La rivalité israélo-iranienne a connu quelques incroyables rebondissements depuis dix ans.
Cette chronique – une fois n’est pas coutume, mais les circonstances le justifient, je vous l’assure – constitue pratiquement la suite de celle de ce lundi concernant le déroulé et l’analyse des événements au Proche-Orient depuis le 17 septembre dernier.
Elle s’était achevée sur l’évocation de trahisons au plus haut niveau du commandement du Hezbollah, peut-être ourdie par des « factions » hostiles aux « Gardiens de la Révolution », l’élite militaire qui assure la survie du régime des Mollah au pouvoir depuis 45 ans.
Cette hypothèse de la haute trahison – version septembre 2024 – fait presque « petit joueur », ou intrigue de roman d’espionnage de « série Z », en comparaison des révélations de l’ancien président iranien Mahmoud Ahmadinejad, enregistrées par CNN Türk ce lundi 1er octobre, une heure après la diffusion de ma chronique.
Des révélations aussitôt reprises avec une légitime fierté par The Times of Israël, i24News et toute une kyrielle de médias pro-israéliens.
Je vous laisse juge…
L’ancien président iranien, élu en 2004 puis 2009 et qui a quitté ses fonctions en 2013, a donc révélé lundi que le chef de l’unité des services secrets chargée de protéger le programme nucléaire secret iranien des investigations ou des tentatives de sabotage d’agents du Mossad et de l’Aman (renseignement militaire israélien) s’était avéré en fait être un super-espion… de l’Etat hébreux.
Ahmadinejad a ensuite stupéfié ses interviewers en affirmant que vingt autres agents de l’équipe de renseignement iranienne chargée de mettre en échec les services de renseignement israéliens se sont transformés en agents doubles.
Une fois retournés contre le régime des Mollah, ils ont fourni à Israël de précieuses informations sur le programme nucléaire iranien, alors dissimulés aux inspecteurs de l’AIE.
C’est ce qui avait entraîné la volte-face de Donald Trump le 8 mai 2018, lequel avait sorti les Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire civil iranien et avait instauré un train de sanctions économiques drastiques contre Téhéran.
C’était il y a six ans, et cela fait six ans que Benjamin Netanyahu fait tout ce qu’il peut pour obtenir le feu vert des Etats-Unis pour s’en aller bombarder et détruire les installations d’enrichissement, et probablement d’assemblage de potentielles munitions nucléaires qui constitueraient – chacun en convient – une menace vitale pour Israël.
Et ce mercredi 2 octobre, la Maison-Blanche vient d’émettre un nouveau veto, selon la chaîne très bien « renseignée » i24News, laquelle ne cache pas – au travers de ses invités – son soutien quasi inconditionnel à Benjamin Netanyahu.
Toute la question est de savoir si ce dernier obéira à Washington, ou passera outre, comme il l’a fait samedi dernier (alors qu’il était de passage à New York pour prononcer un discours à la tribune de l’ONU).
Joe Biden et Emmanuel Macron l’avaient prié la veille de mettre fin à ses frappes sur le Liban et à l’élimination systématique de cadres du Hezbollah, causant des pertes civiles massives (plus 1 100 personnes tuées et au moins autant de blessés et mutilés).
Ils pensaient avoir été entendus… Mais au matin du samedi 27, pas moins de 80 à 85 bombes d’une tonne avaient anéanti un ensemble de cinq tours d’habitation (quartier sud de Beyrouth), sous lequel avait été creusé un des PC où Hassan Nasrallah se réunissait occasionnellement avec des cadres du Hezbollah.
C’est la plus dévastatrice élimination d’un adversaire politique – en termes de tonnes de bombes – de l’histoire de l’humanité, ce n’est pas un record anodin !
La « manière » et le bras d’honneur aux directives présidentielles ont dû « agacer » l’état-major de la Maison-Blanche, lequel vient donc de refuser l’attaque des installations nucléaires iraniennes.
Manifestement, Benjamin Netanyahu semble avoir un « agenda ».
Il consisterait à « finir un job » dans la région (Gaza, Liban, Yémen, Iran ?) pour la date anniversaire du 7 octobre 2023… qui fut une sorte de Pearl Harbour pour les services de renseignement israéliens.
Netanyahu osera-t-il agir en franc-tireur, au risque d’embraser pour de bon le Proche-Orient, et de forcer la Russie et la Chine à s’impliquer ?
Ce mardi, les membres des BRICS ont renouvelé leur « soutien indéfectible à Téhéran », le message est donc très clair.
Les marchés veulent donc croire que Netanyahu laissera tomber son objectif principal et ripostera de manière spectaculaire (il ne doit pas décevoir son électorat), mais symbolique, aux 180 ou 200 missiles iraniens qui n’ont fait aucune victime civile israélienne.
Moins de 24h après l’offensive, des « indiscrétions » (bien orchestrées côté iranien) nous permettent de comprendre que les forces navales américaines et Tsahal avaient été prévenus au moins une heure avant l’heure « H » de cette opération, qui se voulait spectaculaire mais surtout pas meurtrière (Tsahal avait eu le temps de diffuser l’ordre de gagner les abris aux israéliens).
Elle fut suffisamment massive pour saturer et démontrer que les défenses aériennes israéliennes étaient « perméables » : c’est une désillusion majeure pour les Israéliens, laquelle met fin au mythe de l’invulnérabilité du « Dôme de Fer », complété des batteries de missiles « Arrows » antibalistiques.
L’hypothèse serait qu’Israël – qui ne reste jamais sans riposter, l’opinion publique ne le comprendrait pas – viserait symétriquement une base aérienne iranienne ou un site de lancement de missiles, avant le week-end (comme au lendemain des attaques de drones et missiles « lents » du 13 avril, une « vengeance » dévoilée 12 heures à l’avance)… Cela ferait « un partout », et l’honneur serait sauf des deux côtés.
Voilà le scénario auquel les marchés veulent croire, et celui que j’avais envisagé dans ma vidéo quotidienne, enregistrée quelques heures avant d’apprendre que Washington ne voulait pas que les Etats-Unis se trouvent entraînés dans une guerre totale à quatre semaines des présidentielles.
Car une attaque des sites nucléaires de l’Iran ne laisserait pas Moscou ou Pékin sans réaction : l’entourage de Xi-Jinping ne cesse d’avertir que « le droit international et l’intégrité territoriale de tous les pays doivent être respectés ».