Expulser des millions d’immigrants comme le propose Donald Trump pourrait faire vaciller l’économie américaine.
« Ne suivez pas les leaders
Surveillez plutôt les parcmètres »
– Bob Dylan
Comme les icebergs dans l’Atlantique Nord, les risques posés par les politiques de Donald Trump ne risquent pas seulement de provoquer un ralentissement dans les canaux de navigation, mais aussi un naufrage catastrophique de toute la maudite flotte.
Dans notre article précédent, nous nous sommes penchés sur la question des droits de douane et avons vu comment ils pourraient provoquer une dépression mondiale, comme ce fut le cas dans les années 1930.
Aujourd’hui, nous allons nous pencher sur la question des déportations.
Nous avons passé le week-end dernier à la ferme, où notre famille est installée depuis près de 400 ans. Les premiers colons, au XVIIe siècle, ont remonté la baie depuis la Virginie et se sont installés sur les rives de la Chesapeake. Et nous sommes encore là.
Mais il y a aussi des nouveaux venus.
Samedi, le gérant de la ferme voisine, originaire du Salvador, est venu nous saluer. Ensuite, une femme d’âge moyen originaire du Guatemala est venue aider à faire le ménage une fois par semaine. Enfin, une équipe de six « Latinos » s’est présentée pour poser un toit en cuivre sur notre nouvelle roulotte.
« Hay mucho trabajo. No hay mucho tiempo », a dit le maître d’oeuvre à son équipe. (Il y a beaucoup de travail, mais peu de temps.)
Nous lui avons demandé : « D’où venez-vous, messieurs ? »
« Nous venons tous du Mexique, a répondu le contremaître. Nous sommes les gens que le Señor Trump veut expulser, a-t-il ajouté en riant. Mais j’aime bien Trump. Je pense qu’il sera bon pour les affaires. Et je pense qu’il se contentera d’expulser les criminels. »
« Eh bien, s’il vous déporte… j’espère que vous aurez fini mon toit d’abord », avons-nous répondu en plaisantant.
Nous sommes dans le Maryland. Pas en Floride, ni au Texas, ni en Californie. Et pourtant, même ici, une grande partie du travail – le travail laborieux et difficile – est effectué par les Latinos. Et bien qu’il y ait beaucoup de gens que nous serions heureux de renvoyer du pays, il ne s’agit pas de ceux qui tondent notre pelouse ou qui réparent notre toit.
« Les Etats-Unis sont pour les Américains », a déclaré Stephen Miller lors d’un rassemblement préélectoral de Trump.
Nous ne savons pas quel sens cela peut avoir. Les Latinos sont aussi des Américains. Ils vivent sur le continent américain depuis plus longtemps que nous. Mais « si les Américains ont un don particulier », écrivions-nous en 2003 dans notre livre The Idea of America, « c’est celui d’ignorer l’ironie et l’ambiguïté, et de poursuivre leur mission : s’enrichir ».
Les premiers colons ont également ignoré beaucoup d’autres choses qui les dérangeaient dans l’Ancien Monde. La religion, par exemple. Aux Etats-Unis, vous pouviez vénérer le dieu de votre choix. En 1649, Lord Baltimore a décrété : « Personne ne serait ni recherché pour sa religion, ni inquiété dans son exercice. »
La race n’était pas importante, non plus : le pays était ouvert aux immigrants – volontaires ou non – provenant d’Europe, d’Asie et d’Afrique.
Et la langue ? La langue que vous parliez ne regardait personne. En 1890, plus de 1 000 journaux de langue allemande étaient publiés aux Etats-Unis.
Même les frontières physiques ne signifiaient pas grand-chose pour les nouveaux immigrants. L’Amérique n’était pas un lieu précis ; ses frontières ont énormément évolué entre 1776 et 2024.
Nous sommes tous des immigrants, après tout, dans un pays en constante évolution. Presque plus personne ne parle allemand aux Etats-Unis, mais des millions de personnes parlent désormais espagnol.
Et s’il peut être judicieux de contrôler le flux de nouveaux immigrants, le renvoi des immigrants actuels dans leur pays d’origine pourrait laisser de sérieux trous dans l’économie américaine.
Donald Trump affirme que ces nouveaux immigrants « empoisonnent le sang » de la population autochtone. Il affirme qu’il expulsera 15 millions d’entre eux, soit environ un quart de l’ensemble de la population latino-américaine.
Bien que cela semble peu probable, cela représenterait près de 10% de la main-d’oeuvre américaine… et 5% des consommateurs. Et comme la consommation représente 70% du PIB, ce chiffre à lui seul suggère une réduction de 3,5% du PIB, ce qui plongerait les Etats-Unis dans la récession. Par ailleurs, si l’on considère que la production américaine est proportionnelle à la main-d’oeuvre qui y est consacrée, on peut supposer une baisse de la production d’environ 10%.
Si le PIB diminue, les prix à la consommation augmenteront certainement. Qui va cueillir les pommes ? Qui posera les bardeaux sur les toits ? Qui taillera les haies ?
Sans immigrants, les coûts vont augmenter et la population va diminuer.
Illégaux ? Légaux ? Quoi qu’il en soit, les hamburgers ne seront pas coupés et les toits des roulottes ne seront pas posés. Et puis, nos systèmes de Sécurité sociale et d’assurance-maladie en pyramide de Ponzi, qui dépendent des contributions des nouveaux arrivants pour subvenir aux besoins des personnes âgées… comment empêcherons-nous leur faillite ?
Si l’on ajoute à cela les pertes liées aux restrictions commerciales proposées par Trump et la hausse des taux d’intérêt à long terme, nous pourrions assister à une forte augmentation des prix à la consommation, à des faillites, à des pénuries, à l’effondrement des prix des actifs et à une dépression dont il serait presque impossible de sortir.
Mais nous n’avons pas encore parlé de la plus grande perte de l’histoire… Rendez-vous dans notre prochain article pour le scénario le plus pessimiste, la fin du monde tel que nous l’avons connu.