** Avant toute chose, cher lecteur, permettez-moi de vous souhaiter une excellente année 2009 au nom de toute l’équipe de la Chronique Agora. J’espère que les mois qui viennent vous apporteront beaucoup de joies, la sérénité, la santé… et quelques plus-values aussi, pour en revenir à un sujet sur lequel nous avons un minimum de compétences.
En tout cas, c’est avec un soupir de soulagement que les marchés ont terminé l’année 2008. Les 12 mois écoulés ont été les pires de l’histoire du CAC 40, avec une chute de plus de 42%… au minimum, comme on pouvait le lire sur le site Investir.fr ce mercredi : "pour prendre la pleine mesure des conséquences de la crise des subprime sur le marché, c’est à la mi-2007 qu’il faut remonter. Entre le 1er juin 2007, date d’un sommet à 6 168 points, et son plus bas annuel du 21 novembre dernier, à 2 881 points, le CAC 40 s’est effondré de 53%".
Un CAC 40 diminué de moitié… une récession qui ne semble épargner personne, des Etats-Unis à la Chine en passant par la Zone euro, l’Islande et l’Australie… des tensions sociales qui s’exacerbent un peu partout (les événements en Grèce en sont le dernier exemple)… les investisseurs sont heureux de tourner la page sur 2008 — sans toutefois être certains que 2009 ira dans le bon sens !
Le CAC 40 commence bien l’année, en tout cas, avec une hausse de 1,5% depuis le début de la matinée à l’heure où j’écris ces lignes ; les banques et l’automobile, que 2008 a laissé brisées, ensanglantées et agonisantes, sont très recherchées. Un signe que le plancher a été atteint pour ces deux secteurs ?
Le pétrole, de son côté, a repris sa descente — offre en hausse, demande en baisse… le baril de brut léger US (contrat février) était à 42,40 $ ce matin. Côté "or jaune", on stagne et on hésite ; l’once était tout de même à plus de 860 $ sur la dernière séance de l’année 2008 — inutile de vous répéter tout le bien que je pense du métal jaune… alors je me contenterai l’adage de Simone Wapler : "il y a plus de risques à ne pas avoir d’or qu’à en détenir" !
Enfin, le dollar commence lui aussi l’année sur une note positive — hier, il a repris du terrain sur la devise européenne, à 1,3853 $ pour un euro, contre 1,4045 la veille à New York.
Rappelons que sur l’ensemble de l’année 2008, le billet vert a grimpé de 4,2% par rapport à l’euro. Mais ça, c’était avant des plans de relance à plusieurs centaines de milliards de dollars… des taux directeurs à des niveaux historiquement bas de la part de la Fed… et une probable surchauffe de la planche à billets dans les mois qui viennent ; pendant combien de temps la "vigueur" du dollar pourra-t-elle survivre à de tels assauts ?
Et maintenant, place à Philippe Béchade, qui nous livre son point de vue sur l’année écoulée…
Meilleures salutations,
Françoise Garteiser
La Chronique Agora
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** Pas besoin de protéger ses yeux derrière une bonne paire de lunettes de soleil pour lire les diverses chroniques, tribunes et interviews de journalistes ou de gérants parues dans la presse en cette période de bilans de fin d’année et de prospective pour 2009 : les prévisions sont loin d’être d’une aveuglante clarté.
Bien au contraire, 70% à 80% des scénarios envisagés sont particulièrement sombres. Les plus optimistes tablent sur un rebond technique avant rechute… Les hypothèses médianes font état d’un risque de repli supplémentaire de -15% à -25% au 1er trimestre 2009… Les plus pessimistes parient que le cauchemar économique et boursier de 2008 se rit des échéances calendaires : la spirale baissière qui court sur son aire depuis octobre 2007 n’a aucune raison de s’interrompre le 1er janvier ou lors de la nuit de célébration du nouvel an chinois (le buffle prendra le relais le 25 ou le 26 janvier prochain, en Occident puis en Chine… mais ce n’est pas le genre de bête à cornes qui fait frémir les aficionados dans les arènes !).
Nous avons beau ne pas être superstitieux (cela porte malheur), il est difficile de nier que l’année du rat — le début d’un nouveau cycle de 12 ans dans la cosmogonie chinoise — n’a pas coïncidé avec une remise à zéro d’un système financier basé sur les dérivés de crédit et la création d’argent à dépenser (ou pour spéculer)… à partir de rien.
Pour ceux qui imaginent qu’il s’agit simplement d’une (très) mauvaise passe — car le capitalisme s’est montré capable de surmonter toutes les crises qu’il dû affronter au 20ème siècle — rappelez vous simplement que s’il a fini par triompher d’un adversaire tel que le collectivisme (il lui aura fallu un peu plus de 70 ans), il n‘était en revanche pas préparé à gérer une victoire totale s‘étendant de Londres à Moscou ou de New York à Pékin.
Loin d’apporter la prospérité au plus grand nombre, l’élimination du rival communiste s’est transformée en une machine à enrichir une minorité de brasseurs d’argent et à enfermer le reste de l’humanité dans le piège de la dette. Ce fut une victoire à crédit en quelque sorte… et qui débouche sur une banqueroute.
** Le meilleur résumé de la situation en ce début d’année 2009 émane de Miguel Angel Fernandez Ordoñez, le gouverneur de la Banque d’Espagne. Il voit l’Europe s’enfoncer dans une "grande dépression" parce que le marché interbancaire ne fonctionne pas, les ménages ne consomment pas, les entrepreneurs n’embauchent pas, les investisseurs n’investissent pas et les banques ne prêtent pas. "Il y a une paralysie presque complète à laquelle personne n’échappe… l’incertitude sur l’économie mondiale est actuellement totale".
Le politiquement correct lui interdit certainement d’évoquer la paralysie stratégique de la BCE. Cette dernière est incapable de remettre en question les dogmes monétaristes qui ont fondé le Traité de Maastricht, une sorte de ligne Maginot cimentée par la monnaie unique et dont la construction était censée préserver l’Europe d’une nouvelle invasion des pressions inflationnistes.
Mais tout comme en 1939, l’ennemi a frappé là où la BCE ne l’attendait pas. La hausse des prix de 2007 — dans le sillage de la flambée du pétrole — n’était qu’une attaque de diversion contre les fortifications de Maastricht ; la principale offensive, celle des pressions déflationnistes, a pris complètement à revers les anticipations de J.-C. Trichet et ses collègues. Ils ont refusé jusqu’au dernier moment de croire qu’ils avaient été pris en défaut par le blitz de l’éclatement de la bulle du crédit et du gel des transactions interbancaires.
** Notre pessimisme au sujet de la Zone euro provient du retard pris par la BCE face à la propagation de la crise à l’économie réelle via le credit crunch et l’effondrement successif de l‘immobilier, de la bourse et des matières premières.
J.-C. Trichet prétend aujourd’hui qu’il n’a jamais voulu de la déflation (au nom de la convergence de la croissance et de l’inflation autour des 2%… alors que les deux tendent déjà vers zéro ou même -2%), mais il ne propose aucun changement de schéma tactique. Pas question d’imiter Gordon Brown et Alistair Darling en Angleterre, ni la Banque centrale chinoise — laquelle ne se contente pas d’abaisser les taux directeurs mais réduit également le niveau des réserves obligatoires des établissements de crédit.
La BCE ne parvient pas à s’affranchir des barrières théoriques héritées de l’avant-Seconde Guerre mondiale : en étant optimiste, nous pourrions considérer que J.-C. Trichet tente de naviguer à vue, mais de son propre aveu, il ne voit plus rien !
Philippe Béchade,
Paris