La Chronique Agora

Un gigantesque fatras

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Une crise gouvernementale de plus signifie l’invention d’un acronyme à la mords-moi-le-nœud de plus qui viendra tout résoudre par magie…

On a presque de la peine pour Jerome Powell. Il a mis tout le monde dans la panade, encore une fois. Et maintenant, les gens le scrutent de leur regard perdu et fatigué.

« Aide-nous. Sauve-nous. Soigne-nous. »

Mais que peut-il faire ? Une bêtise de plus…

Nous avons une réunion de famille donc nous serons brefs.

Mais, avant de commencer, nous voudrions remercier les nombreux lecteurs qui nous écrits récemment pour nous dire ce qu’ils pensaient (surtout en bien) de notre lettre. De nombreux commentaires nous ont inspiré un sentiment d’humilité, nous poussant à nous demander comment répondre à des attentes aussi élevées. Nous ne sommes pas certains que nous méritons tous les compliments que nous avons reçus. Tout ce que nous pouvons dire est que nous vous sommes reconnaissants pour votre soutien et que nous ferons de notre mieux pour le mériter.

Ces derniers jours, nous avons vu comment apparaissaient les bulles, comment elles éclataient et comment la Fed travaillait. Nous avons également vu de nouvelles preuves que la Fed sera incapable de juguler l’inflation.

Une inflation non transitoire

Dans un premier temps, la Fed a créé une gigantesque bulle en maintenant trop longtemps les taux d’intérêt trop bas. Les gens ont emprunté pour profiter des taux bas. Puis, la Fed a « imprimé de l’argent » pour répondre à la demande, en particulier celle du gouvernement, qui distribuait des milliards de dollars sous forme d’aides financières aux ménages et de prêts aux entreprises.

N’importe qui capable de calculer 2+2 (à l’exception des docteurs en économie qui travaillent pour la Fed, peut-être) savait que cela engendrerait rapidement une poussée d’inflation. Et, lorsque cela s’est produit, la Fed a commis une autre erreur monumentale. Elle a estimé que l’inflation serait « transitoire ». Pas besoin de prendre de mesure forte.

L’autre idée stupide fut d’essayer de contrer l’inflation, qui s’établissait à plus de 8%, avec des hausses de taux minimes, de 50 ou 75 points de base. La Fed est peut-être incapable de faire le calcul, mais les spéculateurs de Wall Street en sont capables, eux. Pendant un an, ils ont pu continuer à emprunter à des taux inférieurs de 3% à 7% au taux d’inflation. La dette a continué à augmenter. Les prix à la consommation également.

Le mode opératoire de la Fed consiste à donner de l’argent aux riches (qui dépensent très peu par rapport à ce qu’ils ont) tout en essayant d’éviter une éventuelle catastrophe en soutenant les marchés. Mais quand la dette augmente, la situation tourne toujours au vinaigre et la Fed aggrave les choses en facilitant encore plus l’accès au crédit.

Voici la bonne nouvelle : la semaine dernière, deux banques qui satisfaisaient aux besoins de fonds de capital-risque et de fonds spéculatifs dans les secteurs des technologies et des cryptomonnaies ont fait faillite. C’était à prévoir.  Elles ont pris de gros risques. Elles ont gagné beaucoup d’argent. Puis leurs paris ont mal tourné.

C’était évident et prévisible. Et ce n’est pas vraiment un problème. C’est la raison pour laquelle il y a des corrections, des dépanneuses et des funérariums. Les gens font des erreurs. Les marchés s’emballent. Il faut remettre les choses à plat et rétablir l’équilibre.

Nouvelle crise, nouvel acronyme

Mais la Fed a commis une autre grosse erreur. En général, le gouvernement fédéral protège les dépôts bancaires, jusqu’à 250 000 $. Au-dessus de cette somme, les dépôts ne sont plus garantis. Mais désormais, même les spéculateurs les plus riches et les plus insouciants peuvent se tourner vers le gouvernement central pour se renflouer. Voici les explications du Wall Street Journal :

« Parmi les mesures prises pour contrer les effets de la faillite de Silicon Valley Bank, la Réserve fédérale a déclaré qu’elle créerait un nouveau programme de prêts pour les banques : le Bank Term Funding Program, ou BTFP.

Cette facilité permettra aux banques de recevoir des acomptes de la Fed allant jusqu’à un an, en utilisant des bons du Trésor, des créances hypothécaires et d’autres dettes comme collatéral. Autorisées à porter leurs obligations en garantie, les banques peuvent honorer les demandes de retrait de leurs clients sans avoir à vendre leurs obligations à perte. Or, c’est précisément ce qu’a fait Silicon Valley Bank la semaine dernière, ce qui a provoqué le bank run. La Fed ne tiendra pas compte de la valeur de marché du collatéral, qui, bien souvent, reflète d’importantes pertes latentes à cause de la forte hausse des taux d’intérêt.    

[…] Le département du Trésor offre une protection de crédit de 25 Mrd$ à la Fed, juste au cas où. ‘La Réserve fédérale ne pense pas qu’il sera nécessaire d’utiliser ces fonds de soutien’, a déclaré la Fed dans le communiqué publié dimanche soir. »

Rebelotte ! La Fed a envenimé une situation qui était déjà compliquée, en protégeant les spéculateurs contre leurs propres erreurs. Le Washington Post ajoute ainsi :

« Le combat de la Fed contre l’inflation prend du plomb dans l’aile.

La crise, qui a déjà obligé la Fed et les autres autorités réglementaires à créer une nouvelle facilité de prêt spéciale et à prendre des mesures pour rembourser les épargnants des banques ayant fait faillite, soulève des questions quant à savoir si la banque centrale continuera à rehausser ses taux face à un système financier de plus en plus fragile. »

La Fed soutient qu’elle continuera à lutter contre l’inflation. Mais à la moindre poussée d’inflation, elle courbera l’échine. Elle renflouera les banques (et leurs gros clients) et les petits épargnants devront mettre la main à la poche.

 

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