La Commission européenne a pour projet de rendre l’Europe climatiquement neutre d’ici 2050. En France comme ailleurs, notre mobilité individuelle sera affectée, et le clivage entre zone urbaines et rurale aggravé.
L’Union européenne a, par la voix de la Commission, acté la fin de l’existence légale du moteur à combustion interne. D’ici 2035, dans le cadre de l’European Green Deal – Pacte vert pour l’Europe, en français –, la vente de nouvelles voitures fonctionnant aux carburants fossiles devrait en effet devenir illégale par décret européen.
Adieu, moteur à combustion !
« Les transports sont aujourd’hui à l’origine de 29 % des émissions totales de gaz à effet de serre de l’UE. D’ici à 2050, nous devons les réduire de 90% », a déclaré Adina-Ioana Vălean, commissaire européenne aux Transports.
A l’heure actuelle, les voitures produites dans l’UE sont autorisées à émettre 95 g de carbone par kilomètre parcouru. Ce chiffre sera réduit de 55 % d’ici à 2030, pour atteindre 0 g en 2035. Les camionnettes, dont la consommation est autorisée à 147 g/km, verront leurs émissions réduites de 50 % d’ici à 2030, mais devront également être exemptes d’émissions en 2035.
En dehors de l’UE, le Royaume-Uni a annoncé son intention d’interdire la vente de nouvelles voitures à moteur à combustion d’ici 2030, tandis que la Californie envisage de faire de même d’ici 2035. Il faut croire que l’ambition de la Commission européenne est d’électrifier le réseau routier dans les dix prochaines années, même si le continent est actuellement très loin d’atteindre cet objectif.
Le tout-électrique n’est pas pour tout de suite
Cinq pays européens (Lituanie, Grèce, Pologne, Lettonie et Roumanie) ne disposent même pas d’une borne de recharge pour véhicules électriques aux 100 km. La France en compte 4,1 par 100 km, ce qui est encore très loin de l’infrastructure nécessaire après une adoption à grande échelle.
En fait, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas représentent 70% de l’ensemble des infrastructures de recharge de l’UE, même avec des chiffres déprimants.
Le mal de tête dépasse cependant le faible nombre de points de charge ou le nombre de chargeurs par station. En effet, le déploiement des chargeurs rapides est encore plus lent que le déploiement global, ce qui rend le ravitaillement en énergie plus fastidieux que celui en carburant jusqu’à présent.
Le problème est que cette politique affiche au grand jour la déconnexion entre les décideurs politiques et leurs électeurs. Bien sûr, si vous vivez dans les grandes villes, vous verrez de temps en temps des Tesla circuler (il est difficile d’imaginer que cette voiture obtiendra avec un usage purement citadin le nombre de kilomètres nécessaires pour être durable, mais passons). Partant de là, déduire que des voitures électriques de haute capacité vont se retrouver à la campagne n’est toutefois qu’utopique.
Cette transition augmentera en pratique le coût pour les consommateurs : coût d’achat de nouvelles voitures, moindre accessibilité aux voitures d’occasion, besoins énergétiques plus importants et mobilité moins pratique.
La Commission estime que 80 à 120 Mds€ (de l’argent du contribuable) devront être consacrés aux chargeurs publics et privés dans toute l’UE d’ici 2040.
Des politiques à comparer avec d’autres déjà appliquées
Ce qui est intéressant, c’est le choix politique de l’Allemagne. En effet, le pays n’a interdit que les combustibles fossiles en tant que tels, laissant la porte ouverte aux fabricants de produits de substitution à l’essence synthétique pour prendre le marché – même si ces produits ne sont pas compétitifs actuellement.
Les organisations environnementales s’insurgent déjà contre le concept des carburants synthétiques, affirmant que leurs niveaux de pollution sont équivalents à ceux des combustibles fossiles classiques. Les producteurs ripostent : il semble clair qu’à l’heure actuelle, nous disposons de peu d’informations sur les impacts concrets à long terme, ou au moins il n’y a encore peu de données officielles. Cependant, nous avons déjà quelques données sur les voitures électriques.
La Norvège possède la plus grande flotte de véhicules électriques au monde par habitant, représentant 60 % de toutes les nouvelles ventes cette année. Dans son reportage sur le sujet, la radio publique américaine NPR écrit que « 10 732 [voitures vendues] étaient classées sans émissions ».
L’Institut d’économie des transports du Centre norvégien de recherche sur les transports expose l’ambition de réduction du dioxyde de carbone par la mobilité électrique.
« Pour ces véhicules, une transition massive vers des moteurs électriques peut entraîner une réduction allant jusqu’à 97% des émissions de CO2 et jusqu’à 76 % de la consommation d’énergie par unité de transport. »
En outre, plus de 95% de l’électricité norvégienne provient de l’hydroélectricité, dont 90% est de propriété publique. Cela n’est pas sans inconvénient. Alors que la consommation d’électricité augmente en Norvège, le secteur n’est pas en mesure de suivre la demande.
En 2018, le manque de précipitations et la faible vitesse du vent ont fait exploser les prix de l’électricité norvégienne au niveau de ceux de l’Allemagne (qui est toujours en train de sortir du nucléaire). La Norvège a alors dû recourir à l’énergie du charbon et a en fait connu une augmentation des émissions de CO2. Et ce, malgré le fait que le climat et la géographie de la Norvège la rendent idéale pour la production d’énergies renouvelables, ce qui n’est pas le cas de tous les pays.
Il est difficile d’imaginer que l’Union européenne prive une grande partie des citoyens de ce continent de leur mobilité individuelle, juste pour atteindre ses propres objectifs utopiques en matière de protection de l’environnement.
Si le mouvement des gilets jaunes est une indication de la façon dont les consommateurs réagissent à une intervention importante de l’Etat dans leur pouvoir d’achat, il est fort à parier que les réformes dans le secteur automobile ne laisseront pas les électeurs indifférents. Et que nous pourrons nous attendre à de nouvelles manifestations.