La Chronique Agora

Le krach de tout

krach

Plutôt que de regarder les dernières chutes des marchés pour anticiper l’ampleur de la prochaine, mieux vaut se pencher sur l’exemple japonais, et sur des ratios fondamentaux.

Comme nous l’expliquions vendredi, les experts télévisés nous affirment qu’il n’y a pas de raison de nous inquiéter pour nos investissements. Depuis l’an 2000, nous avons vécu trois chutes du marché et, à chaque fois, il aurait mieux valu conserver que vendre.

Sauf que nous nous soucions de l’avenir et pas du passé. Pour l’anticiper, nous préférons donc nous pencher sur les conséquences d’un véritable krach et un marché baissier, comme tel que celui du Japon qui a débuté en 1989. Dans ce cas, le résultat serait tout autre chose que ce que l’on a pu voir après les trois derniers sell-offs aux Etats-Unis, et une chose à laquelle les gens se s’attendent pas.

Au Japon, les actions ont perdu 82% de leur valeur au cours des 20 années suivantes, et n’ont toujours pas récupéré, 32 ans plus tard. Les liquidités du gouvernement n’y ont rien fait. Elles n’ont pas empêché le marché actions japonais de s’effondrer… et ne lui ont pas non plus permis de se remettre.

Le bilan de la Banque du Japon a augmenté (avec l’argent de la planche à billets) d’environ 1 300%, depuis 1989. La dette publique est passée de moins de 70% du PIB en 1989 à plus de 250% aujourd’hui.

Le risque de la marge

Ce qui est intéressant, avec la « liquidité » – par rapport à de l’argent sonnant et trébuchant – c’est qu’elle a tendance à disparaitre juste au moment où vous en avez besoin.

Les actions, par exemple, sont facilement « liquidables ». Sauf que, en quelques heures – ou jours – le volume de liquidité disponible peut non seulement chuter à zéro, mais également en dessous, et la liquidité devient alors négative.

Par exemple, si vous avez acheté une action « sur marge » [NDLR : en empruntant de l’argent]…  Puis l’action chute… Il n’y a plus de marge…

À la place, vous recevez un « appel de marge », et vous devez trouver des liquidités, quelque part, ou vos positions seront liquidées.

La dette liée aux achats sur marge – l’argent emprunté sur la valeur des actions pour acheter plus d’actions – a augmenté de plus de 40% entre octobre 2020 et octobre 2021. Fin octobre 2021, elle avait atteint 935 Mds$, un plus haut historique. Même si elle est retombée à 918 Mds$ en novembre, cela reste élevé.

Etant donné les mouvements depuis le début de l’année sur le Nasdaq, on se demande si les appels de marge ont déjà commencé.

En outre, comme les investisseurs deviennent convaincus que le meilleur endroit où placer leur argent est le marché actions, ils ont tendance à l’y laisser, puis  à emprunter sur la valeur de leurs positions au lieu de les liquider. Alors, quand les actions baissent, cela siphonne de l’argent dans d’autres parties de l’économie, également.

Imaginez que tout le monde, particuliers comme entreprises, appelle les banques et fouille dans tous les recoins en quête de liquidité. Il faudra refinancer des maisons surévaluées… reporter des dettes d’entreprise record (beaucoup d’entreprises zombies disparaîtront rapidement)… et sauver des investissements en perte.

Bref, lorsque les cours chutent, l’argent part se planquer.

Un retour à la moyenne

A la Chronique, par exemple, nous estimons que les actions FANGMAN, à elles seules, pourraient recéler jusqu’à 8 000 Mds$ de liquidité qui se volatilise.

Mais attendez une minute… Un commentateur, à la télévision, nous raconte que nous avons une toute nouvelle source de « liquidité » : les cryptomonnaies.

Ce sont certes des formes de richesse « liquides », que l’on échange facilement contre d’autres cryptomonnaies… et même des dollars. Il parait que ce marché vaudrait près de 3 000 Mds$ : « C’est 3 000 Mds$ de pouvoir d’achat qui n’existait pas auparavant », s’est-il réjouit.

Mais c’est également 3 000 Mds$ qui pourraient se volatiliser aussi facilement – et beaucoup plus vite – qu’ils ne se sont accumulés.  Ex nihilo nihil fit [NDLR : rien ne vient de rien].  Par conséquent, ce « nihil » pourrait repartir directement du « nihilo » d’où il est venu.

En fait, la capitalisation de marché totale des crypto-monnaies a atteint ce sommet de 3 000 Mds$ en novembre 2021. Plus récemment, elle représentait environ 2 000 Mds$, selon coinmarketcap.com. Le grand coupable, c’est le Bitcoin – la principale crypto-monnaie en termes de « capitalisation de marché » – qui a chuté d’un plus haut de 69 000 $ jusqu’aux environs de 41 000 au début du mois (soit une respectable correction de 40%).

Une correction ou une chute ?

Pris dans son ensemble, si le marché actions devait revenir à la normale, 20 000 à 30 000 Mds$ se volatiliseraient. Cela se base sur la moyenne historique du fameux indicateur de Warren Buffet, le ratio capitalisation boursière/PIB, qui est de 86%.

Autrement dit, avec un PIB d’environ 23 300 Mds$, aujourd’hui, les actions devraient valoir 29 000 Mds$, environ. Or les capitalisations boursières du Wilshire 5 000 – l’indice boursier le plus large, au Etats-Unis – ont atteint un total de 48 700 Mds$ en début de semaine.

Faites le calcul. Ou plutôt, nous allons le faire pour vous.

Les actions perdraient 28 800 Mds$, environ, si elles baissaient de 211% à 86% du PIB, à 2 000 milliards près, étant donné la tendance des marchés à « surcorriger ».

Et quel volume de liquidité auriez-vous, alors ?

Pas grand-chose. Et là, ce serait une grande surprise, pour tout le monde.

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