La Chronique Agora

L'an 2009 vient de commencer… et cela donne envie de ne pas continuer

** Nombre de gérants de portefeuilles et de SICAV ont arrêté les comptes annuels vendredi dernier avec l’expiration des derniers contrats et options sur indices et actions du millésime 2008 — le pire depuis 77 ans avec une perte annuelle de 42%. Dans de telles conditions, la séance d’hier constituait en quelque sorte un galop d’essai pour l’année 2009.

Ce fut une entame d’exercice bien décevante à Paris : le CAC 40, qui n’a pas fait la moindre incursion dans le vert, a terminé sur un repli de 2,3%.

Ce n’était encore qu’un hors-d’oeuvre puisque, quelques heures plus tard, le Nasdaq chutait de pratiquement 4% à une heure de la clôture ; dans le même temps, le S&P perdait 3,5%.

Les indices américains sont parvenus à limiter un peu la casse grâce à des rachats de dernière minute — le Nasdaq et le S&P cèdent un peu moins de 2% en moyenne. Malgré cela, il est évident que la confiance dans l’avenir apparaissait proche de zéro et l’envie de prendre des risques sur des cours planchers (comme sur BNP Paribas) totalement absente.

Si cette journée de lundi avait valeur de symbole, alors il vaut mieux se préparer à une année 2009 où les put warrant, les put turbo et les trackers bear vont de nouveau faire une brillante carrière au sein des portefeuilles des opérateurs les plus dynamiques.

Les indices boursiers ont perdu en moyenne 44% par rapport au 22 décembre 2007 et 50% par rapport au zénith du 10 octobre de la même année. Cela peut sembler énorme… mais regardez le sort réservé à de nombreux titres bancaires, automobiles ou industriels qui n’avaient jamais perdu plus de 60% de leur valeur à l’issue d’une vague de consolidation moyen terme de deux ou trois ans : les replis ont dépassé les 70% en 12 mois.

Avec l’effondrement de la bulle de la dette, les valeurs financières ont dégringolé tout aussi brutalement que des dot.com dont le business model les condamne à une mort certaine une fois la trésorerie carbonisée. En 2008, ce ne sont pas des fêtes ou des tournées de promotion délirantes qui ont absorbé les fonds propres des établissements de crédit… mais des pertes sur les marchés dérivés liées à la hausse des sinistres dans le secteur des prêts immobiliers.

Rien n’indique que 2009 s’annonce sous de meilleurs auspices. Tant que les banques multiplieront les saisies et les ventes aux enchères, la spirale infernale se poursuivra.

Tant que l’effet de pauvreté se propagera des banlieues (les quartiers d’affaires des centres-ville sont le plus souvent inoccupés) jusqu’au coeur de Wall Street — au travers des actions et des pensions de retraite –, la consommation continuera de s’effondrer et le chômage de se propager. Ils entretiendront ainsi un cercle vicieux extrêmement coriace car les "amortisseurs sociaux" sont pratiquement inexistants aux Etats-Unis.

** La situation n’apparaît guère plus souriante de ce côté-ci de l’Atlantique ; les indicateurs macroéconomiques ont une fois de plus été très déprimants hier.

Les entrées de commandes dans l’industrie en Zone euro ont reculé de 4,7% en octobre 2008 comparé à septembre 2008, a indiqué Eurostat. Pour l’ensemble de l’Union européenne, le recul est de 6,3%.

Les prix de la production industrielle française (destinée au marché intérieur) chutent de 1,9% en novembre, soit le plus fort repli depuis que l’indice est publié par l’Insee sur l’ensemble de l’industrie (janvier 1999). Sur un an, les prix ont progressé de 1,6% en raison des fortes hausses intervenues jusqu’en juillet 2008.

L’Europe menace de s’enfoncer à vitesse grand V dans un scénario déflationniste — et ce d’autant plus brutalement que la BCE condamne par avance toute initiative de relance par les déficits… comme si le non-respect des critères de Maastricht pouvait encore aggraver la situation.

Certes, les capacités d’emprunt des Etats ne sont pas extensibles à l’infini, mais tout est relatif dans une économie-monde où il faut bien continuer de placer l’argent plutôt que de le laisser dormir. Les investisseurs ne comparent plus, depuis bien longtemps, les seuls taux d’endettement dans l’absolu mais bien ceux des émetteurs les uns par rapport aux autres, ainsi qu’en fonction des perspectives de croissance et donc de remboursement à terme.

Et ce n’est même pas une règle absolue — ce serait trop simple. Avec ses 165% ou 170% d’endettement — on ne sait plus trop depuis le temps –, le Japon trouve sans aucun problème des prêteurs depuis une bonne décennie. Il voit même sa devise reprendre 20% à 45% par rapport au dollar ou à l’euro en un an, tout simplement parce que la réputation d’écureuils des épargnants japonais fait merveille en ces temps de crise dans certains pays où les futurs retraités n’ont pas un dollar devant eux.

Le principal handicap de l’Europe réside dans la désunion entre ses membres et dans l’absence de coopération entre Bruxelles (les représentants des gouvernements des 27 pays) et la BCE — que le concept de chômage de masse n’émeut guère.

** Non, décidément, à moins de placer une confiance aveugle dans l’efficacité d’un ambitieux plan de relance voulu par Barack Obama — il porterait sur plus de 700 milliards de dollars et les projections d’économistes vont même jusqu’à 1 000 milliards de dollars, histoire d’évoquer un chiffre qui frappe véritablement les esprits –, l’année 2009 ne s’annonce pas bien.

L’attitude des marchés en cette fin décembre est sans équivoque. Après trois séances de molle consolidation (0,8% perdus du 17 au 19 décembre à Paris), voilà que survient une rupture à la baisse beaucoup plus marquée, avec un CAC 40 qui dévisse de 2,3% et rechute sur ses niveaux du lundi précédent.

Les quatre séances de repli consécutives auxquelles nous venons d’assister présentent des caractéristiques communes : la lourdeur du secteur bancaire ainsi que du secteur automobile et une dégringolade quotidienne sans précédent des cours du pétrole.

** Le prix du baril s’est encore effondré de 5,8% lundi, sous les 40 $ — et nous parlons bien de l’échéance février sur le NYMEX — pour s’inscrire à un nouveau plancher datant de presque quatre ans, à savoir 39,75 $.

Si cette baisse était immédiatement répercutée dans le litre de diesel à la pompe, nous ne devrions pas le payer plus de 85 centimes d’euro. Cela pourrait sembler une bonne affaire… mais avouez que nos économies européennes se rapprochaient davantage du plein-emploi lorsque le gasoil flirtait avec les un euro et le sans-plomb avec les 1,15 euro.

Et que dire de l’optimisme des consommateurs — non pas en Zone euro, toujours en retard de deux ou trois wagons lorsque passe le train de la croissance — mais aux Etats-Unis lorsque le gallon s’affichait à trois dollars dans la majorité des stations-service du pays.

Autrement dit, le gallon aura beau reculer sous 1,50 $ (c’est chose faite) puis sous 1,40 $ ou 1,30 $, plus son prix baisse, moins il reste d’automobilistes capables de faire le plein de leur réservoir. C’est d’abord cela, la déflation telle qu’elle est vécue par les épargnants !

Si la courbe du pétrole constitue — par anticipation — le baromètre inversé du chômage, le monde tel que nous le connaissons court vers un désastre social sans précédent.

Soit les spéculateurs sur le NYMEX font fausse route, soit Barack Obama, Hu Jintao et Nicolas Sarkozy — par ordre d’influence économique réelle — se font beaucoup d’illusions sur l’efficacité de leurs plans de relance.

Ce qui, par conséquence, serait rassurant : au moins, quelqu’un se trompe !

Philippe Béchade,
Paris

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