La Chronique Agora

Méfiez-vous des dettes hybrides des banques

▪ A l’origine de la crise, une dette bancaire obscure, le subprime. La solution à la crise : une dette tout aussi complexe que ces mêmes banques émettent à tout-va, afin de restaurer leur bilan. La bulle de la dette grossit. Méfiance !

Hier, les banques étaient mises au pilori parce qu’elles prenaient des risques qu’elles n’avaient pas les moyens de couvrir. D’où le débat sur les fonds propres, Tier One et autres strates du passif du bilan.

"Les banques européennes paraissent aujourd’hui mieux capitalisées que lors de la chute de Lehman Brothers", nous apprend une note de BNP Paribas. "Les injections publiques de fonds propres réglementaires, plus récemment les augmentations de capital, la restauration de leurs capacités bénéficiaires et les ajustements opérés au sein des portefeuilles ont permis à la plupart des grandes banques internationales de hisser leur ratio de solvabilité à un niveau supérieur à celui qui prévalait avant la crise".

Retour à la case départ, avec des banques fortes plus fortes et des banques fragiles plus fragiles, résume Julia Peach, de l’agence de notation Fitch. Les plus solides ont reconstitué leurs fonds propres, avec un "ratio Tier One de l’ordre de 8% à 12%, contre un seuil de 4%", qui dépasse "très largement les exigences réglementaires’, poursuit BNP Paribas.

Des règles que la crise a chamboulées et qui sont en complète refonte. Exit le Comité de Bâle II, arrive Bâle III, qui veut redéfinir les exigences de capital permanent des banques. "Toutefois, il est difficile aujourd’hui de tirer des conclusions définitives sur les évolutions réglementaires, qui ne seront finalisées au mieux qu’à la fin de 2010", remarque la société de gestion Lazard Frères Gestion (LFG).

En attendant, les établissements financiers continuent à faire de la dette. Obligations convertibles, titres super-subordonnés… Alors que le bon sens appelle à plus de transparence, ce jargon présage la complexité de ces instruments que l’on rassemble sous le nom de dette hybride, parce qu’ils ont les caractéristiques des capitaux propres et de titres de dette, avec moult spécificités. "Le capital hybride représente une part importante des fonds propres réglementaires de la plupart des banques européennes", explique Fitch.

▪ Fuyez ce que vous ne comprenez pas
Complexe, cette dette, mais attrayante aux yeux de certains gérants obligataires. DWS (Deutsche Bank Group) ou LFG ont fait entrer le crédit bancaire dans leur portefeuille. Ne les imitez pas.

D’abord, parce que même les experts ont de quoi perdre leur latin devant cet imbroglio verbeux.

Ensuite, parce que "la crise a montré qu’un ratio de solvabilité élevé ne constitue pas toujours, loin s’en faut, un rempart efficace contre le risque de défaillance bancaire".

Notez que la remarque est de BNP Paribas. Pis, "des exigences excessives en capital bancaire sont susceptibles de porter atteinte à la capacité des banques à financer l’économie", lance l’établissement comme un avertissement. En outre, "les régulateurs ont reconnu que les instruments hybrides traditionnels n’ont pas fait leur travail" pendant la crise, ajoute Fitch, qui vient de dégrader pas moins de 592 lignes émises par des établissements financiers. Certains créanciers s’en mordent aujourd’hui les doigts.

Enfin, parce que "les facteurs de risques liés aux banques" et "les risques spécifiques aux dettes subordonnées" demeurent, même s’ils diminuent, développe LFG. "La récession économique accroît les défauts de paiement des entreprises et des particuliers, donc les efforts de provisionnement des banques (hausse du coût du risque)", argumente LFG. Ce qui corrobore notre thèse d’une contagion du subprime au prime. LFG ajoute que "les provisions sur actifs toxiques vont continuer", mais tempère que "les banques traitent les problèmes avec ou sans l’aide des Etats".

Mais à quel prix ? Demandez à la Société Générale, qui a eu son lot de provisions et a dévissé en Bourse de 7,2% à l’annonce de ses résultats annuels. Le secteur financier reste, selon nous, gangrené et dangereux pour l’investisseur particulier.

Une normalisation ? Nous n’en voyons pas. "Devant nous, le chemin est rocailleux", annonçait Julia Peach en début d’année.

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