La Chronique Agora

De la Grèce aux Etats-Unis, de la Fed à la BCE… laissons les désastres se produire !

▪ Le problème avec la catastrophe financière de 2007-2009, c’est qu’elle n’était pas suffisante.

« Quelle reprise ? » demandait le magazine TIME cette semaine.

Il n’y a pas de reprise. Mais ça, bien entendu, vous le saviez, cher lecteur.

Ce que personne ne semble savoir, c’est « pourquoi ». Nous aimerions faire une petite contribution à la vie intellectuelle de la profession économique et à la compréhension populaire des événements avant, pendant et après la crise de 2007-2009. En d’autres termes, nous avons une explication.

Comment se fait-il que l’économie soit aussi morose ? Comment se fait-il qu’il y ait si peu d’emplois ? Comment se fait-il que les prix de l’immobilier chutent ?

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Voilà ce qui s’est passé ce mercredi :

+300 euros en une matinée et en un seul trade…

+524 euros en une seule séance et en un seul trade là encore…

… deux gains qui viennent s’ajouter à une performance globale de +24,17% depuis le 15 mars 2011

Et vous, où étiez-vous pendant ce temps ?

Pour être là où il faut lors des prochains trades, c’est par ici…

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Nous avons la réponse : parce que les idiots qui gèrent la politique économique n’ont pas laissé sa chance à la catastrophe ! Au lieu de laisser le désastre balayer les mauvais investissements, les mauvais investisseurs, les mauvais banquiers et les mauvaises entreprises, les autorités ont injecté de l’argent pour qu’ils puissent survivre. Eh bien, devinez quoi : ils survivent encore !

Quatre ans après l’effondrement du marché des dettes subprime aux Etats-Unis, il n’y a toujours aucun signe que les choses sont en train de revenir « à la normale ». Les taux de croissance sont bas ou négatifs. Les emplois sont difficiles à trouver. Les revenus des ménages sont en baisse.

La seule chose positive que l’on puisse dire, c’est que l’on a évité un désastre pire encore. Au Japon, par exemple, l’économiste Richard Koo félicite les autorités financières. Grâce à 20 années de déflation par intermittence, ils ont évité une grande perte de PIB et maintenu tout le monde au travail. Certes, les actions et l’immobilier ont chuté de 80%… mais en renflouant les grandes entreprises et les banques, la catastrophe a été évitée.

Puis, en 2008-2009, c’est l’Occident qui s’est fait avoir. Selon l’ancien secrétaire au Trésor US Laurence Summers : « nous avons évité la Dépression en 2008/2009 en agissant avec fermeté ». Aux Etats-Unis, Ben Bernanke, Barack Obama, Tim Geithner et tous les autres se sont précipités pour sauver l’économie, tout comme les Japonais l’avaient fait avant eux. Bernanke a prévenu le Congrès que s’ils n’approuvaient pas immédiatement la législation sur le TARP, « nous n’aurons peut-être plus d’économie lundi ».

Il aurait mieux fait de se taire.

Il a ensuite gonflé le bilan de la Fed de manière à ce qu’il agisse comme une digue. Les eaux sont passées, l’économie américaine a été épargnée.

▪ En Europe, la Grande-Bretagne a renfloué ses banques. L’Europe a envoyé de l’argent vers l’Irlande, l’Espagne et le Portugal. Et l’Irlande a garanti les économies de tous ses citoyens.

Ces efforts aussi ont été couronnés de succès. Toutes les économies d’Europe sont encore à flot. Ou à peu près.

« Généralement, l’économie américaine se remet bien des récessions », continuait M. Summers dans le Financial Times de lundi. « […] durant les quelques années qui ont suivi les deux seules grandes récessions de la période post-Première Guerre mondiale, l’économie s’est développée de 6% ou plus — cela semble inconcevable actuellement ».

Nous en sommes loin. Depuis la crise, la croissance aux Etats-Unis a atteint en moyenne moins de 1% par an. Si l’on tient correctement compte de l’inflation et de la croissance démographique, le PIB américain per capita a décliné ; il est actuellement négatif de plus de 2%, c’est quasi-certain. Cela explique pourquoi des millions d’Américains restent sans emploi deux ans après la soi-disant fin de la récession. Le taux de chômage US officiel est de retour au-dessus des 9%, 25 millions de personnes n’ayant pas d’emploi à plein temps.

Pendant que les revenus des Américains dégringolent, il en va de même pour leurs finances. La dernière dose d’assouplissement quantitatif administrée par la Fed a ressuscité le marché boursier mais pas le marché immobilier — or c’est là que la plupart des Américains ont placé la majeure partie de leur argent. Les derniers chiffres montrent que les prix des maisons ont baissé de 40% en termes réels, et continuent de chuter.

Parallèlement, le Japon est dans un tel pétrin qu’on dirait qu’il n’en sortira jamais. Et l’Europe continue de renflouer les banquiers dont les prêts ont fait du mal à tout le monde — sauf à eux.

▪ Dans toutes ces économies, la stratégie de secours est à peu près la même. Regardez la situation européenne, par exemple. La Grèce vient d’être rétrogradée ; le défaut de paiement (comme nous le prédisons depuis longtemps) semble désormais inévitable. Mais voici la bonne nouvelle : il pourrait aussi être catastrophique.

Qui est le plus grand créditeur de la Grèce ? La Banque centrale européenne. A la fin du premier trimestre 2011, la Grèce avait emprunté 90 milliards d’euros à la BCE. En face, la BCE a un capital positivement royal de… 5,3 milliards d’euros. En d’autres termes, si la dette grecque ne perd ne serait-ce que 6% de sa valeur, la banque centrale de l’Europe est sous l’eau.

Attendez, il y a pire. Les Européens ont utilisé la BCE comme une petite ville utilise une décharge. Ils y jettent tout. En plus de la dette grecque, la BCE détient des actifs douteux provenant de ses 17 membres, pour un total de 1 900 milliards d’actifs. Contre ces actifs, la BCE prête à l’Irlande, au Portugal, à l’Espagne et à d’autres états dans le besoin, acceptant leurs obligations en retour. Si les débiteurs n’assurent pas leurs paiements, les « actifs » de la BCE perdront leur valeur, et la BCE fera faillite.

Le prochain défi arrivera en juillet, lorsque la Grèce aura besoin de plus d’argent. Les commentateurs, les économistes et les empêcheurs de tourner en rond ont déjà prévenu que si on ne s’occupait pas du cas des Grecs, un désastre se produirait.

Parfait ! Eviter le désastre n’a pas fonctionné. Tentons une autre approche.

« L’impact contagieux sur le reste de l’Europe du sud et sur l’Irlande serait, comme l’a dit [M. Trichet], bien trop similaire aux conséquences de l’effondrement de Lehman », écrit John Plender.

La BCE prêtera donc afin de maintenir la Grèce — et elle-même — en activité. Mais en prêtant plus, elle n’améliore pas la qualité de ses crédits ; au contraire, elle les dégrade encore.

Les Japonais sont à peu près dans le même pétrin. Là-bas, le gouvernement doit emprunter pour assurer ses dépenses. Il n’a plus le moindre espoir de se sortir de la dette par la croissance. Le mieux qui puisse lui arriver, c’est de réussir à s’endetter aussi longtemps que possible.

De même, aux Etats-Unis, le moment critique arrivera en août. C’est à ce moment-là que le plafond légal de la dette sera atteint. Ben Bernanke a déjà émis un nouvel avertissement. Si les membres du Congrès US ne se prennent pas en main pour permettre au gouvernement fédéral d’emprunter plus, l’enfer pourrait se déchaîner.

En se basant sur ces faits, nous avons eu une idée modeste : il est peut-être temps de laisser la calamité se produire. Plusieurs murs de briques approchent. Visons l’un d’entre eux, et voyons ce qui se passe.

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