Le monde ne souffre pas d’un « excès d’épargne » comme l’affirment les élites – il souffre d’un manque de profitabilité du capital… que l’on cherche à vous faire payer.
Je soutiens que le monde ne souffre pas d’un excès d’épargne comme le disent les banquiers centraux et les keynésiens comme Larry Summers pour justifier que l’épargne, la vraie, ne rapporte plus rien.
Je soutiens que c’est une posture idéologique pour faire payer la crise de l’insuffisance de la profitabilité du capital aux citoyens, aux ménages, aux classes moyennes.
Il faut, pour sauver le capital malade de sa crise du profit, lui permettre d’utiliser plus de levier, plus de fonds d’emprunts… et il faut que ce levier ne lui coûte rien afin de bonifier les taux de profit. Il faut en quelque sorte faire bénéficier le capital gratuitement des fonds du public et de la création monétaire.
Il faut, comme ils le disent tout à fait improprement, faire baisser le coût du capital.
Et cela ne s’arrête pas là…
Il faut aussi aller plus loin et reconnaître que cette parade du capital le pousse à la ruine. En effet, il y a trop de capital qui ne peut plus justifier sa valeur, qui ne peut tenir ses promesses.
Pour le faire tenir en tant que zombie, il faut donc non seulement mettre les taux à zéro mais en plus bétonner toutes les fissures qui se manifestent dans la pyramide du crédit, par des milliards et des milliers de milliards de liquidités tombées du ciel.
Il faut faire passer les questions de garanties et de solvabilité pour des questions de liquidité : the show must go on, comme on le voit sur le schéma ci-dessous.
Il est évident – ne serait-ce que par les masses colossales qui sont figurées – que tout cela n’a rien à voir avec l’épargne. D’où viendrait-elle, pour des sommes pareilles ?
En 2019, ce bassin international de fonds était estimé à 130 000 milliards de dollars, soit deux tiers de plus que le PIB mondial.
La financiarisation, sous sa forme la plus concrète
Cette augmentation de la « liquidité » – à savoir la masse monétaire, le crédit bancaire, la dette publique et privée et les instruments de dette comme les dérivés – est fantastique depuis le début des années 2000. C’est cela, sous une forme concrète, la financiarisation.
Cette montée en flèche de la liquidité mondiale produite par les flux bruts de crédit, par les flux d’épargne, par l’alchimie des marchés et les mouvements de capitaux internationaux, facilite la production de dettes, l’investissement réel, la spéculation sur les marchés et alimente les flux de capitaux transfrontières.
Cette montée en flèche peut se comparer à un besoin croissant, non contrôlé, de catalyseurs pour produire une réaction chimique.
Les politiques monétaires actuelles, et singulièrement celles menées depuis septembre 2019 puis depuis mars 2020, n’ont rien à voir avec l’économie réelle et encore moins avec une supposée déflation.
Elles ont pour seul objectif de « faire tenir » la masse colossale d’actifs fictifs qui ont été produits ; il s’agit d’empêcher que cette masse se déverse. Chaque fois que les marchés ont, passez-moi l’expression, dégueulé, les banques centrales ont arrosé.
« Qu’est-ce que je vais rater ? »
Cette masse « tient ». On la garde non parce qu’elle est à son prix – on sait qu’elle ne l’est pas –, mais on la conserve par esprit de jeu. Il faut sans cesse que les gens se disent « si je vends qu’est-ce que je vais rater ? » Il faut qu’à chaque fois qu’ils vendent, ils le regrettent !
C’est le sens profond du put, l’option de vente, des banques centrales : il faut faire croire que vendre ne sert à rien. « Don’t fight the Fed« , on ne lutte pas contre la Fed : il n’y a qu’un sens sur les marchés – la hausse.
Il faut sans cesse baisser les taux et c’est pour cela que l’on en est déjà dans certains pays aux taux négatifs. La baisse des taux, ou son espoir, est ce qui alimente la pyramide de Ponzi actuelle.
Les fameuses guidances dont se gargarisait Ben Bernanke ne sont rien d’autre que des « tuyaux boursiers » que l’on donne aux spéculateurs en langage codé pour les avoir de son côté : « ne vendez pas, cela va durer longtemps, je vais vous faire gagner du pognon, je vous assure ».
Si vous regardez les petites pyramides schématisées ci-dessus, vous voyez la confirmation de ce que je dis sans relâche : pour faire tenir la pyramide, il faut créer de plus en plus de power money, c’est-à-dire de monnaie de base – de l’argent-métal et de l’or. Il en faut à hauteur de 22,7% des PIB en 2020, contre 3,7% en 1992.
C’est précisément cela qui me garantit que j’ai raison et que le système court à sa ruine : il réclame de plus en plus de power money pour « tenir ».
A suivre…
[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]