Et le prix Nobel de la désinvolture économique et de la supercherie financière est attribué à…
Les Etats-Unis ont ceci de formidable que n’importe qui peut devenir président ou remporter un prix Nobel. Donald Trump a validé la première assertion. Désormais, Ben Bernanke vient de valider la seconde.
Voici ce que nous apprend Politico :
« Après avoir utilisé son expertise académique sur la Grande dépression pour raviver l’économie américaine après la crise financière de 2008, l’ancien président de la Réserve fédérale américaine Ben Bernanke s’est vu décerner le prix Nobel d’économie, en compagnie de deux autres économistes américains. Le trio a été récompensé pour leurs travaux de recherche sur les répercussions des faillites de certaines banques.
Agé de 68 ans, Ben Bernanke, qui a présidé la Fed de 2006 à 2014 et fait désormais partie de l’institution Brookings à Washington, a étudié la Grande Dépression des années 1930, mettant en lumière le risque que représente les paniques bancaires, périodes durant lesquelles les gens récupèrent leur épargne, et comment les faillites bancaires ont engendré une catastrophe économique généralisée. Avant Bernanke, les économistes considéraient les faillites bancaires comme une conséquence, et non une cause, des ralentissements économiques. »
Peu lu et ignoré
Dans notre livre Gagner ou Perdre, nous expliquons comment les économies fonctionnent vraiment. Nous ne faisions pas officiellement partie des candidats au prix Nobel d’économie, mais l’espoir nous était permis. Peut-être qu’un membre du comité Nobel se procurerait un exemplaire de notre livre pour 25 centimes dans un vide-grenier, jamais lu et dans un état neuf. Peut-être qu’il le trouverait tellement intéressant qu’il en recommanderait la lecture aux autres membres du comité.
Et, dans ce qui serait apparu comme une insulte aux économistes universitaires traditionnels, nous aurions reçu un appel pour nous apprendre la bonne nouvelle.
Nous sommes restés près du téléphone dimanche dernier, mais celui-ci n’a pas sonné. Aucun appel de Stockholm.
Peut-être n’ont-ils pas trouvé notre numéro. Ou peut-être sont-ils aussi ineptes que Ben Bernanke.
Puis la nouvelle est tombée lundi. Au début, nous avons cru qu’il s’agissait d’une blague. Mais c’était bien réel : Ben Bernanke venait de se voir attribuer le prix Nobel, en compagnie de deux universitaires inconnus au bataillon. Il souriait, avec un regard qui trahissait son âme : imbu de sa personne, ignorant et malhonnête.
Oui, le comité Nobel a remis son prix le plus prestigieux pour l’étude des économies à un individu qui n’a pas la moindre idée de la façon dont fonctionnent les économies. C’est comme s’ils avaient remis le prix Nobel de la paix à Vladimir Poutine.
Mais notre magnanimité nous pousse à applaudir Ben Shalom Bernanke. Nous nous proposons de l’aider pour ses mémoires :
« Moi, Ben Bernanke
Idiot, inintéressant, geek… Voici les sobriquets que m’attribuaient mes camarades de classe. À l’école hébraïque, mes camarades se montraient encore plus durs à mon égard : imbécile, benêt, etc.
Mais je leur ai montré. Pas de prix Nobel pour eux. C’est moi qui l’ai reçu.
Comment ai-je réussi mon coup ?
C’est là que les choses deviennent intéressantes. Même à Washington, ils me prenaient pour un bon à rien.
J’ai suivi Alan ‘Bubbles’ Greenspan à la Fed. Il avait compris comment fonctionnent les marchés. Il avait fait ses classes à Wall Street. Il avait étudié les économistes classiques autrichiens. Il avait eu une liaison avec Barbara Walters et avait épousé Andre Mitchell. Il savait ce qu’il voulait : le pouvoir, la reconnaissance et le statut social. C’était un vendu et tout le monde le savait.
A Washington, vous devez choisir entre le pouvoir ou l’honnêteté. Les deux sont incompatibles. Greenspan a choisi le pouvoir. Pour ma part, j’étais un type sans expérience des marchés ou de l’économie réelle. J’étais un économiste universitaire, qui ignorait tout du monde réel.
Mais je les ai bien eus, tous. J’étais le parfait technocrate, avec un doctorat, et je déversais mes inepties comme des toilettes qui débordent. Le ‘taux neutre’, la capacité économique, l’excédent d’épargne, les modèles stochastiques dynamiques… C’était du flan. Mais si vous voulez être de la partie à Washington, il vous faut jouer sur les deux tableaux.
Alan Greenspan était trop intelligent et cela l’a desservi. Tout le monde savait qu’il mentait. Il n’a pas reçu de prix Nobel. En revanche, quand moi je mentais, tout le monde pensait que j’étais simplement stupide. C’est mon tour de force.
J’ai réalisé mes travaux académiques dans l’ombre du grand Milton Friedman. Friedman était ‘grand’ car il avait réalisé que les gouvernements sont des parasites, littéralement, et que moins le gouvernement a de pouvoir, mieux se porte le peuple.
Il avait compris que la masse monétaire était la variable d’ajustement fondamentale et que l’effondrement des banques dans les années 1930 était la cause principale de la Grande Dépression. Lorsque les banques ont fait faillite, les épargnants ont perdu leur argent, la masse monétaire s’est contractée et s’en est suivi une dépression.
Je savais parfaitement que ce n’était pas les faillites bancaires qui avaient provoqué la Grande Dépression. Les banques avaient fait faillite car elles avaient prêté trop d’argent à des gens qui n’étaient pas capables de le rembourser. Sans intervention de l’Etat, les faillites bancaires permettraient d’éradiquer la mauvaise dette et le système pourrait se remettre sur pied.
Mais je savais que cette vision des choses ne séduirait pas à Washington. C’est la raison pour laquelle quand on m’a mis sur le devant de la scène le 3 octobre 2008, j’ai joué l’idiot du village.
J’ai déclaré devant le Congrès que s’il n’adoptait pas telle ou telle loi, l’économie s’effondrerait en 48 heures.
C’était un énorme mensonge. J’ai été surpris que ces clowns le gobent aussi facilement. Les marchés s’adaptent à l’actualité, quelle qu’elle soit. Il était impossible que la faillite d’une poignée d’établissements de crédit surendettés provoque un effondrement de l’économie.
Les marchés se moquent bien de savoir qui a fait faillite. Ils se moquent également des prix. Ou des taux d’intérêt. Ils se soucient uniquement de leur intégrité. Je les ai délibérément distordus. Premièrement, en poussant le Congrès pris de panique à financer un énorme plan de sauvetage de Wall Street. Puis, en incitant la Fed à dépenser sans compter. La dette nationale a ainsi gonflé de 21 000 Mds$ depuis 2008. C’est ce qui a conduit à l’époque des bulles, de 2009 à 2021, et c’est qui a fait qu’il est désormais quasiment impossible de revenir à la normale sans provoquer des pertes catastrophiques.
A ce moment-là, j’avais déjà compris que le système était devenu totalement frauduleux. Les crétins du Congrès prétendaient se soucier du peuple, les charlatans de la Fed prétendaient savoir à quel niveau fixer les taux d’intérêt et ‘le peuple’ lui-même prétendait savoir ce qu’il se passait.
C’est à cette époque que j’ai trouvé le titre de mon livre, The Courage to Act [NDLR : Le Courage d’agir]. J’en ai bien rigolé avec ma femme. Du courage ? Il n’a pas fallu le moindre courage pour imprimer des milliers de milliards de dollars et ainsi ouvrir la voie à la poussée d’inflation que nous connaissons actuellement. Cela n’a demandé aucun courage. C’était du pur cynisme.
Moi, Ben Bernanke, j’ai réalisé un coup de maître. J’ai réussi mon coup. Et j’ai reçu le prix Nobel pour ça. »
La réussite de Ben Bernanke nous reste-t-elle en travers de la gorge ? Bien sûr que oui. Cet idiot mérite la reconnaissance, mais pour avoir empiré la situation, pas pour l’avoir améliorée.
Et en ce qui nous concerne, peut-être aurons-nous plus de chance l’an prochain.