La Chronique Agora

FESF, eurobonds, BCE… Philipp Rösler est contre !

▪ Retenez bien ce nom : Philipp Rösler. Il est surnommé « Docteur No ». Il s’agit du ministre de l’Economie allemand, promu au rang de vice-chancelier par Angela Merkel ; il est également le chef du FDP (le parti libéral allemand, théoriquement allié de la CDU/CSU). Chaque fois qu’il s’exprime, les marchés plongent et les T-Bonds s’envolent.

Il a fait rechuter l’Euro-Stoxx 50 de 2% en l’espace de 45 minutes ce jeudi : il s’est déclaré opposé à l’effet de levier dont pourrait bénéficier le FESF, et que les marchés appellent de leurs voeux pour tenter d’enrayer la spéculation contre les dettes souveraines européennes.

C’est depuis le début de l’été le chef de file de la fronde anti-européenne. C’est lui qui torpille systématiquement tous les plans de sauvetage en faveur de la Grèce depuis le début de l’été. C’est lui qui s’impose comme le fer de lance contre la création des Eurobonds (nous ne sommes pas certains que la mutualisation des dettes soit une bonne idée dans les circonstances actuelles). Et c’est lui qui vient de redire son opposition à un FESF renforcé — non pas dans sa dotation mais bien dans sa capacité à emprunter auprès de la BCE.

Ancien chirurgien de formation, ce brillant orateur devenu chef de file du FDP a grimpé les échelons de la vie politique à une vitesse fulgurante pour atteindre la seconde plus haute marche de l’exécutif allemand en 2010. Accusé jusqu’au printemps dernier de mollesse par les membres de son propre camp, il a décidé de changer de posture, ce qui lui vaut désormais le surnom de Docteur No.

Afin d’enrayer la chute de son parti dans les sondages, il tente de rallier les voix des eurosceptiques et d’une fraction minoritaire mais toujours influente du patronat allemand. Il s’appuie idéologiquement sur les travaux d’un cercle d’économistes ultra-orthodoxes dont le membre le plus éminent n’était autre que Jürgen Stark, le chef économiste démissionnaire de la Bundesbank début septembre. Ce sont des députés de son parti qui avaient porté plainte début août auprès du Conseil constitutionnel contre la possibilité d’autoriser le gouvernement à soutenir la BCE dans ses rachats de dettes souveraines.

Le problème qui se pose aujourd’hui pour les marchés et Angela Merkel, c’est de déterminer si le Docteur No s’exprime encore au nom du gouvernement allemand ou en son nom personnel. Son point de vue est en effet devenu minoritaire au Bundestag, comme en témoigne le vote massif des parlementaires en faveur du FESF mis sur pied fin juillet.

Philipp Rösler espérait que les députés du FDP voteraient massivement contre le FESF (cela aurait pu représenter une vingtaine de voix dissidentes) mais ils n’ont été que trois à fronder ouvertement contre la chancelière. Après un désaveu aussi cinglant de la part de ses propres troupes, tout autre que Docteur No aurait fait profil bas. Il se serait abstenu de faire exactement le genre de déclaration que sanctionnent les marchés et qui s’avère embarrassante pour la coalition au pouvoir.

Même les Verts ont voté en faveur du FESF. Autrement dit, le dernier véritable opposant à Angela Merkel, c’est son ministre de l’Economie. Combien de temps va-t-il se maintenir à son poste ? S’il appartenait au gouvernement Sarkozy, il aurait été démissionné dès hier soir.

▪ En attendant, les places européennes n’ont pu transformer l’essai du débordement des résistances testées mardi après-midi (3 050 points sur le CAC 40, 2 220 sur l’Euro-Stoxx 50).

La séance de jeudi a bien failli bénéficier du scénario idéal : les places du Vieux Continent –modérément haussières durant plus de cinq heures — ont retrouvé de l’allant. Elles ont renoué avec leurs meilleurs niveaux depuis début septembre peu après la publication à 14h30 d’une révision à la hausse de la croissance américaine au deuxième trimestre.

Cette dernière ressort en hausse de 1,3%, contre 1% en précédente estimation… mais on en revient aux 1,3% initiaux : c’est juste moins pire que redouté par les marchés ces derniers temps.

Parallèlement, les inscriptions hebdomadaires au chômage ont reculé de 37 000, à 391 000 la semaine passée ; ils retombent sous la barre psychologique des 400 000, une première en un mois. Enfin, les reventes de logements anciens se sont avérées plus fortes qu’anticipé en août alors que les taux de refinancement hypothécaires ont atteint cette semaine un plancher historique autour de 4,05%.

▪ Autre élément technique positif, une confirmation d’un retour progressif de l’appétit pour le risque. Il se traduit par un euro qui poursuivait son redressement à 1,364 $, tandis que le baril de pétrole — en chute libre mercredi soir — reprenait 3 $ à 83,50 $. Nous avons abondamment commenté la chute des matières premières dans notre Chronique d’hier.

Il s’agissait de la deuxième correction majeure en l’espace de quatre séances (rappelez-vous du trou d’air de vendredi dernier), et nous n’avons pas trouvé d’explication convaincante. Nous avons bien recensé quelques éléments déclencheurs potentiels mais aucun n’a surgi par surprise pour casser le moral des investisseurs, soit par le biais d’une dégradation conjoncturelle mise en évidence par de nouveaux chiffres décevants, soit par le biais d’un rehaussement des dépôts de garantie sur les matières premières par le CME. Ils ont déjà été augmentés de 90% en cinq mois, pourquoi pas de 120% d’ici la fin de l’année… mais rien de neuf à signaler en la matière mercredi.

Reste le timing, qui n’est peut être pas anodin : les banques clôturent leurs comptes trimestriels ce vendredi et certaines supportent de lourdes pertes sur les actions européennes. Les gisements de profits sont peu nombreux du côté des actions au cours des trois ou six derniers mois écoulés… Les T-Bonds ont certes battu des records tout au long de l’été mais pas question de les vendre, faute de placements de sécurité alternatifs disponibles… Il ne reste donc guère de choix autre que de dégager des gains encore substantiels sur l’or et l’argent-métal.

En ce qui concerne les métaux industriels — et à moins de manipuler les cours sans vergogne comme le fait Goldman Sachs par le biais d’un stockage massif d’aluminium et de zinc dans des entrepôts aux Etats Unis –, leur détention n’apparaît plus très pertinente en ces temps de disette monétaire (pas de QE3 en vue de la part de la Fed), alors que les économistes s’interrogent sur le niveau de croissance dans les émergents à l’horizon 2013.

L’entame du quatrième trimestre lundi sera déterminante. Si les marchés déplorent une nouvelle cacophonie entre Européens au cours du week-end (si M. Rösler n’est pas invité à se taire, ce sera mauvais signe), et si les gérants ne reprennent pas position sur les titres massacrés depuis fin juin, cela prouvera que la peur reste leur principal moteur psychologique.

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