La Chronique Agora

Un nouvel âge glaciaire ?

Les préoccupations changent selon les époques… et personne ne peut prévoir ce que sera l’avenir. Il est donc futile d’essayer de l’influencer – mais c’est bien ce que tentent de faire les dirigeants du monde entier.

La planification centrale revient en force… mais a-t-elle vraiment la moindre utilité, face à un futur qui ne se soucie pas des projets humains ?

On peut avoir un aperçu de la manière dont les plans peuvent mal tourner en se demandant quelle sorte de stratégie l’administration Nixon aurait pu élaborer il y a 50 ans.

Le gouvernement aurait par exemple pu tenter de prendre une longueur d’avance dans la bataille contre le changement climatique… sauf qu’il serait probablement parti dans la mauvaise direction.

C’est-à-dire qu’il aurait pu dépenser des milliards à essayer de réchauffer la planète ; c’est le refroidissement climatique qui effrayait les gens à l’époque.

« Un nouvel âge glaciaire ? » se demandait le magazine TIME en 1974, inquiet de l’avancée des températures arctiques.

Ou peut-être que Nixon aurait commencé à faire des plans pour une concurrence stratégique avec la Chine.

Ah non, attendez… la Chine n’était pas considérée comme une rivale à l’époque ; la planification centrale de Mao venait d’affamer 20 à 30 millions de ses propres citoyens durant le Grand bond en avant.

A l’époque, le « géant géré par l’Etat » à la tête d’une excellente économie qui semblait menacer les Etats-Unis était l’Union soviétique. « Nous avons besoin de plus de planification centrale aux Etats-Unis », ont dit les Paul Krugman des années 1960. « C’est nécessaire pour tenir tête aux Soviétiques. Ils prennent de l’avance. »

Dans les années 60, les Soviétiques avaient clairement de l’avance dans la course à l’espace. Ils avaient mis leur homme, Youri Gagarine, en orbite dès 1961. Ce n’est que huit ans plus tard que les Etats-Unis ont pu gagner définitivement, en envoyant des hommes sur la Lune. A ce moment-là, Gagarine était déjà mort, âgé de 34 ans… dans un accident d’avion.

Même jusque durant les années 1980, les élites américaines pensaient être engagées dans un combat de coqs avec l’Union soviétique. L’administration Reagan a alourdi la dette US de 1 700 Mds$, principalement pour faire face à cette menace.

Menace à l’est

Au début des années 1990, l’économie soviétique – croulant sous cinq décennies de planification centrale – ne pouvait plus voler. Les Russes la sortirent eux-mêmes de la piste en 1993, et revinrent à un système essentiellement capitaliste.

A ce moment-là, les planificateurs à la manque des Etats-Unis avaient porté leur attention plus à l’est. La Japan Inc. était la bulle des années 1980. Et elle avait une « politique industrielle ».

« Il nous faut la planification stratégique pour concurrencer la Japan Inc. », dirent les élites américaines.

Sauf que l’économie japonaise a explosé en 1989. Son marché boursier ne s’en est jamais remis.

Peak Oil

La planification stratégique, à l’époque, aurait aussi pu inclure des sommes considérables pour le secteur pétrolier. Le pétrole était essentiel à l’économie US… et les Etats-Unis allaient se retrouver à court d’or noir.

Telle était du moins la théorie du géologue américain M. King Hubbert, qui pensait que le sommet de la production pétrolière US avait été atteint au début des années 1970. Les Etats-Unis créèrent une « Réserve stratégique de pétrole » en anticipation de la pénurie.

Dans les années 1980, les USA nageaient dans le pétrole. Suite à cela, la révolution du fracking, dans les années 2000, redonna aux Etats-Unis leur indépendance énergétique.

Et durant la crise du Covid-19 et les confinements de 2020, le prix du pétrole est devenu négatif. Les producteurs devaient payer pour s’en débarrasser. Au lieu de remplir leurs réserves stratégiques, les planificateurs auraient dû les laisser vides !

Et quoi d’autre ? Les planifications de l’ère Nixon aurait pu vouloir plus d’autoroutes passant en centre-ville pour que les gens puissent aller travailler plus facilement… et plus de stations-essence, pour qu’ils puissent faire le plein… et plus de distributeurs de cigarettes pour qu’ils puissent fumer plus facilement.

Un avenir grotesque

Evidemment, quand on essayer de préparer tout un pays au futur, on ne peut faire que des erreurs.

Mais quelle importance ?

Les élites s’occupent de la planification. Leurs membres récompenseront leurs clients préférés, leurs alliés et leurs compères. Ils subventionneront les secteurs qu’ils apprécient, et puniront ceux qu’ils n’apprécient pas – avec l’argent des autres, bien entendu.

Ils donneront des financements aux universités pour étudier l’avenir qu’ils imaginent… et annuler les opinions alternatives. Les professeurs décrivant le futur tel que les élites voudraient le voir seront titularisés.

Les entreprises qui permettent leurs plans obtiendront des contrats. Les planificateurs obtiendront des sinécures. Les empêcheurs de tourner en rond trouveront un emploi à vie : mettre en place tous ces plans.

Jour après jour, petit à petit, l’avenir prendra forme.

Non pas l’avenir tel qu’il devrait être – plein de surprises, de croissance et d’innovation… ni même l’avenir que les élites ont tenté de créer (on ne peut pas vraiment contraindre le futur à faire ce qu’on veut)…

… Mais un avenir grotesque – comme l’Union soviétique en 1989 – plein de plans ratés… de programmes ruinés… et de gens mécontents.

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