La Chronique Agora

L'étrange politique des banques centrales

** La semaine n’a pas été terriblement gratifiante pour les investisseurs… et elle suivait l’un des pires semestres de l’histoire boursière. Si l’on en croit l’indice mondial MSCI, les investisseurs n’ont pas pris une telle raclée depuis 26 ans.

* La Royal Bank of Scotland a émis une "alerte au krach". Et la Banque centrale européenne a augmenté ses taux. Jean-Claude Trichet déclare qu’il y a un risque d’explosion des prix, alors que l’inflation des prix à la production atteint un sommet record en Europe.

* Le taux directeur américain est déjà moitié moins élevé que celui de la BCE. Le dollar semble n’être suspendu qu’à un fil. Avec la hausse de taux de la BCE, il pourrait chuter à pic.

* Nous avons essayé de comprendre l’étrange dynamique des politiques menées actuellement par les banques centrales. Pour l’instant, tout ce que nous avons compris, c’est qu’elles sont plus perverses et plus compliquées que nous le pensions.

* En deux mots, il est désormais évident pour tout le monde que l’économie mondiale prend deux directions à la fois. Les prix à la consommation grimpent — comme si un boom était en cours. Les prix des actifs, les prêts, les introductions en bourse et la confiance des consommateurs baissent — comme si un krach était en cours.

* Aux Etats-Unis, les ventes de voitures sont à un plancher de 10 ans. Et les propriétaires de 4×4 se font "brûler deux fois", dit un article. Non seulement ils paient leur carburant bien plus cher qu’ils le prévoyaient… mais en plus, lorsqu’ils cherchent à échanger leur char d’assaut contre une forme de transport plus modeste, ils en obtiennent moins qu’ils l’espéraient. Qui veut un 4×4 de nos jours ?

* Vous pensez que les choses vont mal ? Eh bien, réfléchissez à ceci. En Ukraine, l’inflation atteint les 30% par an. En Lettonie, elle est à 18%. L’Egypte subit une inflation de 16%. Et… ah oui… il y a le Zimbabwe. Le salaire du travailleur moyen, au Zimbabwe, est de 15 milliards de dollars zimbabwéens (Z$). Les malheureux sont tous milliardaires. Mais il faut 19 milliards de Z$ pour acheter un paquet de 10 biscuits — si vous en trouvez. Une livre de margarine coûte 25 milliards.

* Les consommateurs sont pilonnés partout dans le monde. Idem pour les investisseurs. Les marchés boursiers européens ont perdu près de deux fois plus que Wall Street. Et nombre d’autres marchés de la planète ont perdu encore deux fois autant. La Chine et le Vietnam, par exemple, ont tous deux perdu plus de 50% par rapport à leurs sommets.

* Et le pauvre Japon ! La deuxième plus grande économie au monde semble incapable de se désembourber. Le Nikkei enregistre "sa plus longue séquence baissière en 43 ans", lisait-on hier dans la presse financière.

* Nos lecteurs ne nous laisseront pas oublier que nous avons un petit faible pour les valeurs japonaises. Non parce que nous pensons qu’elles finiront bien par grimper — simplement, nous avons pitié d’elles. Où d’autre trouve-t-on un marché où les actions ont majoritairement baissé ces 18 dernières années ? Où peut-on trouver  un endroit où les consommateurs préfèrent laisser leur porte-monnaie fermé et épargner leur argent… s’attendant à voir les prix baisser, et non grimper ?

* En fait, cette poussée d’inflation mondiale pourrait être positive pour le Japon, déclare Christopher Wood. Les prix grimpent enfin. L’inflation centrale est à son niveau le plus élevé de ces 10 dernières années. Qui sait ? Peut-être que les Japonais recommenceront à dépenser… voire à emprunter ?

* La version anglaise du magazine MoneyWeek souligne également que les banques japonaises sont solvables, elles. "Contrairement à leurs homologues occidentales, [les banques japonaises] ont de l’argent disponible à prêter".

* Nous continuons donc d’apprécier les valeurs japonaises… pour l’instant au moins. Mais revenons-en à l’ensemble du tableau…

** Que peut faire un pauvre banquier central ? Il s’attend à ce que le ralentissement économique réduise les prix. Peut-être devrait-il stimuler l’économie pour compenser ? Mais les prix grimpent, ils ne chutent pas. Peut-être devrait-il augmenter les taux pour freiner l’inflation ? Mais est-ce que cela n’aggraverait pas le ralentissement ?

* Un nombre croissants de mouches du coche déclarent qu’il est temps d’augmenter les taux afin de remettre l’inflation mondiale sous contrôle. Mais quel banquier central veut augmenter ses taux de manière significative quand le chômage grimpe et que la croissance ralentit ? Aucun.

* Nous étions tout prêt à offrir nos conseils aux banquiers centraux… à toute heure du jour ou de la nuit. Gratuitement. Jusqu’à présent, notre téléphone est resté silencieux ; nous supposons que c’est Ben Bernanke qui  n’a pas appelé.

* Lorsque son appel arrivera, ceci dit, nous serons prêt : "augmentez les taux", lui dirons-nous.

* "En quoi est-ce que cela fera avancer les choses", demandera-t-il. "Les Etats-Unis ne risquent-ils pas de sombrer dans une récession à la Japonaise ?"

* "Non, ne vous inquiétez pas de ça… la situation est différente. Les Japonais avaient de l’épargne. Ils avaient une balance commerciale positive. Ils n’avaient pas de prêts subprime et ne devaient pas des milliers de milliards de dollars au reste du monde. Ils n’avaient pas 10 millions de personnes au bord de la faillite. Et ils n’avaient pas un budget militaire de 600 millions de dollars ou une guerre en Irak à financer. La situation des Etats-Unis est bien pire que l’était celle du Japon… Le Japon pouvait se permettre un ralentissement… pas les Etats-Unis".

* "Alors pourquoi me dites-vous d’augmenter les taux ?"

* "Les taux réels grimpent de toute façon… c’est ce qui arrive quand on entre dans une phase de contraction du crédit. Vous feriez aussi bien de les augmenter. En plus, nous voulons voir ce qui va se passer"…

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