La Chronique Agora

Les caleçons sales de l'économie mondiale

▪ L’économie mondiale aère son linge sale… et les Etats-Unis sont "la chemise la moins sale" de la pile. C’est ainsi que Bill Gross, dirigeant des fonds obligataires les plus importants du monde, voit la plus grande économie mondiale.

M. Gross est poli. Nous dirions que les Etats-Unis ressemblent plutôt au caleçon le moins sale… après la scène d’ouverture d’un film d’horreur particulièrement effrayante. Qui plus est, comme vont certainement l’attester les lecteurs qui ont des enfants, il est bien plus difficile de nettoyer des vêtements sales que d’en salir des propres. Ce truisme est d’autant plus vrai quand les enfants qui portent ces vêtements aiment jouer dans la boue, comme tous les enfants. Malheureusement pour les citoyens qui votent (et ceux qui ne votent pas), leurs dirigeants élus (et non élus) adorent se rouler dans la boue pendant la récréation.

Les commentaires de M. Gross sont tombés après l’enquête qu’a menée Bloomberg, et qui a conclu que l’Amérique est désormais la destination préférée des investisseurs du monde entier pour leurs capitaux. Selon l’étude, près de quatre investisseurs sur dix interrogés pensent que les Etats-Unis offrent les meilleures opportunités de rendement pour l’année à venir, ce qui double le pourcentage d’il y a seulement six mois. Ces mêmes investisseurs ont classé le Brésil comme étant le second marché le plus prometteur (29%), avec la Chine et l’Inde fermant respectivement le top quatre.

Cette histoire fournit de quoi faire de bons gros titres… mais ce n’est pas seulement la promesse "d’un blanc plus blanc et de couleurs plus vives".

▪ La même enquête révèle également que "42% des investisseurs pensent désormais que l’économie mondiale se détériore, c’est deux fois plus que les 21% du mois de janvier. Les investisseurs américains sont les plus pessimistes concernant l’économie mondiale, puisque 58% d’entre eux disent qu’elle empire contre 31% d’Européens et 35% d’Asiatiques. Les Européens sont les plus pessimistes concernant leur propre zone, puisque 40% disent qu’elle se détériore ; 21% des investisseurs américains voient leur propre pays de manière négative, alors que 9% des Asiatiques ont le même ressenti".

Mais attendez un peu ! Les Européens ne sont-ils pas tous en train de manifester dans les rues ? Comment peuvent-ils être plus optimistes que leurs camarades américains ? Les Grecs ne sont-ils pas en train d’enflammer des bâtiments ? Les Espagnols n’ont-ils pas le poing levé ? Le gouvernement hongrois ne vient-il pas de révéler que l’économie de son pays est dans une "situation très grave" ? David Cameron, le nouveau Premier ministre britannique, ne vient-il pas d’annoncer que les problèmes du Royaume-Uni étaient "plus sérieux que ce qu’on pensait" ? C’est sans parler des Italiens et des Irlandais, des Slovènes, des Roumains et des Portugais. Et ceux-là aussi sont deux fois plus positifs que les Américains ? Où sont donc leur tristesse et leur mélancolie ?

Se pourrait-il que les investisseurs américains soient simplement mieux informés que ceux qui vivent de l’autre côté de l’océan ? Ou que les gens ne savent tout bonnement pas de quoi ils parlent ? Votre chroniqueur n’en sait rien. Bien souvent, un homme trop confiant se fait étaler dès le premier round… et les sentiments ne paient pas les factures.

▪ Néanmoins, nous savons que personne ne peut se faire un chemin vers la prospérité en dépensant tout ce qu’il possède, que ce soit un investisseur particulier, une entreprise ou un Etat souverain avec un Keynésien enthousiaste à la barre. Les dettes doivent toujours être remboursées… ou déclarées en défaut de paiement. "Tout ce qui monte"…

Peu importe la solidité des lois de la gravité, toutefois : il y aura toujours des hommes pour tenter de les bouleverser. Les parachutistes les appellent les "perdus ". Les politiciens les appellent les "économistes des temps modernes".

Ben Bernanke est un de ces hommes. Quand on lui a demandé si l’économie américaine risquait de traverser une récession en double creux, Bernanke a répondu : "je pense que nous allons avoir une reprise continue, [mais] elle ne sera pas terrible".

D’après ce que nous avons vu, M. Bernanke s’est complètement planté. Il pense que l’économie se remet. C’est faux. Il voit un renouveau de l’enthousiasme parmi les consommateurs (un enthousiasme qui serait au mieux, suspect, et au pire, sur le déclin) comme autant de briques sur la route vers une terre promise.

"Pour l’instant, [cette année] les nouvelles sont plutôt bonnes", a-t-il dit. "Nous avons vu les consommateurs revenir". Mais les consommateurs ne reviennent pas, du moins pas de manière durable. Les salaires baissent. Les salariés voient leur nombre d’heures réduit. Le crédit se contracte. Et même si les consommateurs revenaient, qu’est ce qu’ils pourraient bien dépenser ? Ils n’ont pas d’argent ! Ensuite, les dettes privées d’autrefois n’ont pas été remboursées ; elles ont simplement été rassemblées et jetées dans les registres publics. Ce sont toujours les mêmes dettes, mais elles sont plus importantes maintenant, et menacent d’entraîner dans l’abysse des pays entiers, et non plus seulement des institutions privées mal gérées.

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