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Europe et Afrique : vers une coopération plus étroite ?

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Une fois que les gouvernements européens et africains se seront entendus pour mettre un terme aux flux migratoires illégaux, ils devraient envisager des liens économiques plus étroits.

Lorsqu’on leur a demandé s’ils pensaient que leurs enfants auraient un avenir meilleur ou pire que le leur, un sondage Gallup réalisé en 2022 a révélé que les Européens étaient les plus pessimistes par rapport aux habitants des autres continents. Fait remarquable, les plus optimistes étaient les habitants de l’Afrique subsaharienne.

Pourtant, les flux migratoires en provenance d’Afrique continuent de peser lourdement sur les pays européens, car des personnes désespérées paient d’énormes sommes d’argent à des passeurs dans l’espoir d’atteindre l’Europe et de faire venir des membres de leur famille par le biais du regroupement familial, qui est difficile à restreindre en raison des règles de l’Union européenne. Une fois en Europe, ces personnes se retrouvent généralement dans une situation désastreuse. Lorsqu’ils se voient refuser l’asile, les gouvernements européens s’efforcent souvent de les renvoyer.

La secrétaire d’Etat belge à la Migration, Nicole de Moor, s’est récemment plainte que les tentatives de retour des migrants résidant illégalement en Belgique sont « perturbées par les pays d’origine qui ne coopèrent pas […], en particulier en Afrique du Nord ». Elle ajoute qu’elle s’est rendue au Maroc, en Tunisie et en Égypte, mais que « cela n’a pas de sens que je joue le mauvais flic là-bas, alors que d’autres départements gouvernementaux sont capables de jouer le bon flic là-bas, lorsqu’il s’agit d’investissements étrangers, d’aide au développement ».

Jusqu’à présent, lier l’aide au développement à l’obligation d’accueillir ses citoyens reste un tabou au niveau politique de l’UE, sans parler de l’approche australienne en matière d’immigration. Dans ce cadre, toute personne entrant illégalement sur le territoire de l’UE verrait sa demande d’asile traitée en dehors du territoire de l’Union, afin de briser les reins de la mafia des passeurs de clandestins. Un jour ou l’autre, la sagesse viendra peut-être, mais pour y parvenir, une coopération plus étroite avec les pays africains sera inévitable.

Potentiel économique

Malgré tous les problèmes dont souffre encore l’Afrique, nombreux sont les Occidentaux qui sous-estiment le potentiel économique du continent. Pourtant, dans un rapport datant de novembre 2021, Ernst & Young a qualifié l’Afrique de « destination attrayante pour les investissements, sa population jeune et ses vastes ressources naturelles lui conférant un potentiel de croissance et d’innovation énorme », tout en ajoutant qu’une « réforme économique rapide » et une « bonne gouvernance » sont cruciales pour y parvenir.

Le rapport souligne que la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA), qui est entrée en vigueur en 2021, est un développement prometteur, tout en déplorant que « dans les neuf mois qui ont suivi l’entrée en vigueur de la ZLECA, la mise en œuvre a été inégale, de nombreux membres étant réticents à réduire les droits de douane et à exposer ainsi leurs entreprises locales ».

Le cabinet mondial de comptabilité et de conseil Rödl a souligné en 2019 que « les 55 pays d’Afrique ont pris le devant de la scène dans le programme d’investissement mondial ».

Investissements européens

Actuellement, les investisseurs allemands et français sont les plus grands investisseurs privés de l’UE en Afrique. Récemment, la société de développement de projets Gauff, basée en Allemagne, et une autre société allemande, Conjuncta, se sont associées à la société d’Etat angolaise Sonangol pour produire de l’hydrogène vert en utilisant une partie de l’électricité produite par l’usine de Lauca. Ce projet d’un milliard d’euros est censé approvisionner l’Europe en gaz sans carbone.

Il ne s’agit toutefois que d’une petite partie des activités de l’entreprise.

En juin dernier, le gouvernement angolais a annoncé qu’il privatisait sa compagnie pétrolière nationale afin de « créer un opérateur pétrolier et gazier léger et compétitif au niveau international ». Mais la vente des parts de l’État dans la société avait déjà commencé en 2021, lorsque l’Etat a mis en vente 30% de sa participation. La société, qui emploie 13 000 personnes, est l’unique revendeur d’hydrocarbures liquides et gazeux en Angola. Elle a été évaluée à 51,5 Mds$.

L’année dernière, le chancelier allemand Scholz a souligné l’importance d’une collaboration étroite avec les Etats africains, déclarant : « Nos relations sont d’une importance stratégique pour les deux parties. »

La récente série de coups d’Etat, qui a principalement porté atteinte au poids géostratégique de la France, pourrait à cet égard constituer un signal d’alarme. Il est évident que toute forme de néocolonialisme est idiote, mais essayer de maintenir les pays africains sur une base amicale en tant que partenaires devient de plus en plus important, compte tenu de la croissance démographique rapide sur le continent.

Obstacles et opportunités

L’Afrique est démographiquement le plus jeune de tous les continents. L’internet rapide s’est avéré crucial pour soutenir la croissance économique.

Les deux tiers du monde, dont une grande partie de l’Afrique, en sont encore privés, ce qui signifie que les perspectives de croissance du continent ne peuvent qu’être sous-estimées. Selon une estimation de Google et de l’IFC, l’économie africaine de l’internet pourrait atteindre 180 Mds$, soit environ 5,2 % du PIB du continent, d’ici à 2025.

Il est clair que les économies africaines ont encore des obstacles majeurs à surmonter, de la corruption à l’analphabétisme en passant par la guerre, mais ces obstacles sont tous bien documentés. Les opportunités et les chances de croissance économique rapide de l’Afrique sont beaucoup moins appréciées. Une fois que les gouvernements européens et africains se seront entendus pour mettre un terme aux flux migratoires illégaux, ils devraient en même temps envisager des liens économiques plus étroits.

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