Les autorités pensent avoir résolu la quadrature du cercle – et sont persuadées d’avoir pris le contrôle du système. Mais elles ne pourront pas différer éternellement les conséquences.
La prise de contrôle de la monnaie puis, en chaîne, la prise de contrôle des autres paramètres comme les taux, les préférences pour le présent ou le futur, les appétits pour le risque, les commentaires de la presse…
Tout cela crée un monde nouveau où ce qui n’était qu’une résultante avant devient une donnée, un input.
Maintenant on fixe à la main ce qui dans le passé n’était que constaté.
Par exemple : en produisant à la main les indices boursiers et la valeur des patrimoines, on fabrique la perception de la situation économique, on fixe le niveau de la richesse en espérant que la production va s’y adapter.
La richesse, résultat de la production, devient son moteur. On a inversé : la production doit résulter de la richesse perçue.
Je pense que vous avez compris cette hypothèse balbutiante.
Maudit peuple !
Le monde moderne est celui des démiurges qui croient que, constatant une chaîne de causalités qui fonctionne dans un sens, ils vont pouvoir en prendre le contrôle, l’inverser, la faire fonctionner en sens inverse.
La production produit les richesses ? Eh bien, on inverse et on dit, on décrète, que maintenant, la richesse va produire la production.
Bien sûr, on s’étonne du faible rendement de la pompe à inversion. On s’étonne d’échouer et on dit : la transmission ne fonctionne pas !
Maudit peuple, maudits individus, maudits ringards qui ne transmettent pas nos impulsions.
C’est toute une philosophie du monde qui est à l’œuvre !
En passant, je souligne que c’est exactement la philosophie d’un Emmanuel Macron… mais il faudrait le démontrer. En particulier, il faudrait faire ressortir en quoi la négation de l’épaisseur du monde, de ses référentiels, la négation de la dialectique par le fameux « en même temps » est un produit de cette philosophie de l’inversion magique.
On verra cela un autre jour.
On a résolu la quadrature du cercle
Réfléchissez, c’est très riche. C’est un excellent schéma explicatif de la modernité qu’il faut creuser : la prise de contrôle des variables naturelles et la tentative d’inversion des processus.
C’est le pari forcené que les causalités sont réversibles. On a trouvé le moyen de remonter la pente de l’entropie.
Dans ces conditions, bien sûr, tout est à revoir. Les indicateurs utiles ne sont plus les indicateurs économiques classiques, non… puisque l’on marche sur la tête.
Les indicateurs de la croissance future sont… les cours de la Bourse… les titres des journaux… et si on réussit à relancer les cours de Bourse, on espère alors que cela relancera la croissance et qu’on évitera la récession.
Le coût de ces pratiques, les conséquences non voulues, tout cela est différé. Repoussé… voire, pour/par certains, radicalement nié : on a découvert la quadrature du cercle, on a trouvé le secret de l’argent gratuit et de la multiplication des pains.
C’est ce qu’a écrit l’économiste Paul Krugman ces derniers jours : la dette ne compte pas, nous ne faisons que nous prêter à nous-mêmes ! A l’échelle de la planète, il n’y a aucun déficit, tout se compense ; il suffit qu‘un empire prenne le contrôle de la planète, n’est-ce pas…
Le temps, dans ce système, n’est plus le temps de l’économie de papa ou de grand-papa. Désormais, c’est l’Aventure.
Tout est à découvrir et à apprendre : les comportements, les apprentissages ne sont pas encore fixés, codifiés, enracinés, pavlovisés – mais cela viendra… plus tard…
… Dans un an, dans 10 ans…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]