Ça bouge du côté des obligations… et ce n’est pas bon signe pour l’inflation. Mais les choses bougent aussi dans d’autres secteurs du marché – notamment le bitcoin : que faut-il en penser ?
Le marché obligataire US déménage.
Il a fait ses valises en août dernier, qui semble avoir marqué le sommet du marché obligataire haussier entamé il y a 41 ans.
La semaine dernière, les rendements des T-Bonds (qui évoluent en sens inverse des prix obligataires) ont atteint 1,75% après que le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, a fait savoir que les menaces d’inflation ne le perturbaient pas.
1,75%, cela ne semble pas beaucoup. A peine zéro en termes réels (avec des prix à la consommation qui grimpent au taux de 0,4%).
C’est quand même trois fois le taux d’août dernier.
Les choses bougent sur le front du cash aussi. Jeudi dernier, 271 Mds$ ont disparu des coffres des autorités américaines, principalement pour financer les chèques de relance. C’est plus que le PIB du Vietnam.
La Fed est-elle déjà allée trop loin, pour y rester trop longtemps ? Alors que les taux grimpent sur le marché obligataire et une demande presque infinie de nouvelles liquidités, peut-elle revenir un jour sur ses pas ?
Si la masse monétaire augmente… les prix suivent
Nous rappelons au lecteur que « l’inflation » fait allusion à l’acte d’augmenter la masse monétaire.
Et juste pour être encore plus clair, même si de nombreux facteurs entrent en jeu, à mesure que la quantité de dollars augmente, en fin de compte… tôt ou tard… avant qu’il ne gèle en enfer… toutes choses étant égales par ailleurs… les prix devraient faire de même.
La masse monétaire – en utilisant le bilan de la Fed comme mesure pratique bien qu’incomplète – est passée de moins de 700 Mds$ en 1999 à 7 000 Mds$ aujourd’hui.
En d’autres termes, en deux décennies, la Fed a gonflé la masse monétaire dix fois autant que tous les secrétaires au Trésor et gouverneurs de la Fed réunis sur les 21 décennies précédentes.
Parallèlement, les biens et services qu’il est possible d’acheter avec cet argent, dont le PIB est une mesure grossière, ont seulement doublé, de 10 000 Mds$ à plus de 20 000 Mds$.
L’idée du plan « monétariste » post-1971 était que la Fed contrôle la croissance de la monnaie, lui permettant d’augmenter à peu près proportionnellement à l’économie dans son ensemble. Ceci était censé maintenir la stabilité des prix tout en éliminant les pénuries soudaines de crédit.
Mais comme vous pouvez le voir, à ce stade au XXIème siècle, la masse monétaire a augmenté neuf fois plus rapidement que le PIB.
Elle va devoir grimper plus encore – pour remplacer le cash qui vient de se faire la malle. Et encore plus… pour financer le plan de relance à 1 900 Mds$… et encore plus… pour les nouvelles infrastructures… et toutes les autres merveilles que les autorités US ont encore en réserve.
Il ne serait donc pas très surprenant que les prix grimpent aussi.
L’argent sert à acquérir des biens et des services. Si la quantité de monnaie augmente plus rapidement que la quantité de biens et services disponibles… logiquement, les prix grimperont.
Gâchis d’argent
Ajoutons un peu de chair à ce squelette nu.
Les dépenses gouvernementales sont incluses dans le PIB. Mais les services offerts par le gouvernement ne sont pas du genre de ceux qu’on recherche habituellement.
Très peu de gens se réveillent le matin en se disant : « il faut que je m’achète un avion de combat F-35, aujourd’hui ». Ils veulent plutôt des choses que le gouvernement ne fabrique pas.
Les dépenses gouvernementales se concentrent presque entièrement sur la consommation de richesse, non sur sa création. En d’autres termes, elles n’ajoutent rien au côté « offre » de la balance « offre/demande ». Elles y soustraient des choses.
Ainsi, lorsque les dépenses gouvernementales augmentent en tant que pourcentage du PIB, cela devrait, là aussi, être la cause d’une hausse des prix à la consommation.
Après la Deuxième guerre mondiale, le total des dépenses gouvernementales – fédérales et locales – s’est réduit à un peu plus de 25% du PIB. L’an dernier, on dépassait les 40%.
Inondation de liquidités
Les économistes décrivent l’inflation comme une quantité croissance de monnaie qui « court après » les biens de consommation. Mais la monnaie n’est pas toujours prête à partir à la chasse.
Parfois, les gens choisissent d’épargner plutôt que dépenser. Or, si les autorités créent de la monnaie et qu’elle ne va nulle part, cela n’a que peu d’effet sur les prix.
Où cette monnaie décide d’aller est important aussi. La majeure partie de la monnaie additionnelle générée au XXIème siècle a été parachutée sur les marchés financiers.
Le Dow Jones est passé de 11 000 points environ en 2000 à plus de 30 000 aujourd’hui.
Le bitcoin ne valait rien (il n’a pas été inventé avant 2008), et il se vend désormais près de 57 000 $.
Les jetons non-fongibles (NFT) sont apparus en 2014. Depuis, plus d’un demi-milliard de dollars de NFT ont été échangés.
Le flot de liquidités a soulevé la plupart des bateaux… mais pas tous. Quelque 40% des actions américaines sont encore sous l’eau après le désastre de 2008-2009.
Alors que les autorités injectaient de plus en plus de liquidité dans les marchés, les vétérans – avec une édition de Graham & Dodd posée sur leur bureau… et un portrait (signé) de Warren Buffett accroché au mur – ne suivaient pas.
Ils savaient que l’or fournissait une protection contre l’inflation, mais ils n’étaient pas sûrs de Bitcoin. Etait-ce une protection contre l’inflation… ou bien une simple mesure ? Et les NFT ? Que diable était-ce ? Où allaient-ils ?
Personne ne le savait avec certitude… mais ils bougeaient.
Cela dit, tout ou presque bouge en ce moment – le marché obligataire… la manière de travailler… la politique… la culture…
… Mais vers où ?