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Donald Trump va gagner l’élection présidentielle US

trump vs biden

Joe Biden creuse l’écart dans les sondages… mais une petite nuance statistique méconnue montre que la course est loin d’être jouée d’avance.

Donald Trump semble en difficulté aux Etats-Unis… et cela se répercute sur sa cote de popularité. Pour autant, une victoire de Joe Biden est-elle certaine en novembre ?

Certaines recherches scientifiques – très convaincantes – portant sur les sondages disent que Trump va gagner. Pour comprendre ces recherches, il faut de bonnes connaissances en statistiques et calcul intégral. Mais dans mon service Intelligence Stratégique, j’explique cela en termes simples et faciles à comprendre.

Allons-y…

Depuis les années 1940, les sondeurs posent la question suivante : « si l’élection avait lieu aujourd’hui, pour qui voteriez-vous ? » C’est une question récurrente, lors des campagnes électorales, et qui relève d’une pratique appelée « horse race » (course de chevaux). La réponse à cette question est celle qui fait les gros titres et est commentée.

Mais les sondeurs posent ensuite une deuxième question : « indépendamment du candidat pour lequel vous avez l’intention de voter, à votre avis, qui va gagner la prochaine élection ? »

La première question (« pour qui allez-vous voter ? ») porte sur l’intention de vote. La deuxième question (« à votre avis, qui va gagner ? ») porte sur l’anticipation.

Une énorme erreur

Autant la question portant sur l’intention de vote suscite énormément d’attention, autant celle qui porte sur l’anticipation en suscite très peu. Après tout, si vous savez pour qui la personne va voter, qui se soucie de ce que, selon elle, les autres vont faire ?

En fait, c’est une énorme erreur que de négliger cette question portant sur l’anticipation. Sur les centaines d’élections qui se sont déroulées depuis des décennies, la question portant sur l’anticipation est bien plus précise, pour prédire les résultats, que la question portant sur l’intention de vote.

La raison l’expliquant est un peu contre-intuitive, mais voici pourquoi c’est vrai : lorsque vous répondez à la question portant sur l’intention de vote, vous représentez un échantillon d’une personne. Si l’on pose la question à 1 300 personnes, la dimension de l’échantillon est de 1 300 personnes. Selon les sondages traditionnels, il faut 1 300 sondés pour obtenir un sondage précis. La marge d’erreur de ce sondage est de plus ou moins 3%.

J’ai participé à la réalisation de sondages pour les campagnes présidentielles et je sais à quel point il est difficile et coûteux de faire en sorte que 1 300 personnes répondent à une série de questions détaillées. Beaucoup de sondeurs se servent d’échantillons plus modestes, voire de quelques centaines de sondés seulement. Avec un échantillon plus modeste, la marge d’erreur augmente.

La différence entre intention et anticipation

A présent, songez à la réponse à la question portant sur l’anticipation. Vous ne demandez pas seulement à l’électeur ses intentions de vote, vous lui demandez ce qu’il anticipe, en se basant sur les actions probables des personnes qu’il connaît. Cet entourage social comprend les membres de la famille, les voisins, les collègues et mêmes de parfaits inconnus avec qui il peut avoir parlé politique.

Ainsi, soudain, lorsque vous demandez à une personne le résultat qu’elle anticipe, l’échantillon passe d’une personne à 20, 50, 100 ou même plus, en fonction du réseau relationnel de la personne en question.

Voici l’information clé : la question portant sur l’anticipation englobe aussi l’intention de vote de la personne qui répond à la question. Autrement dit, lorsque vous posez la question portant sur l’anticipation, vous obtenez la réponse à cette question et bien plus encore.

En langage statistique, la question portant sur l’anticipation est « riche en informations ». Avec elle, vous augmentez de fait la dimension de l’échantillon, qui passe d’une personne à – disons – 50 personnes. Si votre échantillon est de 1 300 sondés et que le réseau relationnel de chaque sondé est de 50 personnes, en moyenne, alors la dimension de l’échantillon représente 65 000 personnes.

Cet échantillon bien plus vaste signifie que la marge d’erreur est bien plus faible, et que la prévision est bien plus précise.

Evidemment, dans la plupart des cas, la question portant sur l’intention de vote et celle portant sur l’anticipation prédisent le même vainqueur, même si la question relative à l’anticipation enregistre un meilleur résultat prédictif, globalement.

C’est logique : dans le contexte d’une élection avec victoire écrasante, comme celles de Lyndon Johnson en 1964 ou de Ronald Reagan en 1984, le vainqueur ressortait dans les deux réponses.

Là où cela devient intéressant, c’est quand un candidat est en tête des sondages sur la question de l’intention de vote, mais que son adversaire est en tête des sondages sur la question de l’anticipation. Dans les faits, un sondé déclare « je vote pour A, mais je pense que B va gagner ».

Que se passe-t-il ensuite ? 

Les données sont limpides. Voici ce que les économistes Rothschild et Wolfers déclarent dans un article sur le sujet :

« Dans les 77 cas où les questions portant sur les intentions de vote et l’anticipation ont fait ressortir des candidats différents, la question portant sur l’anticipation a fait ressortir le gagnant 60 fois alors que la question sur les seules intentions de vote l’a fait ressortir 17 fois. Donc, dans 78% des occasions où ces deux approches étaient contradictoires, les données relatives aux anticipations ont été correctes. »

Or devinez quoi ? C’est exactement la situation dans laquelle se trouvent les Etats-Unis, actuellement.

La réponse moyenne à la question des intentions de vote fait ressortir Biden avec une avance de 49,4% à 42,0% sur Trump. Mais, en moyenne, la réponse portant sur l’anticipation fait ressortir Trump avec une avance de 55% à 45% sur Biden.

Les études montrent que la question portant sur l’anticipation offre une prévision qui est juste dans 78% des cas où les deux sondages sont contradictoires. En rassemblant les données et en se servant des meilleures méthodes scientifiques disponibles, Trump serait favori et battrait Biden, selon les derniers sondages.

Ceci étant dit, dire que Trump va gagner, aujourd’hui, ne revient pas à dire qu’il gagnera réellement en novembre. Trois mois, c’est toute une vie, dans le domaine de la politique (plusieurs vies, en fait). Enormément de choses peuvent changer d’ici là.

Trump a l’avantage financier, en ce moment, mais Biden excelle en matière de levées de fonds, et il pourrait combler cet écart. L’économie semble rebondir, mais une deuxième vague de licenciements pourrait arriver si les dépenses de relance du Congrès US s’épuisent en août. Une deuxième vague du virus, plus létale, pourrait surgir et stopper l’économie pour la deuxième fois en six mois. Chez les deux candidats, des bourdes verbales et des scandales dissimulés pourraient surgir à tout instant.

La liste des crises potentielles est longue, en plus de la pandémie et de la dépression. Les troubles sociaux et les émeutes pourraient s’aggraver.

La Chine s’étend dans toutes les directions et pourrait précipiter un conflit armé à Taïwan, en mer de Chine méridionale ou avec l’Inde. L’Iran souffre du sabotage de ses infrastructures cruciales et pourrait riposter à tout moment. Le Liban s’effondre et pourrait devenir un désastre humanitaire affectant six millions de personnes. La Turquie avance et la Russie lui fait obstacle.

Sans parler d’une nouvelle pandémie, d’une catastrophe naturelle ou d’une accélération rapide des troubles cognitifs de Biden. Tout peut arriver.

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