Malgré la signature de l’accord de Phase 1, la guerre commerciale Chine/Etats-Unis est loin d’avoir pris fin – tout comme les autres conflits commerciaux dans le reste du monde.
Après la politique de la Fed hier, nous abordons aujourd’hui les guerres commerciales – et ce qu’elles pourraient nous réserver en 2020.
La phase actuelle des guerres commerciales a débuté en janvier 2018, au moment où Trump a instauré des tarifs douaniers sur les panneaux solaires et l’électroménager. Ces tarifs douaniers étaient techniquement neutres (ils s’appliquaient aux importations de toutes origines), mais ils visaient clairement la Chine.
Depuis, l’escalade a été telle que, désormais, des tarifs douaniers américains s’appliquent sur 250 Mds$ d’importations chinoises et que des tarifs douaniers chinois s’appliquent sur 150 Mds$ d’importations américaines.
De son côté, la Chine n’a plus de marge de manœuvre car elle applique déjà des tarifs douaniers sur la totalité de ses importations américaines. Il ne lui reste plus rien. Alors elle réduit ses achats de porc et de soja provenant des Etats-Unis (une tactique destinée à pénaliser les agriculteurs américains dont les voix sont importantes pour Trump).
Ces deux formes d’escalade (les tarifs douaniers et la réduction des achats) sont suspendues actuellement dans la mesure où la Chine et les Etats-Unis sont parvenus à un mini-accord de Phase 1 sur le commerce. Ce mini-accord reporte l’application de nouveaux tarifs douaniers américains (et impliquerait peut-être le retrait de certains tarifs existants). Dans le cadre de cette Phase 1, la Chine s’engage également à augmenter de 50 Mds$ ses achats de produits agricoles américains.
Maintenant, il va falloir négocier la Phase 2…
Il reste des problèmes non résolus, tels que le détournement de propriété intellectuelle, les transferts de technologies obligatoires, la limitation des investissements directs étrangers en Chine et la manipulation monétaire, entre autres.
Autant d’éléments indiquant que la « guerre commerciale » n’est pas seulement une guerre commerciale mais une confrontation plus vaste entre les Etats-Unis et la Chine, et s’apparentant davantage à une nouvelle guerre froide.
La situation d’ensemble a été soulignée dans les discours prononcés par le vice-président Mike Pence, en octobre 2018, puis le 24 octobre 2019. Ils sont disponibles sur le site de la Maison-Blanche.
La voix du secrétaire d’Etat Mike Pompeo s’est jointe à celles de la ligne dure (« hawks ») affirmant que la Chine représente une menace à long terme pour les Etats-Unis, et que la poursuite des activités « comme si de rien n’était » ne protège plus la sécurité nationale américaine. Dans une tribune du Wall Street Journal du 7 novembre 2019, Gordon G. Chang, expert de la Chine et auteur de The Coming Collapse of China [NDLR : La Chute prochaine de la Chine], résume bien les opinions de Pence et Pompeo, souvent qualifiées de « doctrine Pence » :
« Le gouvernement Trump s’oriente vers une rupture fondamentale avec la République populaire de Chine. Cette rupture, si elle a lieu, bouleversera un demi-siècle de politique ‘d’engagement’ de Washington. Les discours identiques prononcés le mois dernier par le vice-président Mike Pence et le secrétaire d’état Mike Pompeo contenaient un vocabulaire hostile, que l’on a rarement entendu, en public, de la part de hauts responsables américains.
‘L’Amérique va poursuivre sa quête de restructuration de ses relations avec la Chine’, a déclaré le vice-président, lors d’un événement se déroulant au Wilson Center le 24 octobre, tout en détaillant le comportement dérangeant de la Chine au cours de l’année écoulé.
Certains affirment que l’intervention du vice-président n’était pas très éloignée de son discours emblématique d’octobre 2018, mais ces observateurs ne voient pas que, face au refus de Pékin de répondre aux initiatives américaines, M. Pence développait patiemment ses arguments en faveur de sévères mesures américaines.
De plus, le fait même que le vice-président reprenne ce sujet est important. Cela suggère que l’approche du gouvernement, largement formulée dans un premier temps en décembre 2017, dans le cadre de la Stratégie de sécurité nationale, s’est durcie. Ce document ne contenait plus les termes ‘amis’ et ‘partenaires’ utilisés depuis longtemps. A la place, la Chine était qualifiée – ainsi que son allié de facto, la Russie – de ‘puissances révisionnistes’ et ‘d’adversaires’.
Lors d’un dîner à l’Hudson Institute, mercredi dernier, M. Pompeo s’est exprimé avec encore plus de franchise : ‘il n’est plus réaliste d’ignorer les différences fondamentales entre nos deux systèmes, ainsi que l’impact… de ces systèmes sur la sécurité nationale américaine’.
L’élite dirigeante de la Chine, a-t-il déclaré, appartient à un parti marxiste-léniniste qui se concentre sur la lutte et la domination internationale. Nous sommes conscients de l’hostilité de la Chine vis-à-vis des Etats-Unis, a souligné M. Pompeo, lorsque nous écoutons ‘les propos de ses dirigeants’. »
La fin des conflits n’est pas pour demain
La guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine n’est pas cette anomalie que décrivent les mondialistes. Elle n’est même pas inhabituelle du point de vue historique.
La riposte de la part de partenaires commerciaux fait totalement partie du jeu. Le libre-échange est un mythe. Il n’existe que sur les bancs des universités. La France subventionne son agriculture. Les Etats-Unis subventionnent leurs véhicules électriques. La Chine subventionne une longue liste d’entreprises phares nationales, via des marchés publics, des prêts au rabais, et la manipulation monétaire.
Toutes les principales économies subventionnent un ou plusieurs secteurs, via la fiscalité et des outils monétaires, les tarifs douaniers et les barrières non douanières.
Les tarifs infligés par Trump à la Chine en janvier 2018 marquent, soi-disant, le début de la guerre commerciale. Mais cette guerre a réellement été initiée par la Chine, il y a 24 ans, lorsqu’elle a dévalué sa monnaie (1994), et elle s’est poursuivie lorsque le pays a adhéré à l’OMC (2001), dont il a immédiatement enfreint les règles.
Désormais, la guerre commerciale est conjointe, mais aucune question cruciale n’a été résolue – ni ne le sera dans un proche avenir.
Les Etats-Unis ne peuvent accepter les garanties chinoises sans mener des vérifications empiétant sur la souveraineté de la Chine. La Chine ne peut accepter les exigences des Etats-Unis sans freiner ses détournements de propriété intellectuelle. Or ils sont essentiels pour qu’elle s’extirpe du piège du revenu intermédiaire dont les économies en voie de développement sont affligées.
De son côté, l’Union européenne est prise entre deux feux. Les Etats-Unis menacent d’infliger des tarifs douaniers sur les voitures allemandes et les exportations agricoles françaises, dans une démarche visant à forcer l’Allemagne et la France à cesser de subventionner certains secteurs privilégiés.
Les Etats-Unis gagneront la guerre commerciale quel qu’en soit le coût. La Chine va perdre la guerre commerciale tout en conservant des avantages sur le plan des détournements de propriété intellectuelle.
Les guerres commerciales vont durer des années, voire des décennies, jusqu’à ce que la Chine abandonne le communisme, ou que les Etats-Unis cèdent leur place en tant que puissance hégémonique mondiale.
Dans les deux cas, ce n’est pas près d’arriver.