La Chronique Agora

Les maîtres du monde reviennent-ils au Paléolithique ?

▪ Il y a quelques jours, Bill Bonner méditait sur l’origine de la monnaie — et je vous conseille vraiment d’aller lire (ou relire) ses réflexions, car elles posent des questions intéressantes sur l’état du monde actuel.

Il y a deux sortes de "monnaie", explique Bill : celle qui est basée sur le crédit… et la monnaie fiduciaire, en pièces sonnantes et trébuchantes, qui a une valeur intrinsèque.

"L’argent basé sur le crédit est à la fois très vieux… et très neuf", résumait Bill vendredi dernier. "Il a cessé de fonctionner il y a environ 5 000 ans. C’est à cette époque que la société humaine — du moins dans les régions ‘développées’ — est devenue trop grande pour le supporter. Dans une petite tribu, on peut suivre qui doit quoi à qui. On savait ce que valaient les reconnaissances de dette. Ces reconnaissances — exprimant une relation entre des gens… s’étirant souvent sur de nombreuses générations — sont de ‘l’argent’. On savait qui les avait… qui honorerait ses obligations… quand et comment. En bref, c’était de ‘l’argent’ avec lequel on pouvait travailler".

"Mais dans une ville… ou une économie s’étendant sur plusieurs nations, langues, fuseaux horaires, cultures et juridictions politiques… un système basé sur le crédit s’effondre. C’est pour cette raison que les Romains utilisaient des pièces d’or et d’argent".

▪ Actuellement, bien entendu, nous avons effectué un retour fracassant à la monnaie basée sur le crédit. Il n’y a plus que ça, ou presque. Des 85 milliards de dollars injectés mensuellement par la Fed à la carte bancaire bien rangée dans votre portefeuille, l’argent est immatériel, désincarné, presque abstrait.

En fait… j’ai l’impression que tout se passe comme si les autorités politiques, économiques et monétaires de la planète avaient décidé de constituer leur "petite tribu", pour reprendre l’expression de Bill un peu plus haut. De revenir au paléolithique, en d’autres termes, où il était plus simple et plus direct de traiter les dettes et le crédit.

Après tout, il suffit d’enlever quelques zéros à la quantité d’argent qui circule… de traiter chaque pays comme un seul membre de la tribu… et tout s’éclaire : M. Etats-Unis doit 1 100 à Mme Chine mais produit 85 tous les mois, Mme Italie doit 511 à Mme France, etc.

Beaucoup plus facile à suivre comme ça, et on peut rester entre soi. De plus, ça permet toutes sortes de manigances très pratiques quand on se retrouve dans le pétrin.

Certains évoquent même la possibilité d’un "jubilé". Simone Wapler expliquait le concept dans son livre Pourquoi la France va faire faillite — là encore, on remonte dans l’antiquité : "chez les Hébreux, la législation sur le droit de propriété prévoyait un jubilé tous les cinquante ans. Toutes les familles devaient alors rechercher leurs disparus, les hypothèques et les dettes étaient effacées, les esclaves affranchis".

"Finauds, les Anciens avaient compris qu’il fallait éviter la dégénérescence du système de crédit vers la mise en esclavage des débiteurs par les créditeurs. Ils avaient observé que l’origine de bien des révolutions te troubles sociaux venait du surendettement".

Voyons voir… l’actuel système basé sur le crédit a été mis en place en 1971 par Nixon. Nous sommes en 2013… il a donc 42 ans d’existence. Vous je ne sais pas, cher lecteur, mais en ce qui me concerne, je verrais assez bien les autorités décider, au pied du mur, après sept ou huit années supplémentaires de "politiques non-conventionnelles" et autres bricolages monétaires, de passer l’éponge purement et simplement vers 2020… pour recommencer de zéro.

▪ Hélas, comme le dit Simone "il ne faut pas oublier qu’à chaque dette correspond un actif quelque part".

Dans leur suffisance, les maîtres du monde ont oublié ce principe de base. Ils ont aussi oublié qu’ils ne sont pas seuls dans leur petit club — et que des milliards d’êtres humains subissent et dépendent de leurs décisions.

Enfin, ils ont choisi d’ignorer les règles de base du monde réel.

"La titrisation, l’internationalisation des échanges, la disparition de tout lien physique entre un prêteur et un emprunteur rend désormais impossible l’organisation à grande échelle d’un tel jubilé," conclut Simone (dont vous pouvez commander le dernier livre ici).

"Trop tard, trop de dettes, il fallait lire les livres d’histoire avant de faire des bêtises".

Meilleures salutations,

Françoise Garteiser
La Chronique Agora

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