** Le pétrole a atteint les 127 $ le baril. Les importations pétrolières des Etats-Unis coûtent 67% plus cher cette année que l’an passé. Les importations hors pétrole ont grimpé de 6% — soit trois fois le taux directeur de la Fed. L’acier a lui aussi grimpé en flèche — de près de 50% au cours des 12 derniers mois. Et l’or a presque franchi les 900 $.
* Bien entendu, les journaux s’époumonent sur l’inflation. Le Financial Times s’inquiète de voir l’inflation miner les pensions et les plans retraite. Le International Herald Tribune, pendant ce temps, affirme qu’elle sape les efforts des banques centrales pour… eh bien… causer de l’inflation !
* Attendez… nous savons ce que vous pensez. Quelque chose ne va vraiment pas si les banques centrales ne peuvent pas créer de l’inflation quand elles le veulent. Dans un jour ou deux, on nous dira qu’on ne peut pas fumer comme on veut…
* Mais les journaux sont pleins de choses remarquables… alors pourquoi pas ? De toute façon, il y a tant de pièges dans l’univers des banques centrales que Ben Bernanke et co. ne pouvaient que tomber dans l’un d’entre eux.
* Une société n’a pas plus de véritable épargne (mis à part les ressources) qu’elle en a. Et elle fixe des taux d’intérêt (le prix de cette épargne) comme elle fixe tout autre prix — sur la base de l’offre et de la demande. Lorsque la Fed intervient avec des taux artificiellement bas, elle ne fait que prétendre avoir à sa disposition des ressources qu’elle n’a pas réellement. C’est le tour de passe-passe communément appelé "inflation", par lequel le pouvoir d’achat est gonflé par de l’argent qui n’existe pas.
** Depuis le début de la crise du crédit l’été dernier, la politique de la Fed a été purement inflationniste — conçue pour convaincre les gens qu’ils avaient plus d’argent et de crédit qu’ils le pensaient… et qu’ils devaient l’investir et le dépenser. Mais cette politique ne peut fonctionner éternellement. Les prix à la consommation finissent par grimper. Cela sonne la fin de la partie… la Fed doit "baisser les attentes d’inflation". En d’autres termes, la poudre de perlimpinpin n’a un effet positif que tant que les gens sont trompés… une fois qu’ils comprennent le truc, la fête est finie.
* Et là, nous demandons l’attention du lecteur pour un moment de réflexion. Cette vision classique et cynique de l’inflation a semblé fausse pendant si longtemps que les gens ont commencé à penser qu’elle était toujours fausse. Une génération tout entière a grandi avec 1) un dollar sans lien avec l’or, 2) un dollar qui a en fait grimpé par rapport à l’or durant 20 ans, 3) les prix bas de Wal-Mart, 4) une offre apparemment inépuisable de main d’oeuvre bon marché, 5) des marchés mondialisés et 6) des rendements obligataires en baisse. Pas étonnant que les gens se soient mis à penser que l’inflation n’était pas un problème… et qu’elle ne le serait plus jamais. Les banquiers centraux affirmaient qu’ils pouvaient désormais contrôler les cycles économiques pour avoir de la croissance sans inflation… des booms sans krachs… éternellement. Mais l’éternité semble avoir déjà pris fin.
* "Le spectre de l’inflation s’est levé sur les marchés financiers"… commence l’article du International Herald Tribune.
* Les banques centrales ne peuvent rendre l’argent plus facile impunément que lorsque les prix à la consommation sont sous contrôle. Lorsque les prix du carburant, du lait et de la margarine grimpent, les gens râlent. Ils veulent que leur banque centrale stabilise les prix. Et les banquiers centraux eux-mêmes regardent leurs taux de prêt et se sentent un peu gênés. "Comment se fait-il que vous prêtiez de l’argent si bon marché ?" leur demandent les économistes.
* On craint que si l’inflation "échappe à tout contrôle", il faudra des politiques rigoureuses pour la ramener dans les rangs. Et les politiques rigoureuses, c’est ce que tout le monde veut éviter… en particulier durant une année électorale.
* L’économie classique nous dit qu’une bulle des prix des actifs est toujours suivie par un krach des prix des actifs. L’inflation est suivie par la déflation, en d’autres termes.
* Mais dans notre monde bizarre et compliqué, nous avons en même temps de l’inflation et de la déflation. Les deux dernières grandes bulles — de l’immobilier résidentiel et du secteur financier — se dégonflent. Les prix baissent pour les deux secteurs. Mais les matières sensibles à l’inflation, notamment le pétrole et l’or, se sont envolées. Et à présent, la hausse semble se répercuter tout au long de la chaîne… des puits de pétrole aux conteneurs d’expédition, puis aux ateliers chinois, puis aux rayonnages des magasins.
* Cela signifie que les banques centrales doivent rester vigilantes. Elles ne peuvent plus baisser les taux aussi librement… pas tant que les prix à la consommation grimpent. Au lieu de cela, la pression s’exercera de l’autre côté — vers l’augmentation des taux.
* Pour l’homme de la rue, cela signifie qu’il faut se préparer à payer des prix plus élevés pour tout.
* Et pour les investisseurs ? Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que l’inflation fera le travail que le marché baissier ne s’est pas montré prêt à faire — elle réduira la valeur réelle des actions et des obligations, même si les prix nominaux restent constants. Tim Bond, de Barclay’s Capital, déclare que "les investisseurs doivent se préparer à quelques années très désagréables. Les obligations en tous genres — sauf les indicielles — n’ont pas leur place dans des portefeuilles, aux rendements actuels. L’exposition aux actions devrait être réduite aux ressources naturelles, à l’énergie, aux produits et industriels et aux services — et une fois que les pertes auront été épurées — aux financières".