▪ Aïe aïe aïe !
"Les Français… les catholiques… les musulmans… Il vous reste encore un auditoire ?" nous demande un lecteur inquiet.
Il semble que nous offensons notre lectorat à droite et à gauche. Quant au centre, il n’arrive pas à trancher. Sommes-nous une canaille ? Ou un idiot ? Nous n’en sommes nous-même pas certain.
Mais nous rappelons aux lecteurs — et à nous-même par la même occasion — que la Chronique Agora est une lettre commerciale. Ce n’est pas un passe-temps. Ce n’est pas un projet destiné à flatter notre ego. Elle est censée rapporter de l’argent. Comment ? En explorant et en confrontant — de manière rigoureuse, sérieuse et sans tourner autour du pot — des idées contrariennes, impopulaires, alternatives.
Bien entendu, il ne sert à rien de faire de la provocation gratuite. D’un autre côté, il est tout aussi improductif de vous dire ce que vous pouvez entendre partout ailleurs. Il n’y a pas grand’chose à apprendre des sottises apaisantes et flatteuses des principaux partis politiques, par exemple :
"Oui, nous sommes le meilleur pays sur terre. Tout ce que nous faisons est bien. Nos marchés ne font que grimper, parce que notre économie va de mieux en mieux, grâce aux sages conseils de notre banque centrale et des autorités économiques. Notre nation devient aussi de plus en plus forte sous l’oeil vigilant de nos gouvernants. Et nos enfants sont tous au-dessus de la moyenne".
Nous ne sommes pas assez rusé pour être politicien. Nous dirions à coup sûr ce qu’il ne faut pas |
Nous ne sommes pas assez rusé pour être politicien. Nous dirions à coup sûr ce qu’il ne faut pas. Nous ne sommes pas non plus assez intelligent pour éviter d’irriter nos lecteurs. Par ailleurs, en écrivant au quotidien, nous manquons de temps. Alors, pour le meilleur ou pour le pire, nous continuons d’avancer. Parfois nous avons raison. Parfois nous avons tort. Toujours nous doutons.
▪ Objectivité, subjectivité… et irréalité
Bien entendu, certaines choses sont vraies, quoi qu’on en dise. La réalité objective, pourrait-on dire. Laissez une canette de bière ouverte sur la table, elle va s’éventer. Peu importe ce que vous ou quiconque d’autre pourrait en penser. C’est juste comme ça. Descendez du trottoir au moment M et un bus de ville vous écrasera. Inutile d’en discuter.
D’autres choses, en revanche, existent uniquement parce qu’on le pense. Il y a des choses — qu’on pourrait appeler "réalité subjective" — comme le gouvernement, la guerre et la religion. Dieu pourrait être une "réalité objective" — mais nos perceptions sur le sujet sont subjectives. Et les religions organisées sont des produits de nos perceptions — de nos propres cerveaux et imaginations — tentant de comprendre la réalité de Dieu.
Et puis il y a une autre sorte de réalité — qu’on pourrait définir comme une "irréalité subjective " — qui est encore plus difficile à cerner. Dans le monde de l’investissement, par exemple, il y a des choses que la grande majorité des gens croient et attendent de voir se produire — mais qui, précisément parce que les gens les prévoient, n’arrivent presque jamais. C’est la nature perverse des marchés. Les valeurs sont à leur sommet lorsque les investisseurs sont le plus optimistes — juste avant le krach. Elles sont au plus bas lorsque les gens ont abandonné tout espoir — juste avant le rebond.
Les marchés ne font pas ce qu’on attend d’eux. La réalité ne correspond pas à ce que nous pensons ou ce que nous voulons. Lorsque la majorité s’attend à une issue particulière — un marché baissier, par exemple –, elle n’aura pas lieu. Parce que les investisseurs vendront leurs actions (ils l’ont probablement déjà fait), compromettant ainsi les conditions qui rendent possible un marché baissier. Ou, si les prêteurs s’attendent à une augmentation des défauts de paiement, ils vont rechigner à prêter et vendront de la dette, évitant ainsi une crise de la dette.
Dans le monde de l’investissement, seules les idées alternatives et contrariennes rapportent |
Dans le monde de l’investissement, seules les idées alternatives et contrariennes rapportent. Les idées grand public, le bon sens conventionnel, les sottises apaisantes que "tout le monde sait" et que "tout le monde veut entendre" sont des propositions perdantes. Parce qu’elles sont déjà prises en compte dans les cours. Tout le monde est déjà convaincu. A moins que tout le monde en ait sous-estimé le potentiel — ce qui est possible, mais peu probable –, il ne reste guère de marge à la hausse.
On n’a un krach majeur que lorsque les investisseurs sont assez optimistes pour faire grimper les prix. Et on ne peut avoir de grand marché haussier que lorsqu’ils sont si moroses qu’ils ont vendu leurs actions jusqu’à provoquer des planchers record.
Les gros profits proviennent de grosses surprises. L’opinion qui semble "tirée par les cheveux"… l’analyse qui arrive à la conclusion opposée de la plupart des autres — ce sont là les thèmes d’investissement qui rapportent de l’argent !
Faisons-nous fausse route en envisageant le reste du monde — pas seulement les marchés mais l’économie, la politique, et la guerre aussi — du même oeil méfiant ?