▪ Les marchés sont partis de l’idée que le consommateur, surendetté et de plus en plus souvent au chômage, n’allait plus rembourser ses dettes, disions-nous hier. Mais… faut-il croire le discours officiel ?
Tout d’abord, il faut noter qu’au cours des huit derniers mois, un consommateur américain sur 10 a, volontairement ou non, coupé en deux sa carte de crédit, selon un sondage du site CreditCards.com. D’un côté, il y a ceux qui ont décidé d’assainir leur situation économique et ont annulé leurs cartes ; de l’autre, il y a les émetteurs de cartes de crédit qui sont devenus plus sélectifs.
Publié le 15 février dernier, le sondage scientifique démontre que le nombre de personnes ne possédant plus la moindre carte de crédit atteint désormais 29%. Un sondage similaire réalisé en juin 2009 par le même site donnait seulement 19% de répondants sans carte de crédit. Si la tendance persistait (ce qui ne sera certainement pas le cas), il n’y aurait plus aucune carte de crédit aux Etats-Unis dans moins de six ans ! Vous imaginez le tableau ? Bien sûr, cette vague d’annulations aura un reflux ; il n’en reste pas moins que cette situation est la preuve d’un ras-le-bol des clients d’un côté, et d’une réduction du crédit accordé par les instituts financiers de l’autre. Cette situation va nous donner la chance d’acheter un actif peu risqué, pendant que le marché panique.
Les ménages américains ont pris le tournant : acheter moins et apurer leurs dettes
Les émetteurs de ces précieux bouts de plastique n’ont cessé d’augmenter les taux d’intérêt, de réduire les limites de dépenses, et d’ajouter une ribambelle de changements (souvent des frais supplémentaires), parfois en relation avec la nouvelle loi qui vient d’entrer en vigueur le 22 février dernier.
Signé par Barack Obama le 22 mai 2009, le texte vise notamment à protéger les détenteurs de cartes contre toute augmentation arbitraire de taux d’intérêt, contre des conditions générales opaques et contre des frais exagérés. Selon les entreprises émettrices, cette loi aura pour conséquences principales des taux d’intérêt et frais annuels plus élevés, et des lignes de crédit plus basses pour les clients économiquement faibles.
Selon Gail Cunningham, porte-parole de la Fondation nationale pour les conseils liés au crédit, un groupe de conseillers à but non lucratif, "quand les banques ont réalisé que leur chiffre d’affaires pourrait baisser suite à cette loi, elles ont effectué les changements avec de l’avance. Elles ont augmenté les taux d’intérêt, abaissé les limites de dépenses, ajouté des frais et complètement fermé certains comptes. Leurs clients se sont fâchés et ont décidé de prendre leur porte-monnaie ailleurs, ou de réduire leur utilisation de cartes de crédit". Cela fait partie d’un mouvement général vers davantage de frugalité aux Etats-Unis : acheter moins, payer avec du liquide ou une carte de débit, et réduire les dettes. Rien qu’en 2009, les Américains ont allégé leurs créances liées aux cartes de crédit de 91 milliards de dollars, une réduction de 10% en un an. A ce rythme, ils ne devront plus rien avant la fin 2019.
"Le premier conseil que nous donnons aux gens en situation financière difficile est d’arrêter d’utiliser leur carte de crédit, et apparemment c’est exactement ce qu’ils ont fait", dit Madame Cunningham. "Même ceux qui ont conservé leur emploi ont réalisé qu’ils pourraient faire partie de la prochaine charrette, et ont eux aussi commencé à réduire leurs dépenses. Beaucoup de personnes ont vu leurs comptes fermés par l’émetteur, certains ont fermé leurs comptes eux-mêmes parce qu’ils étaient fâchés contre l’émetteur et d’autres enfin ont gardé leurs cartes, mais choisissent de ne pas les utiliser".
Pour Peter Garuccio, porte-parole de l’Association des banquiers américains, l’industrie bancaire a répondu aux pertes causées par un nombre toujours croissant de consommateurs incapables de rembourser ainsi qu’à "l’environnement légal en mutation". Selon lui, la nouvelle loi "est la réforme la plus complète de l’industrie depuis l’invention des cartes de crédit. Elle limite essentiellement la capacité des émetteurs de cartes à ajuster les prix pour refléter les changements de risques tout comme les évolutions dans l’économie".
Une question primordiale est donc : le consommateur américain restera-t-il longtemps en froid avec son banquier ? Cette tendance vers la frugalité n’est-elle qu’une mode passagère ou évolution à long terme ?
[NDLR : Ce texte est extrait de La Lettre de Marc Mayor, dont nous sommes en train de préparer le lancement officiel : restez à l’écoute pour profiter de ses prochains conseils !]