L’euro perd pied, décroche, dévisse, n’en finit plus de déraper… Nous voilà passés hier sous les 1,33 $ alors que nous campions fièrement sur les 1,51 $ il y a à peine quelques mois. "La faute aux marchés et spéculateurs", entend-on dire un peu partout. Ils jouent contre l’euro et la dette grecque.
▪ Les marchés, toujours les marchés… ils ont bon dos les marchés
Certes, il y a des excès. Beaucoup d’excès. Intolérables. Le comportement de Goldman Sachs en est clairement un. Toutes ces banques américaines qui planquent leurs dettes dans leurs bilans avec le tacite consentement des pouvoirs publics également.
Mais il me semble tout de même que nos marchés constituent dans le cas présent un " bouc émissaire" bien pratique. Parce que finalement, si on y regarde de plus près, ils n’ont pas tout à fait tort de se rebiffer ainsi.
▪ Arrêtons de confondre les causes et les conséquences
Ce ne sont pas les spéculateurs qui ont créé le problème grec. Ce sont les Etats (Grèce en tête). Nos chers Etats qui se sont lancés dans l’hyper-dépense publique, boulimique, effrénée, démesurée, sans limite… Arrêtons donc de confondre les causes et les conséquences.
Vous achèteriez, vous, de la dette grecque aujourd’hui sans prendre une assurance ? Non. Ce serait de l’inconscience. La probabilité que la Grèce fasse faillite augmente tous les jours. Pas étonnant dans ces conditions que le coût de l’assurance grimpe.
Vous achèteriez, vous, la dette grecque aujourd’hui si elle n’offrait pas un très fort différentiel de rendement par rapport à la dette allemande ou française ? Non. Jamais vous ne prendriez un tel risque si vous n’aviez les rendements qui vont avec.
Eh bien les marchés fonctionnent comme vous.
▪ Les marchés, "flics de service" ?
Où en serions-nous aujourd’hui si les marchés n’avaient pas mis le doigt sur la dette grecque ? Nos chers Etats seraient probablement toujours en train d’accumuler les dettes sans aucun complexe, et ne se poseraient pas un instant la question de savoir comment diable ils vont les financer. Quant à les rembourser… ce mot n’existait même pas dans le langage de nos politiques jusqu’à très récemment.
Fini la liberté ! Halte à l’irresponsabilité, à l’insouciance, à l’irraisonnable, à l’inconscience… Les chiens de garde sont lâchés. Aujourd’hui, le surendettement des Etats est sur toutes les lèvres. Prise de conscience salutaire. Il était temps. Merci les marchés…
En attendant, nous sommes dans de beaux draps.
▪ Condamné à s’en sortir. Mais comment ?
Jusqu’où ira l’euro ? 1,30 $ ? 1,25 $ ? 1,20 $ ? … personne ne sait. Ce que l’on sait en revanche c’est que la Grèce sera dans l’incapacité de créer suffisamment de croissance (richesse) dans les prochaines années. Elle ne pourra donc pas combler son déficit géant.
On sait aussi que les patrimoines et les capitaux grecs fuient les banques grecques vers les banques étrangères. Exactement comme en Argentine juste avant qu’elle ne fasse faillite… Déjà 10 milliards de capitaux ont pris la tangente depuis deux mois. Or sans dépôts, pas de crédits bancaires. Et sans crédits, pas de croissance…
On sait aussi que les banques européennes détiennent un pactole de 185 milliards d’euros de créances auprès de ces banques grecques qui se fragilisent un peu plus chaque jour. Dont 55 milliards rien que pour nos banques françaises. Un chiffre gigantesque. De quoi faire sauter la planète bancaire française si les banques grecques dérapent.
On sait aussi qu’au moindre souci, les agences de notation dégraderont encore la note de la dette souveraine grecque, avec toutes les conséquences que cela induit. Un cercle vicieux d’une fatalité implacable…
Par contre, il y a une chose que je ne sais pas : comment allons-nous faire pour nous en sortir ?
▪ Monsieur Trichet a beau dire…
"Hors de question", nous dit-il que la Grèce soit confrontée à un défaut de paiements. "Personne ne devrait prendre à la légère une déclaration signée par tous les chefs de gouvernement" surenchérit-il.
Je veux bien le croire… Je veux bien croire que les Etats européens auront la folie d’aller consentir des prêts bilatéraux à la Grèce. Mais je crois surtout que cela entraînerait ces généreux pays déjà lourdement endettés dans la spirale infernale grecque, avec dégradation de leur note, hausse du coût de financement de leur dette, et rechute dans la crise…
Et si nous n’aidions pas la Grèce ? Difficile à imaginer…
Dans les deux cas, la zone euro joue sa pérennité et l’issue est loin d’être écrite.
Je crois que nous sommes tombés dans un guet-apens. Et que l’euro n’a pas fini de déraper….
▪ Pourtant, je n’imagine pas un monde sans euro. Pas un instant
Alors peut-être va-t-il enfin falloir un jour envisager le politiquement incorrect. A savoir une zone euro à quelques Etats phares fortement intégrés. Fiscalement, économiquement, budgétairement et monétairement. Avec une vraie cohérence, et une voix unique. Pour l’instant, nous sommes définitivement trop nombreux…