La Chronique Agora

Les Etats-Unis, en péril sur la mer

Endettés jusqu’au pont supérieur, républicains comme démocrates refusent de jeter l’eau hors du navire. Cap sur l’iceberg ?

Bon voyage !

Un homme en fauteuil roulant, poussé par sa femme aux cheveux grisonnants, entre dans le réfectoire. Des centaines de personnes du même âge sont déjà en train de dîner. Les membres du personnel, presque tous originaires des Philippines, se précipitent d’une table à l’autre.

Nous sommes sur le chemin du retour, vers l’Irlande.

Et nous repartons à l’ancienne… non pas dans les airs, mais sur les flots. Le Queen Mary quittait New York à un moment opportun, alors nous avons embarqué.

Voici la vue au moment de larguer les amarres, depuis le terminal maritime de Brooklyn.

© Bill Bonner

Vous arrivez au terminal. Des bagagistes prennent rapidement vos affaires, tandis que vous rejoignez une longue file de personnes qui attendent de passer la sécurité et de s’enregistrer. Ce n’est pas une expérience de luxe. La situation aurait peut-être été différente si nous avions opté pour l’une des suites du pont supérieur. Mais elles n’étaient plus disponibles, alors nous avons fait la queue.

Une fois à bord, l’ambiance n’est pas non plus au beau fixe. Le décor est vaguement art déco, mais un peu criard ; il nous rappelle Las Vegas, avec ses couleurs vives, ses colonnes et ses escaliers surdimensionnés à la Trump. Les cabines (à 2 200 $) sont petites, mais confortables.

Le prix semble assez bas pour une croisière de huit jours. Mais on note assez vite qu’il existe de nombreuses façons de dépenser notre argent à bord.

Le restaurant principal est une immense salle où vous êtes assis à de grandes tables avec d’autres voyageurs. Certaines personnes apprécient cette approche communautaire. Ils se font des amis et apprécient la compagnie, se donnant rendez-vous pour boire un verre ou jouer aux cartes plus tard.

Votre rédacteur en chef fait cependant un piètre compagnon de table. Les autres s’intéressent rarement au déclin du défunt empire dégénéré (lui non plus, mais c’est son seul sujet de conversation).

Nous serons sur le bateau pendant huit jours, en route pour Southampton, au Royaume-Uni.

En attendant…

Lorsque votre bateau coule, vous pouvez soit le vider, soit le renflouer. Réduire les dépenses ou augmenter les revenus. Lorsque l’on est trop endetté, ce sont les deux seuls choix possibles.

Aucun d’entre eux ne plaît aux républicains, ni aux démocrates. Dépenser plus qu’ils ne peuvent se permettre est devenu une habitude, et ils ne veulent pas y renoncer. Cela leur permet d’obtenir des votes, des contributions aux campagnes électorales, et des sinécures.

Mais la catastrophe approche, et ils ne font rien pour vider l’eau du bateau. Alors que les dépenses augmentent, Donald Trump réduit les impôts. Le Comité pour un budget fédéral responsable rapporte :

« La prolongation des réductions d’impôts alourdirait la dette de 37 mille milliards de dollars d’ici 2054

Dans une lettre récente, le Congressional Budget Office (CBO) a estimé que la prolongation et la relance de diverses dispositions de la loi sur les réductions d’impôts et les emplois (TCJA) augmenteraient la dette au cours de l’année fiscale 2054 de 166% du produit intérieur brut (PIB) selon la base de référence de mars 2024 du CBO à 214% du PIB, sur une base dynamique.

Sur la base de ces estimations, nous constatons que l’extension du TCJA ajouterait plus de 37 000 milliards de dollars à la dette au cours des 30 prochaines années, dont 4 500 milliards de dollars au cours des dix prochaines années et 15 000 milliards de dollars au cours des 20 prochaines années. En dollars réels de 2031 – corrigés de l’inflation pour être à peu près comparables au score de dix ans – nous estimons que les extensions ajouteraient 23 500 milliards de dollars au déficit au cours des trois prochaines décennies, soit l’équivalent de 2,4% du PIB. »

Comment cela peut-il avoir un sens ?

Les politiciens doivent avoir des lunettes roses de qualité pour protéger leurs yeux fragiles du danger flagrant. Ils affirment que les réductions d’impôts, ainsi que la baisse des prix du pétrole due à leur politique énergétique « Drill Baby, Drill« , augmenteront suffisamment les taux de croissance pour compenser. Oui, un nouvel âge d’or est bientôt à nos portes.

Ou peut-être pas. En ce qui concerne la croissance, le « Congressional Budget Office » de Washington a des doutes. Associated Press rapporte :

« La faible croissance démographique et l’augmentation des dépenses publiques se traduiront par un ralentissement de la croissance économique globale au cours des 30 prochaines années, a déclaré jeudi le Congressional Budget Office (CBO), un organisme non partisan.

Le dernier rapport du CBO sur les perspectives budgétaires et économiques à long terme – pour une période allant de 2025 à 2055 – prévoit que la dette publique atteindra 156% du produit intérieur brut (PIB) en 2055. Ce chiffre est en baisse par rapport aux projections budgétaires à long terme de mars 2024 de l’agence, qui indiquaient que la dette publique équivaudrait à un niveau record de 166% de l’activité économique américaine en 2054.

La combinaison d’une croissance démographique plus lente et de dépenses illimitées se traduira également par une croissance économique plus faible au cours des trois prochaines décennies que ce que le CBO prévoyait l’année dernière. La baisse des taux de natalité signifie également que les Etats-Unis vont devenir plus dépendants des immigrants, qui travaillent pour soutenir la croissance. »

Voyons voir… Baisse des recettes fiscales, baisse de la croissance, augmentation de la dette. Que penser de tout cela ?

Nous n’en parlerons à personne ici sur le bateau. Mais il semble que nous serons bientôt tous « en péril sur la mer ».

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