Ce que nous observons s’appelle clairement et sans exagération un « krach obligataire », et c’est le premier des 50 dernières années qui ne fait pas plier Wall Street.
Les marchés ont basculé en mode euphorie dans l’Eurozone en fin de semaine dernière, avec un CAC 40 – largement en tête du peloton européen – qui a flirté avec les 2 %, et renoué avec les 6 750 points.
Les langues se sont naturellement vite déliées sur BFM et sur les forums boursiers : les investisseurs célébraient la victoire jugée certaine d’Emmanuel Macron – elle le fut – crédité à ce moment-là de plus de 10 points d’avance dans les premiers sondages d’après débat.
Un consensus écrasant qui souligne à quel point il incarne beaucoup mieux la fonction présidentielle que sa rivale, à quel point il maîtrise les dossiers et semble le mieux à même d’apporter des solutions.
Mais alors… pourquoi n’a-t-il pas résolu – avec la même aisance dont il fait preuve en matière oratoire – tous les problèmes qu’il s’est en réalité bien abstenu d’affronter ces cinq dernières années ?
Il n’a été entravé par aucune opposition, disposant d’une majorité écrasante à l’Assemblée (qui ne fut durant cinq ans qu’une chambre d’enregistrement des desiderata de l’Elysée), d’un Conseil Constitutionnel qui approuva tout, même les pires entorses à notre Constitution, des médias à sa dévotion et de journalistes – le terme militants serait plus approprié – n’émettant jamais la moindre objection face aux mesures les plus inefficaces et les plus liberticides dénoncées par ses adversaire (traités commodément – et presque systématiquement – de « complotistes »).
Mais, autre avantage écrasant dont aucun de ses prédécesseurs n’a bénéficié, les critères de Maastricht ont volé (définitivement) en éclats avec le COVID-19 et ni la BCE, ni Bruxelles, ni la BCE n’ont adressé la moindre objection au « quoi qu’il en coûte » présidentiel, lequel se traduit par 350 Mds€ (sur les 600 du quinquennat) d’endettement supplémentaires de notre pays et un creusement abyssal de notre déficit commercial, le pire de toute l’Europe, tant en pourcentage du PIB qu’en montant (en valeur absolue).
« Coup d’Etat Institutionnel »
Depuis deux ans, tout « passe crème », les dépenses les plus folles, les émissions de dette en mode « no limit », les déficits abyssaux, l’inflation immobilière qui étrangle les ménages, etc.
Rien, absolument rien – ni contre-pouvoirs politiques, ni contraintes budgétaires maastrichtiennes – n’a empêché Macron »1.0″ de faire tout ce que préconise le futur Macron « 2.0 »… et notamment des référendums sur des questions sociétales majeures.
Une procédure qualifiée jusqu’à une date récente de « coup d’Etat constitutionnel » avant de devenir une mesure de bon sens qui revitaliserait la démocratie (draguer les électeurs de la France insoumise, c’est de bonne guerre… mais sont-ils assez naïfs pour croire que Macron leur accordera le « RIC » contre lequel le futur groupe « majorité présidentielle » votera comme un seul homme). Le groupe LREM sera sûrement rebaptisé d’ici les législatives… car il véhicule l’image d’un troupeau de députés godillots.
Emmanuel Macron considère sa réélection comme un plébiscite de son action passée, un quitus pour tout ce qui a dysfonctionné (quel scandale sera investigué par une justice aux ordres ?) et un feu vert pour aller beaucoup plus loin dans la ligne eurofédéraliste… tout en s’alignant sur la diplomatie américaine (tendance Hillary Clinton) et les intérêts bien compris des entreprises US (invitées à faire leur marché au sein du CAC 40 ou du SBF120).
Mais, tout à leur bonheur de voir les planètes politiques s’aligner en France, les investisseurs en oublient complètement un paramètre avec lequel il ne se sentent pas très à l’aise depuis deux mois (déclenchement de la guerre en Ukraine, inflation à 8,5 % aux Etats Unis, risques de récession) et qui s’appelle « la réalité ».
Elle recouvre d’autres facteurs qui rendent tout aussi inconfortable la hausse des marchés et celui qui retient particulièrement notre attention, c’est la hausse fulgurante des rendements obligataires depuis fin février ou mi-mars.
Ce krach qui ne fait pas plier Wall Street
Et je vous fais régulièrement part de mon étonnement (faussement naïf puisque je connais par cœur les effets paradoxaux de l’opium monétaire) face à cette improbable progression simultanée des taux d’intérêt et des indices boursiers depuis six semaines.
Ce que nous observons s’appelle clairement et sans exagération un « krach obligataire », et c’est le premier des 50 dernières années qui ne fait pas plier Wall Street.
Mais si cela ne suffit pas, rappelons-nous également que depuis 50 ans, un épisode inflationniste – lié aux coût de l’énergie – de l’intensité que nous observons se termine dans 100 % des cas par une récession et une correction majeure des indices boursiers (voir le graphique ci-dessous démontrant le lien en la hausse du pétrole et la chute du S&P 500 ces 20 dernières années, mais ça marche aussi bien sur les 30 précédentes).
Mais ça, c’était avant l’argent magique et l’incontournable ingénierie technico-manipulatoire des « algos ».
Est-ce que les banques centrales qui font danser les indices au bout de leurs grosses ficelles monétaires manifestent leur volonté de pousser les marchés vers des records ?
Est-ce seulement concevable avec des taux en hausse de +100 à +120 points en deux mois ?
Et combien de temps nous sépare de l’éclatement de la bulle immobilière qui mettra les marchés à terre ?
Autant de questions auxquelles nous apportons des solutions chaque semaine dans La Lettre des Affranchis.