La Chronique Agora

Dette publique : que doit-on faire et que peut-on faire ? (3/3)

On sait assez bien ce qu’il faut faire… Alors, pourquoi ne le fait-on pas ?

Dans notre précédent article, nous avons vu l’une des solutions possibles pour empêcher la dérive des finances publiques.

Pour déterminer ce que l’on devrait faire, nous avons structuré notre propos en cinq types d’orientations en matière de gestion budgétaire. Il ne s’agit pas de révolution, mais de bon sens. Toutes les personnes (sans doute la grande majorité silencieuse, tous métiers, catégories socio-professionnelles et régions confondues) sensées pourront considérer que ces cinq types d’orientations sont porteurs à la fois de progrès économique et de progrès social.

1/ Une approche qui doit baser le niveau de la dépense publique sur la qualité du service rendu.

A écouter tout un chacun, on comprend que le travail est immense, la France ayant la réputation de dépenser beaucoup, mais de surtout mal dépenser.

Ce ne sont pas les audits, les commissions et les débats qui manquent sur le sujet. Alors, on doit à tout prix sacrifier des dépenses publiques élevées qui n’ont pas comme contrepartie une qualité élevée du service public fourni, et réserver au secteur privé concurrentiel la prise en charge de ces dépenses.

2/ Une approche tactique de la dépense publique en sélectionnant mieux les dépenses économiquement et stratégiquement utiles.

Dans le cadre de la politique économique, il faut sans doute éviter une diminution des dépenses publiques qui impliquerait une dégradation importante de la situation économique. Dans la même optique, il s’agit de se donner les moyens d’investir dans la vraie transition énergétique qui est coûteuse (coûts élevés de l’isolation thermique des bâtiments, de la « décarbonation » progressive de l’industrie et de l’encouragement à accélérer la production d’énergies renouvelables).

S’il est bien une situation (sans doute la seule) pour laquelle l’interventionnisme d’Etat se justifie, c’est celle où des investissements (et ceux liés à la transition énergétique en font partie) ne peuvent pas être pris totalement en charge par des investisseurs privés, compte tenu de la faiblesse de rentabilité du capital investi. L’Etat est encore le seul acteur qui peut se permettre de reporter dans le futur des revenus attendus à court terme dans la sphère privée.

3/ Enfin, si l’on veut pouvoir maintenir – voire augmenter – le volet de dépenses sociales utiles pour accroître le capital humain, alors il faut repenser radicalement l’organisation de la fonction publique (organisation, privatisation, objectifs de productivité, surpondérer les opérationnels au détriment des administratifs).

Nous voulons parler de dépenses publiques supplémentaires socialement utiles (équipement des hôpitaux, salaires des personnels hospitaliers, des enseignants et des forces de sécurité).

Pour pouvoir optimiser les dépenses économiquement stratégiques et socialement utiles, il faut pouvoir parallèlement dégager dès à présent des marges de manoeuvre financières. Pour ce faire, nous devons déployer deux dernières orientations.

4/ Pour inverser la tendance sur l’évolution des dépenses publiques, il faudra un jour réformer pour de bon notre système de retraites.

Les retraites publiques représentent presque 14% du PIB en France (10,4% en Allemagne, 8,4% en Espagne, 6,6% au Royaume-Uni).

Certes, la réforme suppose naturellement de privilégier l’ajustement à la hausse de l’âge de départ à la retraite, si l’on veut éviter d’ajuster les autres variables (baisse des prestations ou/et hausse des cotisations). Mais la viabilité financière de cette réforme nécessite de renforcer les systèmes de retraite par capitalisation, via les PER individuels ou collectifs fiscalement attractifs, comme aujourd’hui, et les PER obligatoires généralisés en entreprise.

5/ Enfin, l’optimisation des rentrées fiscales doit être renforcée.

Il faut éviter la dégradation des conditions de l’offre (profitabilité des entreprises) et ne surtout pas revenir sur les baisses des cotisations sociales employeurs et impôts sur la production des entreprises. Cette pérennisation des baisses d’impôts est fiscalement coûteuse à très court terme pour les finances publiques, mais ô combien rentable à moyen terme, car elle permet d’augmenter le taux d’emploi dans l’économie française.

Seconde question : que peut-on faire ?

Dans nos systèmes politiques, bien entendu, le risque principal est le risque d’exécution par les pouvoirs publics des réformes de structure.

Nous n’inventons rien, et tout ce que nous avons évoqué précédemment en matière d’orientations budgétaire est, sous une forme ou une autre, partagé régulièrement que ce soit dans des débats académiques entre économistes, dans des éditoriaux, tribunes, ou dans des analyses ici ou là. Ce sujet fait naturellement l’objet d’ordres du jour fréquents chez les « décideurs » politiques, tant au niveau de l’exécutif qu’au niveau du législatif.

On sait donc assez bien ce qu’il faut faire. Alors, question naïve, mais pourquoi ne le fait-on pas, ou pourquoi ne le fera-t-on pas ? Il y a bien entendu le sujet de l’aléa moral, abordé dans la première partie de cet article, qui n’incite pas à la discipline budgétaire, mais ceci n’explique pas tout.

Après tout, la dérive des finances publiques française est bien antérieure à 2015, date des premiers achats systématiques de titres de dette publique française par la banque de France (en délégation de la BCE). Et puis, il y eut des quantitative easing dans des pays tels que l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas ou la Suisse, ce qui n’empêche pas ces pays d’avoir des règles minimales de bonne gestion budgétaire des deniers publics.

La France, plus que d’autres pays, a créé une caste de « professionnels » de la politique composée très souvent de hauts fonctionnaires qui retournent dans leur corps d’origine en cas de défaite électorale (alors que dans des pays tels que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou la Suisse pour ne citer qu’eux, les fonctionnaires sont tenus de démissionner définitivement de la fonction publique avant de se présenter à un mandat).

Comment faire confiance à un personnel qui va légiférer ou décider sur des sujets qu’ils n’ont jamais expérimentés ou qu’ils connaissent que de manière superficielle – quand ils les connaissent ? Mieux, comment faire confiance à des dirigeants qui n’auront jamais à répondre vraiment de leurs erreurs ? Selon Thomas Sowell : « Il est difficile d’imaginer une façon plus stupide ou plus dangereuse de prendre des décisions que de mettre ces décisions entre les mains de personnes qui n’en tireront pas les conséquences en cas d’erreur. »

Mieux encore, comment faire confiance à un personnel qui sera juge et partie dans le vote de vraies réformes de structure ? Il s’agirait alors de légiférer et de promulguer des lois destinées à réduire à leur plus juste niveau les avantages de ceux à l’origine de ces mêmes lois. Toutes les annonces de maîtrise des déficits en France n’ont, dans ces conditions, aucun crédit.

Que faire alors ?

Pas question de supprimer la démocratie, mais nul doute qu’une vraie réforme des institutions ici comme ailleurs serait salutaire. Et si l’on faisait nommer un gouvernement par une sorte de Conseil des sages (critères à définir) élu, lequel Conseil pourrait révoquer les membres du gouvernement défaillants ? Tout un programme. Sans doute faudrait-il inventer une sorte de permis à point pour membre de gouvernement.

Objectifs : réduire autant que faire se peut incompétence, corruption et courtisanerie, améliorer autant que faire se peut l’efficacité des actions. Le travail serait réalisé au niveau de l’exécutif et la route serait ouverte pour poursuivre la modernisation des institutions au niveau du pouvoir législatif.

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