Les Etats-Unis poursuivent, avec un zèle presque comique, leur grande descente historique – sous l’oeil goguenard d’une Histoire qui n’a jamais cessé de tirer les ficelles.
« Les hommes planifient. Le destin rit. » – Jim Butcher
Hier, à la première heure, voici ce que titrait CNN :
« Le président américain Donald Trump a menacé mercredi le Brésil d’imposer des droits de douane paralysants de 50 % à compter du 1er août, selon une lettre adressée au président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva.
Dans cette missive publiée sur Truth Social, M. Trump accuse Lula de mener une ‘chasse aux sorcières qui devrait cesser IMMEDIATEMENT’ en raison des poursuites visant l’ancien président d’extrême droite Jair Bolsonaro. »
Et puis, le président des Américains a déclaré ceci :
« L’idée que les pays BRICS essaient de s’éloigner du dollar, pendant que nous restons là à regarder, est TERMINEE. Nous allons exiger de ces pays apparemment hostiles qu’ils s’engagent à ne pas créer une nouvelle monnaie BRICS, ni à soutenir une autre monnaie pour remplacer le puissant dollar américain, sinon ils seront confrontés à des droits de douane de 100 % et devront s’attendre à dire adieu à la vente dans la merveilleuse économie américaine. Ils peuvent aller chercher un autre pays pour se faire avoir. Il n’y a aucune chance que les BRICS remplacent le dollar américain dans le commerce international, ou ailleurs, et tout pays qui essaiera de le faire devrait dire bonjour aux tarifs douaniers et au revoir à l’Amérique ! »
Quoi que l’on puisse en penser, c’est une façon inédite de mener une politique étrangère, commerciale, monétaire ou autre.
Dans son message adressé aux BRICS – ce bloc qui regroupe plusieurs des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis et environ un tiers de la population mondiale –, le ton est clair : pas question d’utiliser autre chose que le dollar pour commercer. Sinon…
Sinon quoi ? Sinon, ce sont les Américains eux-mêmes qui paieront une taxe de 100 % sur les importations.
Quel sens cela fait-il ? Et pourquoi diable le président américain s’immisce-t-il dans les affaires intérieures du Brésil ?
Faute d’explication, nous allons en revenir à l’inévitable déterminisme historique.
Quel est notre rôle, après tout, si ce n’est d’exécuter ce que l’Histoire exige de nous ?
A Salem, nous avons brûlé les sorcières. Durant la Première Guerre mondiale, nous sommes morts dans les tranchées, comme cela était attendu. Pendant la Grande Dépression, nous nous sommes ruinés et avons fait la queue pour obtenir des quignons de pain.
L’Histoire – cette grande farceuse – obtient toujours ce qu’elle veut de nous. Alors, qu’allons-nous faire maintenant ?
Voici le décor actuel : les autorités fédérales viennent d’adopter un programme colossal de nouvelles taxes, d’emprunts et de dépenses. La dette publique, qui s’élève déjà à 37 000 milliards de dollars, est désormais projetée à plus de 60 000 milliards de dollars dans dix ans. Quant aux intérêts, qui dépassent déjà 1 000 milliards de dollars par an, ils atteindront bientôt les 2 000 milliards de dollars.
Le seul espoir qui reste aux Etats-Unis pour faire face à ce problème serait de connaître une croissance du PIB suffisamment vigoureuse pour compenser l’explosion de la dette.
Si les déficits se maintiennent autour de 6 % à 7 % du PIB, il faudrait une croissance équivalente pour stabiliser la situation. Or Deloitte table sur une croissance de seulement 1,4 % en 2025, et de 1,5 % en 2026. Autrement dit, il faudrait multiplier cette croissance par quatre pour atteindre l’équilibre.
Pour ne rien arranger, toutes les grandes initiatives de politique publique actuelles sont totalement anti-croissance.
Entre l’asphyxie du commerce par des droits de douane incertains et arbitraires, l’endettement sans fin qui siphonne la croissance de demain pour rembourser la dette d’hier, la chasse aux immigrants et aux touristes, on dirait Achab harnaché à sa baleine blanche : les autorités fédérales finiront par sombrer avec leur obsession.
Retour à l’Histoire…
Cette mutine qui sait toujours où elle nous mène. Les Etats-Unis ont escaladé la montagne impériale. S’ils voulaient entamer la descente, et affronter leur destin final, que pourraient-ils bien faire autrement ?
Saper leur propre économie et leur monnaie avec des déficits, de la dette, de l’inflation et une monnaie de singe ? Ils l’ont fait.
Se mettre à dos leurs alliés avec des exigences absurdes ? C’est fait aussi.
Convaincre leurs rivaux que leur seul salut est de s’armer ? Fait !
Brouiller toute donnée économique avec de l’argent fictif et de faux taux d’intérêt ? Fait !
Etouffer le commerce par des menaces tarifaires à géométrie variable ? Fait !
Renvoyer les immigrés, amenuisant la croissance de la main-d’oeuvre ? Fait !
Dépenser bien au-delà de leurs moyens ? Fait !
Déguiser les hommes de main dans les rues américaines ? Fait !
Elire un président incapable de distinguer le haut du bas ? C’est aussi chose faite.
L’Histoire s’esclaffe. « Je suis satisfaite de vous, bande d’idiots. »