La Chronique Agora

Le CAC 40 efface quatre semaines de baisse en quatre jours

▪ Après la défection de la fanfare haussière vendredi dernier, douchée par une pluie de ruptures de supports graphiques, les organisateurs avaient laissé un vieil accordéon fatigué et un tambourin percé dans un coin de la Bourse de Paris.

Et voilà que lundi matin, on s’est retrouvé avec une fête du tonnerre — une « pure soirée » comme disent les amateurs de teufs ; une sorte de mix improbable de techno-parade et de concert de Lady Gaga, avec bain de mousse géant façon Ibiza en prime.

Sans alcool, la fête est plus folle, prétend un slogan. Mais avec un mélange de cachets de LSD et de boissons énergisantes à base de taurine, le son de l’accordéon devient une musique céleste et le frêle tambourin se met à distiller un beat d’enfer.

Les fêtards ne montraient toujours aucun signe de fatigue jeudi, peu importe que les effectifs aient considérablement fondu avec la disparition des opérateurs américains partis dévorer leur dinde. La rave party a continué avec à peine moins de décibels.

▪ Le CAC 40 encore et toujours à la hausse
Paris alignait une quatrième séance de hausse consécutive et terminait au contact des 3 500 points (à 0,05% près)… sa meilleure clôture depuis le 19 octobre dernier !

Le bilan est encore plus ébouriffant présenté de la manière suivante : pas moins de quatre semaines de baisse se trouvent effacées en quatre jours, c’est un scénario assez inespéré.

Le CAC 40, qui s’adjugeait 0,6% à 3 498 points jeudi soir, porte ainsi son cumul de gains à 4,7% depuis lundi. C’est d’autant plus remarquable que la France a vu dans l’intervalle sa note dégradée par Moody’s tandis que l’activité industrielle en Europe continue de s’effriter en novembre.

Non seulement la hausse — vu son ampleur — ne semble guère justifiée par les fondamentaux, mais les volumes ne sont toujours pas au rendez-vous. En effet, il y a eu moins de 1,5 milliard d’euros échangés au total dont 1,1 milliard seulement à 17h29.
Paris n’a pas réalisé d’exploit individuel jeudi : Londres et Francfort avançaient respectivement de 0,7% et 0,85%, Milan et Madrid ont gagné quant à eux 0,9% et 1%.

Impossible d’invoquer un coup de pouce de Wall Street — fermé pour cause de Thanksgiving — ou de s’appuyer sur les chiffres macros européens. L’indice PMI (des directeurs d’achat) de l’Eurozone a continué de s’enfoncer et a atteint un plancher de 45,8 en novembre.

▪ La Chine sous les feux de la rampe
Mais les opérateurs ne veulent décidément pas s’appesantir sur les mauvaises nouvelles. Ils se réjouissent donc du redressement de l’indice PMI manufacturier de la Chine qui est ressorti à 50,4 en novembre selon HSBC — et 50,2 selon la comptabilité officielle chinoise — contre 49,5 un mois auparavant.

Cet indice d’activité industriel n’était plus repassé au-dessus de la barre des 50 (qui sépare la contraction de la croissance), depuis plus d’un an. Mais il connaît chaque année une embellie au mois de novembre avec les commandes de Noël des pays occidentaux — 90% des jouets vendus dans le monde sont made in China.

Les statistiques chinoises rassurent les Occidentaux… mais pas les investisseurs chinois. Ce sont les premiers à pouvoir se réjouir de l’embellie du mois d’octobre — comme le démontre la stagnation de la Bourse de Shanghai jeudi matin et son retour à moins de 1% de son plancher annuel des 2 000 points, soit une perte annuelle de 8% environ.

Mais qu’est-ce qui ne tourne pas rond dans l’Empire du Milieu ?

Ils se sont dotés d’une nouvelle équipe dirigeante qui va se consacrer « au bien-être du Peuple » et combattre sans merci la corruption… et qui ne dit pas un mot de ce qu’elle prépare afin d’éviter une explosion de la bulle immobilière.

Il existe en Chine pratiquement un logement vacant pour chaque habitant que compte la France, à 10% près. En admettant que les enfants en bas âge ne sauraient être séparés de leur mère, tout le monde aurait effectivement un toit tout neuf au-dessus de sa tête.

Il circule depuis un an la rumeur de la constitution d’une enveloppe de 500 milliards de dollars consacrée au rachat de biens immobiliers inoccupés en vue de les louer aux ménages les moins favorisés.

Cela soulagerait en effet le bilan des principales banques du pays, menacées du syndrome espagnol (ou de Las Vegas). Mais cela ne relancerait pas la construction de logements, grande pourvoyeuse d’emplois : il faudra trouver autre chose pour éviter l’envol du taux de chômage.

L’immobilier n’est pas le seul secteur économique sinistré — à l’exception de l’enclave de Hong Kong. La grande distribution qui vise une clientèle haut de gamme ne fait plus recette et les centres commerciaux calqués sur les standards occidentaux sont quasi déserts.

Les consommateurs chinois fréquentent de préférence les galeries commerciales qui proposent des produits plus abordables — les solderies permanentes rencontrent un succès certain — dans un cadre architectural qui ne regorge pas de marbre ni d’espace perdu.

Les marchés, les échoppes de proximité, les commerçants ambulants n’ont pas encore été éradiqués par la grande distribution. Moins d’un Chinois sur 10 possède une voiture lui permettant d’aller faire du shopping à 20 kilomètres de chez lui et de faire ses courses pour la semaine.

▪ Les tensions sino-japonaises sont toujours d’actualité
L’une des menaces qui pèse sur l’économie chinoise d’ici quelques semaines ou quelques mois, c’est la concurrence exercée par l’industrie japonaise avec un futur gouvernement nippon bien décidé à orchestrer une dévaluation compétitive sans merci du yen vis-à-vis du yuan… et de l’euro.

Pékin ne manquera pas de riposter, peut-être en jouant sur le ressentiment nationaliste anti-japonais — qui a déjà bien plombé les ventes de Toyota et de Honda depuis la fin de l’été.

Et l’Europe… quel plan machiavélique dont elle a le secret — tellement machiavélique que personne ne s’en aperçoit — compte-elle mettre en oeuvre pour lutter contre l’effondrement du yen et probablement du dollar ? Est-il possible que Ben Bernanke annonce le doublement imminent de la taille du QE3 début décembre ? Nous prenons les paris.

Car vous l’aurez certainement remarqué, les Européens sont en train de distraire l’attention des Asiatiques et des Américains avec leurs querelles budgétaires… leurs exceptions qui durent depuis 20 ans… leur PAC… leurs rivalités fiscales… Mais pendant ce temps-là, en grand secret, ils préparent une riposte politico-commerciale fulgurante !

La thématique et le slogan vont faire des ravages chez nos concurrents d’Orient et d’Occident : « faire baisser sa monnaie en faisant tourner sa planche à billets, c’est pas bien ! ».

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