L’Italie vit une crise politique majeure essentielle pour le destin français : faut-il faire confiance à la Zone euro pour retrouver la voie de la prospérité ? L’Italie sert de laboratoire à la France, et les réponses qui seront trouvées à Rome serviront de modèle à Paris.
Peu à peu, la crise du coronavirus cède la place à la crise de la dette européenne. Personne ne s’en rend compte encore, mais elle arrive, et elle sera sévère. L’Italie en est à la fois le terreau et le terrain d’expérimentation.
L’Italie au cœur des crises européennes du futur
Pour ceux qui n’ont pas suivi les événements, l’enchaînement est simple : les Italiens ont suivi, avant les Français, la tentation maduriste selon laquelle des baguettes magiques permettraient de résoudre les crises financières loin des méthodes traditionnelles.
Au nom de cette croyance primitive selon laquelle une baguette magique cachée permettrait de résoudre les problèmes, une coalition entre « populistes » de Cinque Stelle et « souverainistes » de la Ligue a pris le pouvoir. Rapidement, la Ligue est partie et Cinque Stelle est restée à la recherche d’une fantomatique coalition de circonstance.
Face à l’impossible quadrature du cercle souverainiste, le Premier ministre de Cinque Stelle a remis sa démission, se révélant incapable de reconstituer une nouvelle coalition. D’où le choix, par le président Mattarella, de Mario Draghi, ancien président de la Banque centrale européenne, comme futur Premier ministre. Il lui suffit juste de trouver la coalition qui va bien pour y parvenir – ce qui n’est jamais donné, ni garanti.
Il va y avoir du travail…
C’est en effet avec cet attelage que l’Italie, ultra-déficitaire et affaiblie par le coronavirus, doit s’armer pour faire bon usage des 200 Mds€ que l’Union européenne (UE) lui a promis en juillet 2020 pour sortir de l’ornière. Et comme disait Jacques Chirac, les promesses n’engagent que ceux qui les entendent… Aucun euro n’est à ce stade tombé de la manne européenne.
Derrière la crise politique qui s’ensuit, c’est toute la capacité des pays de l’UE à rembourser leur dette sans être embouteillés par des « questions démocratiques » qui est posée. Alors que la maison brûle, faut-il continuer à se poser des questions dans des délibérations démocratiques ?
Si l’on admet l’hypothèse que le maillon qui suivra l’Italie n’est autre que la France, la question prend un relief particulier.
La France, étape suivante après l’Italie
On comprend bien l’idée qui traîne derrière le choix de Mario Draghi. Plutôt que de s’embarrasser d’interminables débats au Parlement sur le sexe des anges (et des politiques budgétaires), mieux vaut choisir un bon expert qui va imposer les décisions qu’il faut.
C’est mieux pour l’efficacité, même si c’est moins bien pour la démocratie.
Sauf que… Mario Draghi est celui qui, à la tête de la Banque centrale européenne, a inventé le quantitative easing (« la facilité budgétaire ») grâce à laquelle la banque centrale a adopté les taux négatifs et a racheté massivement des titres bancaires de peu de valeurs. Ce système d’argent abondant a dispensé l’Italie de se réformer pour rétablir ses équilibres économiques. Draghi est, d’une certaine façon, celui qui contribué aux difficultés italiennes actuelles, celles qu’il doit désormais réparer.
S’il fallait chercher dans l’histoire contemporaine un exemple où une banque centrale s’était comportée en acheteuse de crédits en dernier ressort, on aurait trouvé celui-là.
Dès lors, quelle est sa crédibilité pour restaurer une Italie prospère ? Elle est à peu près nulle, mais on s’en moque dès lors que l’establishment européen trouve qu’il s’agit d’un bon choix.
La leçon vaut d’être méditée, car rien n’exclut que, dans 18 mois, la France ne soit soumise à la même potion épistocratique (celle du gouvernement des experts).
L’Europe et la France en position difficile
Personne n’a évidemment jugé utile de le dire clairement aux Européens, et spécialement aux épargnants, mais c’est pourtant vrai : à force de vivre sur une montagne de dettes qui ne pourront être remboursées, l’Europe ruine sa crédibilité non seulement financière (ce qui est, en somme, un moindre mal), mais politique, ce qui est beaucoup plus fâcheux.
Pour l’instant, la technostructure de l’Union et ses affidées nationales vivent dans l’illusion que la solution consiste, peu ou prou, à ouvrir une parenthèse dans la démocratie et à imposer un gouvernement d’experts dans les pays en difficulté pour sauver l’euro.
Nous n’y croyons pas, mais il faut bien que le rêve épistocratique se passe. En attendant, réfléchissez-bien à la réorientation de votre mix patrimonial pour limiter les dégâts dans un monde à venir qui en voudra à votre argent pour combler les trous dans les caisses des Etats.