Une chute radicale du dollar enlèverait une belle épine du pied des autorités américaines. Le problème, ce sont les conséquences sur le reste des gens…
Aujourd’hui, nous nous concentrons sur l’inflation.
« L’inflation » peut recouvrir plusieurs choses. Il y a l’inflation monétaire, où les autorités augmentent la quantité de monnaie en circulation. Il y a l’inflation des actifs, où cet argent supplémentaire fait grimper les cours des actions et des obligations. Et il y a l’inflation des prix à la consommation, qui fait grimper le coût de la vie pour les ménages.
Généralement, personne ne se soucie de la première ; les gens aiment la deuxième et détestent la troisième. Toutes, cependant, reviennent à la même chose : « imprimer » de l’argent et l’utiliser pour arnaquer quelqu’un.
Comme la contrefaçon, l’impression monétaire par les autorités est une opération gagnant-perdant. Certains y gagnent, d’autres y perdent.
Comme vous l’aurez compris en lisant nos questions d’hier, les gens aux commandes de cette opération de contrefaçon (le gouvernement US) sont largement shorts – vendeurs – sur le dollar et les obligations US. C’est-à-dire qu’ils sont les plus gros débiteurs au monde… ayant le plus à gagner d’un déclin de la valeur du dollar.
Ils ont 23 000 Mds$ de dettes en cours, libellées en dollars. Divisez la valeur du dollar par deux, cela leur donne un gain de 11 500 Mds$. Mieux encore, générez de l’inflation comme sous la République de Weimar dans les années 1920 ou au Venezuela aujourd’hui, et on efface entièrement l’ardoise.
Les gens qui ont acheté des bons du Trésor US ou épargné en dollars pour leur retraite perdent gros ; les autorités sortent gagnantes.
Une arnaque très simple
Comment faire en sorte que cela arrive ? Très simple.
On commence par dépenser de l’argent qu’on n’a pas. On réduit les recettes fiscales tout en augmentant les dépenses. C’est cette formule qui a donné aux Etats-Unis des déficits réguliers de 1 000 Mds$ à perte de vue.
A 4,6% du PIB, le déficit US est déjà plus profond que le ratio déficit/PIB de l’Italie (2,2%) et de la France (3,1%). Le déficit argentin est plus important, à 5,4%… mais les Etats-Unis rattrapent vite leur retard.
Ensuite, on « monétise » les déficits. Au lieu d’emprunter l’argent ou de lever des impôts, on imprime – en grande quantité.
On a là bien entendu la tendance financière principale de ces 10 dernières années. La Fed a prêté cet argent, à des taux ultra-bas, au secteur financier.
Cela n’ayant pas suffi, elle a imprimé de l’argent supplémentaire – 3 600 Mds$ – et l’a utilisé pour acheter des obligations gouvernementales US. De son côté, Wall Street a pris cet argent pour faire jouer l’effet de levier, et cela s’est transformé en jackpot pour quiconque possédait des actions et des obligations.
En 2009, la valeur du marché boursier US à lui seul se montait à 10 000 Mds$. Désormais, on frôle les 34 000 Mds$. Les investisseurs – soit les 10% les plus riches de la population – sont près de 20 000 Mds$ plus riches… alors même que l’économie n’augmentait que de 7 000 Mds$.
Et puis, le 17 septembre, l’histoire a changé…
La mort en face
Ce jour-là, la Fed a regardé la mort en face. Soudain, les prêteurs habituels – nombre d’entre eux sont étrangers – ne pouvaient ou ne voulaient plus couvrir les déficits US.
La Fed devait choisir. Elle pouvait faire jouer l’inflation… ou simplement laisser les marchés faire leur travail.
Luke Gromen, fondateur de la société de recherches macroéconomiques Forest for the Trees, écrit :
« L’émission brute de bons du Trésor US par le gouvernement américain durant l’exercice fiscal 2019 était de 11 500 Mds$, dont 71% ont été émis à échéance six mois ou moins.
Dans les faits, le gouvernement US se finance lui-même sur les marchés de financement à court terme, de sorte que si la Fed ‘laisse faire les marchés’, le repo [taux d’intérêt sur les marchés de prêt au jour le jour] reviendrait à 10% et le gouvernement devrait ‘rouler’ [refinancer] quelque 6 000 Mds$ au cours des six prochains mois, à 10% ou plus.
Le gouvernement US ne peut pas se permettre de [refinancer] 6 000 Mds$ à 10% ou plus – d’autant plus qu’à un tel taux, l’économie US, extrêmement financiarisée, s’effondrerait.
Les prêts hypothécaires dépasseraient les 12%, de sorte que l’immobilier s’effondrerait. Le système bancaire suivrait probablement très vite. Les émissions de dette corporate s’arrêteraient brutalement – les entreprises ne peuvent pas se permettre de refinancer la dette à 10% et plus.
Il y aurait des défauts record sur la dette corporate US… ce qui, avec un endettement des entreprises aussi élevé qu’actuellement, pourrait facilement effacer la majorité de la capitalisation boursière des Etats-Unis et du reste du monde. » [C’est nous qui soulignons.]
Vous voyez, cher lecteur ? Il n’y a jamais vraiment eu de choix. L’inflation ou la mort ? Les autorités ont fait le seul choix possible. La plupart des gens pensaient que c’était le bon.
Nous verrons bientôt comment – lorsqu’on se retrouve dans un piège de dette – faire le « bon » choix mène au désastre.