La Chronique Agora

La guerre, c’est le nerf du Deep State

La plus grande entreprise gagnant-perdant de tous les temps, c’est la guerre. Et lorsqu’une civilisation décline, c’est un recours fréquent.

La guerre, c’est l’entreprise gagnant-perdant par excellence. Un côté gagne ; l’autre perd. Dans l’ensemble, des gens meurent, des immeubles sont rasés et de la richesse réelle est détruite.

Mais ma foi, c’est distrayant pour les masses… une sorte de méga-Coupe du Monde.

Et certains s’enrichissent.

Les jeunes bidasses qui montent au front reçoivent des médailles de cuivre et d’argent – s’ils survivent. Mais les vieux profiteurs, les idéologues et les va-t-en guerre restent assis dans leurs confortables fauteuils, loin de la violence et du danger… et manœuvrent pour s’en mettre plein les poches.

Boeing, Lockheed Martin, Google, Amazon – le Pentagone achète du big data et de gros calibres. Il lui faut aussi des planificateurs, des consultants, des cabinets de relations publiques… Il lui faut des compères et des abrutis, tous ceux qui sont prêts à battre le tambour et encaisser les chèques.

La guerre n’est plus ce qu’elle était

Notre sujet, c’est l’argent. Et de l’argent, il y en a beaucoup, dans une guerre.

Mais ce n’est plus comme jadis. Avant l’ère moderne, on pouvait faire la guerre et en cas de victoire, victori sunt spolia – vous pouviez vous emparer de l’argent des perdants, de leurs biens, leurs maisons et leurs terres. Les survivants, tout comme leurs femmes et enfants, pouvaient faire de bons esclaves.

La guerre moderne est différente. L’esclavage ne rapporte plus depuis le milieu du XIXème siècle. La guerre non plus. On peut battre quelqu’un durant une guerre mais il est très difficile d’en retirer un quelconque avantage matériel.

Durant la guerre de Sécession, le Nord n’a rien tiré de sa victoire sur les Sudistes – à part  620 000 morts et une inflation à 80%.

Tous les participants à la Première guerre mondiale ont fait faillite – à part les entreprises américaines qui ont gagné des millions en vendant de la nourriture et du matériel à la France et à la Grande-Bretagne. Ceci dit, les Etats-Unis ont jeté leurs gains à la poubelle lorsqu’ils sont eux-mêmes entrés en guerre.

Pas plus que les adversaires de la Deuxième guerre mondiale ne sont sortis gagnants. Les perdants – principalement l’Allemagne et le Japon – ont été aplatis. L’Angleterre a été saignée à blanc.

Les Etats-Unis, quant à eux, ont passé quatre ans à priver leurs citoyens de biens de consommation. Tant que la guerre durait, le sucre, les automobiles, les pneus, le carburant, le beurre, la viande, la pénicilline – quasiment tout était réservé à l’armée. Cette demande accumulée a engendré un gros boom… après la guerre, et non pendant.

Corée, Vietnam, Irak… les guerres coûtent de l’argent et des vies. Mais ce sont des accords gagnant-perdant sans vrai gagnant. La guerre est devenue un frisson creux, un amusement nauséabond – comme les combats de gladiateurs au Colisée : pleine de sang et de tripaille et qui ne signifie presque rien.

Transfert de richesse

Pour une poignée de personnes, cependant, la guerre est immensément profitable. Comme quasiment tous les autres projets gouvernementaux, la guerre est principalement un plan de transfert… faisant passer la richesse des classes moyennes vers quelques privilégiés.

La guerre économique – les sanctions, les taxes douanières et la manipulation des devises –, elle aussi, n’est qu’un moyen de parvenir au même but sans les pertes humaines. Du moins pas de notre côté.

Au Vème siècle av. J.C., Périclès a imposé des sanctions à la ville de Mégare après que cette dernière se fut rangée du côté de Sparte durant la guerre du Péloponnèse.

Plus récemment, en 1941, les Etats-Unis ont utilisé une forme de sanction contre le Japon, coupant les « vivres énergétiques » qui lui étaient nécessaire pour poursuivre son programme de domination régionale en Asie… et poussant le pays à faire une erreur colossale – attaquer Pearl Harbor.

A présent, c’est l’Iran qui fait l’objet de la fureur des va-t-en guerre. Tapez « Iran tanker » dans votre moteur de recherche, et vous obtiendrez plus de 150 millions de résultats.

C’est beaucoup, pour une chose qui n’est probablement pas vraie. Les Iraniens ont vu ce qui est arrivé à Saddam et Kadhafi. La dernière chose que voudraient les Perses, c’est donner aux Etats-Unis un prétexte pour bombarder l’Iran.

Le Japon – dont le navire a été attaqué – a demandé, avec sagesse, à voir les preuves.

Un beau spectacle

Mais le secrétaire d’Etat Mike Pompeo et le conseiller à la sécurité nationale John Bolton étaient déjà en mode guerrier, déterminés à donner un beau spectacle à leurs fans… et à faire en sorte que l’argent continue de circuler.

Quant au sénateur Tom Cotton, il n’est pas d’humeur aux procédures. Il veut passer directement à la punition. Il est apparu dans l’émission Face the Nation le week-end dernier :

« Le sénateur républicain Tom Cotton, de l’Arkansas, l’un des plus ardents ‘faucons’ du Congrès US, a vivement conseillé à l’administration Trump d’ordonner une frappe militaire contre l’Iran suite aux récentes attaques de tankers pétroliers au Moyen-Orient – ce qui, selon lui, enverrait au gouvernement de Téhéran le message que les Etats-Unis ne resteront pas sans rien faire tandis que le fret commercial est menacé ».

La théorie du méchant

Nous laissons aux futurs historiens le soin de décider à quel moment les Etats-Unis sont devenus le méchant de la planète. Nous ne faisons qu’essayer de relier les points.

Vous vous rappellerez notre jauge avidité/crainte – le ratio Dow/or. Lorsque la civilisation avance, généralement, les gens privilégient les entreprises générant du profit et qui leur donnent la possibilité de s’enrichir à l’avenir.

Ils veulent des accords gagnant-gagnant, la paix et la prospérité.

Lorsque la civilisation décline, en revanche, ils veulent la police, des accords gagnant-perdant et la guerre.

Notre supposition – qui devrait être vérifiée ou infirmée sur les 5 à 10 prochaines années – est que le pendule a commencé son mouvement de balancier il y a 20 ans… s’éloignant de l’avidité pour se rapprocher de la crainte.

Masquée, retardée et niée par la fausse monnaie… la tendance est néanmoins irrépressible. Le monde veut plus de protection… plus de « patriotisme économique »… et plus de sottises.

Bientôt, il voudra aussi plus d’or.

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