La Chronique Agora

Jackpot empoisonné : l’Europe joue-t-elle la partie de trop ?

A vivid and detailed view of a colorful pinball machine in an arcade, capturing the nostalgia and excitement of classic gaming environments.

« Same player shoots again » ou game over ?

Pour ceux qui ont connu les flippers mécaniques qui trônaient en fond de salle dans pratiquement tous les bars et les PMU, lorsqu’un joueur avait descendu toutes les cibles, emprunté tous les couloirs offrant un bonus et que le total de points accumulés dépassait un montant supérieur à 9.999 (l’affichage sur 4 cylindres rotatifs gradués de 1 à 9 ne pouvait dépasser ce score), alors l’affichage revenait à 0.000, toutes les cibles ressortaient, les couloirs se rallumaient et une nouvelle partie – offerte par l’appareil – pouvait commencer, avec un jackpot de 1 000 points au moment de relancer la bille d’acier.

Les pays européens pratiquent une sorte d’anti-flipper. Chaque cible abattue compte pour 10 milliards de déficit supplémentaire, chaque couloir (métaphoriquement, une impasse budgétaire) représente un anti-bonus de 50 milliards, et quand on atteint les 10 000 milliards (9 999 +1) de déficit, le flipper de la dette fait un reset et vous offre un crédit de 1 000 milliards pour entamer une nouvelle partie, qui se termine le plus souvent par un game over (l’expression vient aussi de là) ayant pour nom l’inflation.

Et oui, comme au flipper, c’est « cadeau », mais là c’est la planche à billet qui régale !

En résumé, plus vous êtes mauvais gestionnaire, plus vous commettez d’erreurs stratégiques, plus vous allez loin dans le négatif, plus vous êtes récompensé !

Du coup, le jeu consisterait presque à se rapprocher au plus vite de -9 999 pour toucher le jackpot de 1 000 milliards.

Avec le COVID, les confinements massifs à répétition de 2020 et la mise à l’arrêt de l’économie – que nous savons aujourd’hui totalement inutile d’un point de vue sanitaire, même Anthony Fauci l’a reconnu –, nos gouvernements ont fait très fort avec plusieurs jackpots de 1 000 milliards accumulés en quelques mois.

Cinq ans plus tard, avec une guerre en plus à nos frontières, 16 paquets de sanctions anti-russes et un gazoduc Nordstream en moins, nos économies sont de nouveau au tapis.

Cela a pris trois ans, et non trois mois comme pour le COVID, mais c’est de nouveau game over pour la croissance européenne.

Alors, c’est l’heure du « jackpot de la lose » (prononcez la « louze ») et ce sera 800 milliards pour commencer (ne vous inquiétez pas, les 1 000 seront rapidement validés, l’Allemagne devrait nous permettre d’éclater littéralement ce plafond).

Car il en va de la guerre contre le virus comme de la guerre contre les russes : à circonstance économique exceptionnelle, mesures budgétaires exceptionnelles… et fuite en avant dans l’impression monétaire, un expédient prétendument indolore, sous l’ovation de foules lobotomisées par une propagande mensongère, diffusée avec la complicité active des médias, véritables courroies de transmission d’un système dévoyé et dystopique.

Le problème, c’est que le « all-in » monétaire de 2020/2021 a déclenché une vague d’inflation d’une intensité jamais observée depuis 50 ans. Et les « autorités » s’apprêtent à remettre ça, maintenant que les prix se sont un peu assagis.

La surprise, c’est que l’initiative ne revient pas pour une fois à la Fed (sur injonction de la Maison-Blanche), mais de l’Allemagne qui enterre toutes ses règles d’orthodoxie budgétaire et se lance, après la Grèce et la France, dans une relance financée par la dette.

Le premier volet de 500 milliards annoncé le 4 mars qui n’est certainement qu’une première étape pour le Chancelier F.Merz.

L’Europe, de son côté, va s’endetter de 800 milliards d’euros (avec une enveloppe de 150 milliards débloquée immédiatement, puis 650 milliards à affecter ultérieurement).

Mais il y a cette fois un bonus dans le jackpot : ce recours massif à la dette sera une opération mutualisée, en contradiction, là encore, avec la doctrine allemande de non-participation au sauvetage de pays tiers, en vigueur depuis 35 ans… qui vient donc de cesser d’exister d’un claquement de doigts.

Ou plutôt, suite à un clash dans le bureau ovale le 28 février dernier qui repousse la mise en oeuvre d’un processus de paix, dont les Européens semblent ne vouloir à aucun prix, comme si arrêter les frais et l’hécatombe en Ukraine semblait totalement contraire à leurs intérêts.

Loin de tirer la moindre conclusion d’un « front de l’Est » quasiment figé sur une diagonale Nord-Est/Sud-Ouest de 700 km depuis trois ans, l’Europe voit déjà les chars russes franchir la Forêt-Noire et les Ardennes pour fondre sur Paris et Londres d’ici trois ans.

Poutine n’a pas réussi à s’emparer d’un pays de 45 millions d’habitants, mais il va à coup sûr conquérir en quelques semaines un espace dix fois plus étendu, dix fois plus peuplé et doté du feu nucléaire.

Mais oubliez ça… Bruxelles veut absolument ignorer toute logique de paix et d’échanges commerciaux avec Moscou et se mettre en ordre de marche pour contrer « la menace d’invasion par la Russie ».

Impossible d’échapper à cet élément de langage répété à l’envi de Londres à Berlin et de Copenhague de Paris : « Poutine ne s’arrêtera pas avec l’Ukraine. »

Poutine, tout comme le COVID, représente la nouvelle « menace existentielle », et la réponse à ce péril passe par le recours à un endettement massif ainsi qu’ à l’épargne des citoyens pour reconstituer notre capacité de riposte militaire.

Emmanuel Macron vient d’évoquer clairement le recours à l’épargne au 20H, ce qui évitera d’augmenter les impôts. Notre « contribution à l’effort de défense » prendrait la forme d’une « mobilisation de l’épargne ».

Sophie Primas, la porte-parole du gouvernement, avait « spoilé » l’un des temps forts de l’allocution du président, estimant que « c’est une piste intéressante à mettre sur la table » (comprenez : l’Elysée, Matignon, Bercy, la Banque de France se sont déjà mis d’accord).

Autrement dit, après avoir ruiné le pays, allongé la durée des retraites, fait les fonds de tiroir pour le budget 2025, la situation est tellement désespérée qu’il ne reste plus d’autres solution que de vous faire les poches.

Nous attendons la mise en place d’un cadre juridique pour rendre cette « mobilisation » (ce hold up serait plus juste) 100% légal.

Si les indices boursiers de la zone euro applaudissent avec des gains de +2 à +3,3% (800 ou 1 000 milliards d’euros de carburant supplémentaire et entièrement gratuit annoncé un Mardi gras, ça se fête !), il n’en va pas de même pour les marchés obligataires.

La séance du 5 mars fut historique pour les marchés obligataires européens : ils ont subi leur pire chute depuis début octobre 1998 et le « krach » du hedge-fund LTCM.

Un écart de 32 points en 24h sur les Bunds de 6 mois à 10 ans (à 2,50% et 2,800% respectivement) ne peut recevoir d’autre appellation que « flash krach », vu les dizaines de milliards de valeur obligataire pulvérisés en quelques heures en Allemagne, des centaines dans toute l’Europe.

Et le « 30 ans » germanique (+21 points) dépasse les 3,06%, soit le pire niveau depuis début novembre 2023.

Nos OAT se tendent de +27 points vers 3,5000%, un niveau jamais atteint depuis novembre 2011.

En résumé, les détenteurs d’un portefeuille équilibré 50/50 (obligations/actions) ont perdu plus qu’ils n’ont gagné mercredi.

Et en ce qui concerne le retour à la réalité géopolitique et la sécurité de leur épargne, ils ont définitivement tout perdu ce 5 mars peu après 20H : au mieux, ils verront ressurgir l’inflation, au pire, la stagflation… et ce sera game over bien avant que Poutine ne défile devant l’Elysée !

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile