ralentir la croissance au lieu de la stimuler car des niveaux d’endettement sans précédent vont inciter les Américains à anticiper une hausse des impôts, de l’inflation ou des deux.

L’économie américaine ne retrouvera pas avant 2022 les niveaux de PIB de 2019. Le taux de chômage ne retombera même pas à 5% avant 2026, voire plus tard.

Cela signifie que les actions sont loin d’avoir atteint un plus bas. L’indice S&P 500 pourrait facilement atteindre les 1 870 points (il est à 2 800 points environ au moment où je rédige ces lignes) et l’indice Dow Jones Industrial Average pourrait chuter à 15 000 points (il affiche 23 600 points au moment où je rédige ces lignes).

Ce sont les niveaux auxquels les investisseurs pourraient envisager d’investir dans les actions. Dans l’intervalle, toute démarche visant à « acheter sur les replis » ne fera que générer de nouvelles pertes lorsque l’impact intégral de ce que j’ai décrit commencera à être réellement appréhendé.

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