La Chronique Agora

La reprise a "des jambes"… mais a-t-elle un cerveau ?

▪ Le Wall Street Journal de vendredi claironnait en première page que l’industrie mondiale connaît une véritable hausse.

Selon le journal, tout le monde fabrique de plus en plus de choses. Cela permet d’assurer que la reprise "a des jambes".

Les ventes de voitures ont elles aussi été plus vigoureuses que prévu en mars. On dirait donc que la reprise a aussi des roues.

Ce que nous aimerions savoir, c’est : a-t-elle un cerveau ? Qui achète tout ça, et où trouvent-ils l’argent ?

__________________________

LA DEUXIEME GRANDE DEPRESSION
Une catastrophe économique est en train de se dérouler : elle va réduire à néant l’épargne de millions de Français…

… alors que d’autres doubleront leur patrimoine dans le même temps.

Nos spécialistes avaient vu venir la catastrophe des subprime… la hausse spectaculaire de l’or… l’effondrement du système bancaire et financier. A présent, ils vous révèlent comment sortir gagnant d’une crise telle que nous n’en avions pas connu depuis les années 20 : continuez votre lecture pour tout savoir…

__________________________

Au moins le modèle économique de l’ère de la bulle avait-il un sens. Les producteurs produisaient. Les consommateurs consommaient. Cela fonctionnait à merveille — jusqu’à ce que les consommateurs se retrouvent à court d’argent. Ils ont ensuite dû emprunter aux producteurs. Et tout l’appareil finit par exploser lorsqu’il apparut que les dépensiers avaient trop emprunté et trop dépensé, tandis que les producteurs avaient trop produit et trop augmenté.

Jusque là tout va bien. Mais aujourd’hui, l’économie mondiale a besoin d’un nouveau modèle, n’est-ce pas ?

Les consommateurs ne peuvent pas vraiment revenir à l’emprunt, si ? Non. Pas à moins de se mettre encore plus profondément dans le pétrin… ou de gagner plus d’argent. Les producteurs ne peuvent donc pas tout à fait se remettre à produire, pas vrai ? Non. Pas sans clients.

Eh bien alors… pour qui diable les industriels fabriquent-ils toutes ces choses ?

Nous n’en avons pas la moindre idée. En théorie, on trouve des milliards de consommateurs prêts à tout en Asie et en Afrique. Sauf qu’ils n’ont pas beaucoup d’argent. Ils n’ont pas beaucoup de crédit. Ils n’ont pas de centres commerciaux. Ils n’ont pas de moyens de se rendre dans les centres commerciaux — s’ils existaient.

En Inde, par exemple, la moitié de la population vit avec moins de 3 $ par jour. Faites le calcul : même s’ils dépensaient jusqu’au dernier de leurs centimes pour acheter "des choses", cela représenterait des dépenses totales de 500 milliards de dollars environ — soit moins que le déficit commercial américain de 2007. Et bien entendu, ils ne peuvent pas acheter de "choses" — ils ont besoin de leur argent pour manger.

D’un autre côté, la classe moyenne indienne est déjà aussi conséquente que la classe moyenne américaine — et elle se développe vite. Mais comment gagne-t-elle sa vie ? En produisant, sans doute. Donc à mesure qu’elle s’enrichit, n’augmente-t-elle pas l’offre de choses dans le monde… en plus de les consommer ? Puisque l’Asie est plus un producteur qu’un consommateur… ne gonfle-t-elle pas l’offre plus rapidement qu’elle gonfle la demande ? Puisque les coûts de main-d’oeuvre sont si bas… est-ce que l’offre bon marché ne grimpe pas ?

Ce que nous essayons de dire, c’est qu’il faut du temps pour qu’un groupe de consommateurs laisse la place à un autre groupe. Même en partant du principe que les consommateurs asiatiques vont remplacer les achats occidentaux, il faut quand même être conscient du fait que ça n’arrivera pas du jour au lendemain.

D’abord parce que les consommateurs asiatiques potentiels doivent gagner plus d’argent. Ensuite parce qu’ils doivent changer leurs habitudes — d’épargnants, ils doivent devenir consommateurs. En outre, les usines doivent changer : elles produisaient des choses que les consommateurs occidentaux voulaient, elles doivent désormais produire des choses que les consommateurs asiatiques veulent. Enfin, elles doivent aussi mettre en place de nouveaux canaux de distribution et de vente.

En attendant, qui consomme plus qu’il ne produit ? Nous n’en savons rien. Mais quelqu’un doit le faire… sans quoi toute cette production supplémentaire ne fait que gonfler les stocks invendus de la planète.

Tout ça n’est qu’un petit rappel de la manière dont une économie fonctionne vraiment. Les empêcheurs de tourner en rond en Chine pensent pouvoir stimuler la production. Les empêcheurs de tourner en rond aux Etats-Unis pensent pouvoir stimuler la consommation. Tous s’accusent mutuellement de "manipulation".

Nous avons vu au moins quatre ou cinq versions différentes de ce que "devrait" être la valeur du yuan. Les 130 membres du Congrès US pensent le savoir. Paul Krugman pense le savoir. Tout le monde pense le savoir. La vérité, c’est que personne ne le sait. Personne ne peut le savoir. Seul le marché le sait. Et il ne parle pas — il ne peut pas parler : ses lèvres ont été scellées par ordre du gouvernement.

Le yuan est apparemment trop bas parce qu’il est lié au dollar. Il n’y a aucune raison logique de dire que le yuan est trop bas. On pourrait aussi bien dire que le dollar est trop haut. Mais une fois qu’on se permet de croire qu’on peut imposer le silence aux marchés et réorganiser le commerce mondial, il n’y a plus de limites.

▪ "Avec toutes ces bonnes nouvelles qui arrivent, M. Bonner, ne pensez-vous pas qu’il est temps d’admettre que la Grande Correction est déjà terminée ?" demande l’un de nos lecteurs.

Non.

D’autres questions ?

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile