La Chronique Agora

En Grèce comme ailleurs, l’austérité ne semble pas améliorer la crise économique

▪ Ceci est notre dernière chronique — jusqu’au 17 avril 2012.

Sur quels mots bien choisis pouvons-nous vous laisser ? Que pensez-vous de « si », « mais » et « peut-être » ?

Oui, cher lecteur, si tout continue à se traîner comme aujourd’hui… peut-être que le système financier mondial sera encore là à notre retour.

Nous l’espérons, en tout cas. Cela fait des années que nous attendons d’assister à l’effondrement final du système de monnaie bidon. Nous ne voudrions pas le manquer !

Mais on ne sait jamais. Pour autant que nous en sachions, le système s’effondre en ce moment-même… juste sous nos yeux. Simplement, nous sommes incapable de le reconnaître.

Prenez ces nouvelles publiées par l’Associated Press cette semaine. Elles prouvent que le Carême est mauvais pour la santé :

« Loin de chuter, les dettes augmentent plus rapidement dans les pays européens qui ont mis en place les programmes d’austérité les plus draconiens, selon le Global Economy Tracker d’Associated Press, qui suit la performance de 30 économies majeures. Les chiffres confirment ce que disent de nombreux analystes : l’austérité n’est pas seulement douloureuse, elle peut-être contre-productive, voire augmenter la charge de dette d’un pays ».

« De nombreuses personnes craignent que les réductions de dépenses ne poussent l’Europe dans une spirale de défaite : des dettes en hausse mènent à une austérité plus dure, une aggravation de l’instabilité sociale et des problèmes économiques plus profonds. Les gouvernements pourraient avoir encore plus de mal à payer leurs factures ».

« La douleur est déjà intense. Le taux de chômage du Portugal a atteint le record de 14% à la fin de l’année dernière. L’économie irlandaise s’est contractée de 1,9% entre juillet et septembre 2011 — un chiffre pire que prévu. Quant à la Grèce, elle a rapporté que son économie déjà souffrante s’était réduite de 7% entre octobre et décembre de l’année dernière ».

« ‘Ce n’est pas une situation saine’, déclare Peter Morici, économiste à l’Uuniversité du Maryland. Selon un accord approuvé mardi par les 17 pays qui utilisent l’euro et le Fonds monétaire international, la Grèce recevra un renflouage de 172 milliards de dollars en l’échange d’une nouvelle dose d’austérité qui inclut le licenciement de 15 000 fonctionnaires et une réduction du salaire minimum de 22% ».

« – Le Portugal a réduit ses retraites, diminué les salaires des fonctionnaires et augmenté les impôts dès 2010. Pourtant, au troisième trimestre 2011, la dette gouvernementale se montait à 110% du PIB. Une hausse par rapport aux 91% de l’année précédente ».

« – En Irlande, les salaires des classes moyennes ont été réduits de 15% et la taxe sur les ventes augmentée à 23% (le plus haut de l’Union européenne). Mais sa dette représentait 105% de la production économique au troisième trimestre de l’année dernière ; une année auparavant elle était à 88% ».

« – En Grande-Bretagne, le Premier ministre David Cameron a joué son avenir politique sur son plan d’austérité. Les ratios de dette gouvernementale ont toutefois atteint les 80% au troisième trimestre 2011, en hausse par rapport aux 74% d’il y a un an. Et ce mois-ci, Moody’s a abaissé ses perspectives sur la précieuse notation AAA de la Grande-Bretagne, passant de ‘stables’ à ‘négatives’. »

« – En Grèce, deux ans de programmes d’austérité ont dévasté le pays et déclenché des émeutes. Malgré cela, la dette gouvernementale atteignait le taux alarmant de 159% du PIB national au troisième trimestre 2011 — en hausse par rapport aux 139% de l’année précédente ».

▪ De l’eau au moulin des économistes grand public
Quelle chance ! Cela fournit des arguments tout prêts aux économistes et décideurs adeptes des dépenses. Avant, ils affirmaient que a) les dépenses supplémentaires et les gros déficits étaient des mesures de « relance » — censées améliorer les choses.

Désormais, ils peuvent prouver que b) réduire les dépenses est mauvais pour une économie. Cela aggrave son état… sans vraiment réduire la dette.

S’ils ne peuvent gagner sur A, ils ne peuvent perdre sur B.

Nous ne voulons pas exagérer l’importance de tout ça. Mais tout se passe comme si Mardi Gras était bon pour la santé. L’austérité ne fonctionne pas. Les dépenses améliorent la situation. Ne pas dépenser l’aggrave. C’est comme si le côté « débit » avait été effacé. Tout n’est que crédit, en d’autres termes. Oubliez les débits. C’est comme si nous pouvions tous avoir la vie éternelle sans jamais mourir.

Peut-être pourrait-on démontrer qu’il en va de même pour les régimes. Peut-être pourrait-on prouver que réduire l’alimentation fait en réalité prendre du poids ! Il n’y aurait alors qu’un pas à franchir pour conclure qu’il faut manger plus !

▪ Où sont les leçons du passé ?
On dirait parfois que depuis le début du XXI siècle, tous les événements ont été prétexte à supprimer les obstacles contre les catastrophes — le bon sens, la prudence, les traditions, les règles, les principes et les leçons — appris à un coût si élevé durant tant de siècles. Comme des exemplaires jamais ouverts de La Richesse des nations ou de l’Histoire de la décadence et de la chute de l’Empire romain, ils sont jetés à la poubelle. Aucune tache de l’histoire ne vient souiller l’esprit vierge du nouveau siècle.

Ledit siècle s’est ouvert sur la doctrine de « guerre préventive » de George W. Bush — qui contredisait tout ce que les nations avaient appris au cours des 2 000 années précédentes. Même les Romains y réfléchissaient à deux fois avant d’entrer en guerre sans qu’on les ait provoqués. Non que l’attaquant ne puisse pas gagner de temps à autre. Mais il met les dieux contre lui ; il finit par être puni… souvent brutalement. Nous l’avons vu il y a seulement sept décennies, quand les pays agresseurs de la Deuxième Guerre mondiale — l’Allemagne, l’Italie et le Japon — ont été écrasés. A présent, l’agresseur, c’est les Etats-Unis. Les gentils peuvent-ils être les méchants ? Nous n’en savons rien, mais il nous semble voir les dieux se ranger de l’autre côté.

Il était également établi de longue date que l’état de droit est plus confortable et agréable que le règne de l’homme. Le droit est prévisible. Le droit est juste.

Les hommes, eux, sont enclins aux préjugés, à la perfidie et aux luttes de pouvoir. Pour ce qui concerne une question aussi importante que la guerre, par exemple la plus haute autorité des Etats-Unis — la Constitution — dit très clairement qu’il faut suivre la loi. Le Congrès doit réfléchir, débattre et décider.

Mais cette loi est passée par la fenêtre il y a longtemps. Au XXI siècle, elle a été oubliée purement et simplement. A présent, le président peut décider lui-même quand et comment gaspiller le trésor du pays ainsi que la vie de ses jeunes gens. L’Irak, l’Afghanistan, la Libye… le Soudan… le Pakistan… où étaient les déclarations de guerre ? Qui s’en soucie ? Elles ne faisaient qu’empêcher la catastrophe, de toute façon.

▪ Et pendant ce temps, dans le monde de l’argent…
Mais notre sujet, c’est d’argent. Dans le monde de l’argent aussi, les contraintes qui empêchaient les gens de basculer dans la faillite et la ruine ont été supprimées.

Autrefois, les dirigeants gouvernementaux avaient honte des déficits. Maintenant, ils en sont fiers.

Autrefois, les économistes, les ministres de finances et les ménages essayaient d’éviter les dettes ; à présent, ils les accueillent à bras ouverts.

Autrefois, un banquier central qui créait de l’argent « à partir de rien » était châtré en place publique ; à présent, sa virilité augmente en même temps que la masse monétaire.

Autrefois, un banquier qui prêtait de l’argent à un taux inférieur à l’inflation était considéré comme un idiot ; à présent, il est traité comme un héros.

Autrefois, nous étions heureux… jeune… beau… A présent… ah, oubliez ça.

C’est tout pour aujourd’hui… A bientôt !

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