En 1992, les Etats-Unis étaient au sommet du monde. Grâce aux nouvelles politiques de la Chine et de la Russie, ils auraient pu consolider leur position – sans dette, sans enchevêtrement.
« Il a été comme une brebis qu’on mène à l’abattoir comme un agneau qui reste muet devant celui qui le tond. » – Actes 8: 26-40.
L’année 1992 est l’une des dates clés pour comprendre comment nous en sommes arrivés là.
C’est l’année où Francis Fukuyama a écrit son célèbre essai, et s’est demandé s’il s’agissait de la « fin de l’Histoire ». L’Occident triomphait. Plus besoin d’Histoire, plus besoin d’expériences. Plus besoin d’apprendre, d’évoluer… ou de s’interroger.
Des guerres ? Des révolutions ? De nouveaux systèmes de gouvernement ou d’économie ? Tout cela appartenait au passé. Nous avions trouvé la formule gagnante.
En regardant dans le rétroviseur, à l’époque, la suite des événements semblait évidente. Tout le monde voulait être comme nous. Ils deviendraient tous des Occidentaux. La Chine apprenait déjà très rapidement. Suivant le modèle établi par le Japon, elle construisait une économie axée sur l’exportation, en vendant des produits bon marché, en acquérant de l’expertise et des capitaux et en développant ses secteurs manufacturiers.
Toutes ces exportations ont contribué à maintenir les prix à la consommation américains à un niveau bas et ont permis à la Chine d’avoir l’argent nécessaire pour acheter des obligations américaines. Et pourquoi ne le feraient-ils pas ? Tout le monde savait qu’il s’agissait de l’actif le plus important et le plus sûr au monde.
Poutine, capitaliste ?
A l’époque, la Russie venait tout juste de redevenir la Russie. L’Union soviétique, avec sa planification centrale et ses contrôles économiques étouffants, ne pouvait tout simplement pas rivaliser. Ses initiés ont regardé l’Allemagne de l’Ouest de l’autre côté de la frontière et ont voulu ce qu’ils ont vu. Ils ont compris qu’il valait mieux posséder les moyens de production – en tant que capitalistes – que de continuer à les contrôler en tant que bureaucrates. Ils ont renoncé à être des apparatchiks dans le système soviétique et sont devenus des oligarques dans le nouveau système « occidental ». Vladimir Poutine a même pensé que la Russie pourrait rejoindre l’OTAN.
Le problème pour les oligarques est que l’Union soviétique ne produisait que très peu de biens ou de services susceptibles d’être achetés par les Occidentaux. Tout ce qu’elle possédait, c’était des matières premières et de l’énergie. Mais avec la carotte du profit devant eux, plutôt que le fouet communiste sur le dos, les oligarques ont fait tourner les mines et les puits à plein régime… et ont rapidement fait baisser les prix des ressources de base.
La menace soviétique écartée, les Etats-Unis pouvaient profiter des « dividendes de la paix » et réduire leurs dépenses militaires de plusieurs centaines de milliards. Les oligarques inondant le monde de matières premières bon marché et les Chinois produisant des produits finis bon marché, l’Occident n’a jamais été aussi bien loti. Ses coûts de consommation baissaient, tandis que le prix de ses actifs augmentait. Laissons les autres transpirer, pensaient-ils, et imprimons des dollars.
Colosses de l’abondance… titans de la justice et de la bonté… Goliath de la puissance militaire – les Etats-Unis et tout leur royaume ont connu la gloire pendant une décennie enchantée. La tendance primaire était à la hausse pour les actifs financiers, et les décideurs politiques en Chine, en Russie et aux Etats-Unis ont contribué à maintenir ce boom.
Mais ils ont également jeté les bases de la prochaine tendance primaire.
Les Etats-Unis auraient pu profiter de cette période « Boucles d’or » pour accroître leur épargne, moderniser leurs institutions et améliorer leurs infrastructures. Au lieu de cela, après 1999, leurs décideurs – peut-être guidés par une « main invisible » pour faire descendre l’empire d’un cran – ont commis certaines des erreurs politiques les plus stupides et les plus désastreuses de l’Histoire des Etats-Unis.
Pas de dividende de la paix
Les dépenses militaires ont en fait augmenté. Il n’y a pas eu de « dividendes de la paix ». Au lieu de cela, il y a eu des appels de fonds pour financer une invasion scandaleuse de l’Irak et une guerre grotesque contre le terrorisme. Puis, en 2009, les autorités fédérales (y compris la Fed elle-même) ont renfloué Wall Street et ramené les taux d’intérêt en dessous de zéro (corrigés de l’inflation) et les ont laissés en l’état pendant plus de dix ans.
Comme si cela ne suffisait pas, des barrières commerciales ont été mises en place pour ralentir les importations chinoises. Des sanctions ont été imposées sans retenue, affaiblissant le système de paiement international basé sur le dollar. Et des milliers de milliards de dollars ont été gaspillés pour financer des guerres à l’étranger et des chèques de relance à l’intérieur du pays.
En 1992, les Etats-Unis disposaient d’une opportunité remarquable. Ils étaient déjà au sommet du monde. Grâce à de nouvelles politiques en Chine et en Russie, ils auraient pu consolider leur position – sans dette, sans conflit, en paix et plus prospères que jamais.
Au lieu de cela, le pays s’est lancé dans des guerres et des dépenses déficitaires qui ont alourdi sa dette de 30 000 milliards de dollars. Et maintenant, sa politique intérieure est la risée de tous, sa politique étrangère est une honte et, tandis qu’il s’est enchaîné à un boulet de 34 000 milliards de dollars, le pays est piégé par une nouvelle et impitoyable tendance primaire. Les prix de ses actifs baissent alors que les prix à la consommation augmentent, son économie ralentit alors que ses obligations financières s’accélèrent.
Et une grande partie du reste du monde, qui observe la catastrophe en « temps réel », s’engage à ne pas le suivre. Au contraire, il est impatient de se « désoccidentaliser ».