La prolifération de faillites ne présage rien de bon pour les Etats-Unis. Surtout quand de nombreuses petites banques voient leurs clients retirer de plus en plus de fonds.
En fonction de leur catégorie, les entreprises américaines affichent des trajectoires économiques en « gueule d’alligator ».
La mâchoire supérieure représente de grosses entreprises – listées sur le Nasdaq-100 ou le S&P 500 – dopées par la mise en œuvre de l’IRA, le plan de mesures anti-inflation de Biden. Celui-ci entraîne en effet un effort de relocalisation de la production industrielle sur le sol américain… mais dans des usines désormais largement automatisées.
De façon assez spectaculaire, au Mexique, la mâchoire inférieure représente une foule d’entreprises – listées au sein du Russell 2000, l’indice des PME, ou, le plus souvent, non cotées – qui déposent le bilan parce que leur clientèle n’a « plus les moyens ». Parce que les taux sont trop élevés, et parce que des pans entiers du secteur immobilier se retrouvent dans des conditions pires qu’en 2008/2009.
Les Etats-Unis subissent déjà plus de faillites qu’en 2018 (une année où la Fed s’était essayée à la hausse des taux et au « quantitative tightening »), et un secteur en particulier émet des signaux d’alerte dont Wall Street ne semble pas tenir compte. Beaucoup de banques régionales sont en grande difficulté. Une étude évoque un chiffre proche de 200 Mds$, et certains établissements revendiquent jusqu’à 500 Mds$ de dépôts, un montant quasi systémique.
Les retraits de gros déposants s’accélèrent de nouveau depuis début septembre : 70 Mds$ sont partis de certains comptes en banque entre le 3 et le 9 septembre, à l’initiative de clients fortunés ou d’entreprises qui redoutent le gel de leurs avoirs. Pour les petites banques, c’est autant de fonds propres en moins, alors même que les « incidents » de crédit atteignent des sommets.
Croissance à crédit
Le taux de défaut n’est certes pas encore très alarmant (cela n’a rien à voir avec la fin de l’été 2008), mais la trajectoire est très mauvaise et rappelle les prémices d’une crise du crédit, comme on l’observait début 2008.
Car, en panne de fonds propres, beaucoup de banques ne peuvent plus soutenir les emprunteurs les plus fragiles et gros consommateurs de cash, d’où la prolifération des faillites.
Quant à l’Etat américain, s’il peut se targuer du succès de ses mesures anti-inflation – mais surtout anti-concurrentielles dont la Chine et l’Europe en font les frais –, il ne faut pas oublier que la croissance américaine reste financée 100% à crédit… et même 150%.
Et ce crédit n’est rendu possible que par la captation de l’épargne mondiale, attirée par un rendement de 5,50%. Un taux qui se révèle être asphyxiant à moyen terme pour l’économie américaine elle-même, avec un coût de la dette fédérale (32 962 Mds$) qui s’envole au-delà des 1 000 Mds$ par an.
Ce montant dépasse déjà de près de cinq fois la richesse additionnelle créée par la machine économique américaine chaque année. Dit autrement, les Etats-Unis payent plus d’intérêts qu’ils n’ajoutent de PIB avec une croissance bridée à 2% – dans l’hypothèse la plus favorable d’ici fin 2023.
Le PIB du secteur des services, qui représente 14 423 Mds$ sur un PNB total de 20 500 Mds$, n’a progressé que d’à peine 100 Mds$ sur 12 mois, tandis que le poids de la dette a doublé de 500 à 1 050 Mds$ dans le même temps.
Et si beaucoup d’entreprises américaines investissent dans de nouvelles unités de production « locales », il faudra se poser à un moment la question de « qui » achète cette production. Est-ce un consommateur surendetté et qui se voit refuser – dans plus de 30% des cas désormais – une extension du plafond d’emprunt sur sa carte de crédit ?
D’ailleurs, ces cartes de crédit représentent une « facilité de caisse » facturée désormais près de 25%… c’est à dire un taux digne d’une « grande crise économique », quand la banque n’a plus aucune confiance dans l’emprunteur.
Wall Street devrait s’effarer du constat que « nous en sommes là ». Mais les 100Mds$ déposés chaque matin au « guichet des urgences » par la Fed pour permettre à des centaines de banques de survivre un jour de plus entretient l’illusion que le Titanic continue de fendre fièrement les flots, au sein d’un océan de dettes.